Mon tableau, comme bien souvent, ne procède pas d’un plan.
Dans la genèse de celui-ci, la grimace de l’avocat précède tous les autres éléments.
Cette mine enjouée à langue déployée me rappelle d’ailleurs celle d’Einstein sur une très fameuse photographie.
Dans le miroir invisible placé devant lui, c’est-à-dire le miroir qu’est pour lui le spectateur, l’avocat observe et réagit à la scène qui se joue derrière lui. On y voit Nietzsche, de son lointain 19e siècle, tendant un miroir à des dinosaures, sous l’oeil amusé du vigoureux dragon.
Comment ne pas comprendre que ces dinosaures représentent une force d’inertie qui nous envahit collectivement, une force liée au pouvoir législatif, au pouvoir des lois elles-mêmes avec leur jargon abscons, loin du peuple, loin des réalités, loin de la vie. Il n’y a peut-être que les élites politiques et les avocats qui y trouvent leur bénéfice.
L’Europe se meurt de son idéalisme, de ses théorisations, de ses complexités administratives, juridiques, bien plus que stériles, morbides, et peut-être fatales, de ses éternelles ratiocinations de vieux dinosaures. Voilà ce que nous suggère Nietzsche avec son miroir : « Regardez ce que vous êtes devenus » nous dit-il, « un monde qui se paralyse ».
Pourquoi, à côté de ce monde-là, des millénaires de civilisation n’ont-ils pas entamé de la même manière, malgré toutes les atteintes, blessures et difficultés, le dynamisme du dragon, vigoureux comme jamais il ne le fut ?