Commentaire des articles 1233 et 1234 du projet de réforme de la responsabilité civile

Publié le 17/09/2020 Vu 17 277 fois 0
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Commentaire du projet de réforme de la responsabilité civile

Commentaire du projet de réforme de la responsabilité civile

Commentaire des articles 1233 et 1234 du projet de réforme de la responsabilité civile

Introduction

 

Miroir de la société civile qui n’a cessé d’évoluer, le droit de la responsabilité civile se devait d’être repensé après la réforme du droit des obligations issue de l’ordonnance du 10/02/16.

Contenant à l’origine que quelques articles, la jurisprudence a pu se livrer selon la doctrine à « une interprétation évolutive ».

Cette œuvre créatrice a cependant ses limites et il revient au législateur de construire une véritable politique juridique.

Le projet de texte commenté a été présenté le 13/03/17 par le Garde des sceaux, ministre de la justice mais récemment, il a été proposé par les sénateurs une proposition de loi en date du 29/07/20 aux fins d’accélérer le processus de réforme.

Est ainsi actée la volonté de modifier les dispositions relatives au Livre III du Code civil afin que cette matière puisse gagner en cohérence au regard du droit comparé.

A ce titre, les articles commentés laissent apparaître l’expression de deux principes urgents : La redéfinition des responsabilités contractuelles et délictuelles (I) et la restauration de la relativité de la faute contractuelle (II).

 

 

I - La redéfinition des responsabilités contractuelles et délictuelles

 

Cette dernière passe par deux temps, la consécration du principe de non cumul des responsabilités contractuelles et délictuelles (A) sous réserve de son application au dommage corporel (B)

 

 

A – La consécration du principe de non-cumul

 

Le texte introduit le principe du non cumul, qu’il assortit aussitôt d’un tempérament pour le dommage corporel (1233-1 du code civil).

Il est nécessaire dès lors qu’on utilise un principe d’en exposer l’utilité :

La responsabilité extracontractuelle vise à réparer l’intégralité du dommage produit par le fait générateur.

La responsabilité contractuelle a une portée plus réduite, on ne peut réparer que le dommage prévisible (1231-3 du code civil) résultant de l’inexécution du contrat.

 

La responsabilité contractuelle suppose la réunion de 3 conditions :

-          L’existence d’un contrat valable ;

-          L’inexécution ou la mauvaise exécution du contrat ;

-          Un préjudice réparable prévu par les parties causé par le comportement défectueux de l’autre partie.

Alors que la responsabilité extracontractuelle est dite contrefactuelle, elle vise à indemniser en totalité le préjudice afin de replacer la victime dans l’hypothèse ou cette dernière n’aurait pas été lésée par un dommage.

 

La responsabilité civile délictuelle a ainsi un caractère résiduel, elle ne s’impose que lorsque la responsabilité contractuelle ne peut pas être recherchée.

 

Le rappel de ce principe vise à interdire le choix fait par la victime entre ces régimes de responsabilité, sachant que les clauses négociées visant à limiter la responsabilité de l’auteur du fait générateur sont interdites en matière délictuelle.

 

Néanmoins,  l’article 1231-3 du code civil permet de neutraliser les clauses limitatives de responsabilité en présence d’une faute lourde.

 

Par ailleurs s’agissant plus spécifiquement de la responsabilité contractuelle, les clauses limitatives de responsabilité seraient privées d’effet en cas de faute lourde ou dolosive.

 

Elles seraient également privées d’effet lorsqu’elles portent atteinte à l’obligation essentielle du débiteur (art. 1282).

 

Actuellement, elles sont réputées non écrites (1170 du code civil).

 

 

B –  Les limites de ce principe en matière de dommage corporel

 

Le texte introduit néanmoins une nouveauté (1233-1 du code civil), en proposant que le dommage corporel soit dans tous les cas réparé sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle, ce même s’il repose sur l’inexécution d’un contrat.

 

L’idée peut paraître saugrenue, mais il s’agit de considérer que la protection de l’intégrité du corps humain échappe aux prévisions contractuelles.

 

En principe, la faute extracontractuelle et l’inexécution du contrat ne doivent pas être confondues, mais la jurisprudence a été amenée à forcer le contrat (obligation de conseil, de sécurité), clauses non prévues par les parties.

 

L’inexécution du contrat se rapproche donc de la faute extracontractuelle (l’obligation de moyen) – Il s’agit de sanctionner une norme de comportement.

 

Cette pratique des tribunaux avait conduit à des solutions parfois inéquitables.

 

L’article 1234  du code civil s’attache quant à lui à la restauration  de la relativité de la faute contractuelle (II)

 

 

 

 

II -  La restauration de la relativité de la faute contractuelle

 

La proposition de loi vise à remettre en cause la jurisprudence établie par l’AP de la Cour de cassation dans l’arrêt Boot Shop (A), mais consacre la nature délictuelle de l’action en réparation du dommage corporel (B)

 

A – La remise en cause de l’arrêt BOOT SHOP par le législateur

 

L’article 1234 du code civil, vise à restaurer la relativité de la faute contractuelle quia avait été remise en cause par l’arrêt de l’AP en date du 06/10/06.

 

En effet,  le contrat n’existe à priori qu’entre les parties, on parle de l’effet relatif des contrats au regard des tiers.

Ce qui signifie que blessé par un même fait générateur, les parties en fonction de leur qualité respective ne pourront pas prétendre à un même fondement d’indemnisation.

L’AP a dû se saisir de la question en raison des divergences entre les chambres civiles et la chambre commerciale (AP, 06/10/06, Myr’ho ou Boot Shop)Un tiers à un contrat peut invoquer sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel si ce dernier lui a causé un dommage.

Cette position tend à permettre une identité des fautes contractuelles et extracontractuelles.

Cet état a été critiqué par la doctrine car cela revient à considérer que la victime d’un dommage peut se prévaloir d’un contrat auquel il n’est pas parti.

Pourtant, il ne peut pas se voir opposer les clauses limitatives de responsabilité contenues au contrat.

N’est ce pas une atteinte trop forte à la notion de prévision contractuelle, telle que les parties les ont souhaitées ?

Le 13/01/20, la position de la Cour s’est affirmée, toute faute contractuelle qui créé un dommage est aussi une faute délictuelle, la victime peut agir sur le fondement de 1240 du code civil.

En effet, il apparaît que la distinction entre les fautes contractuelles et délictuelles tend à perdre de leur intérêt car le législateur construit des régimes spéciaux applicable quelque soit la nature de la faute.

 

B – La réparation du dommage corporel, hors du projet de prévision des parties

 

Selon, le projet de réforme (y compris au Sénat), les dommages corporels seraient désormais réparés sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle, sauf stipulation expresse du contrat.

 

Et, sauf, si un tiers à un intérêt à la bonne exécution du contrat, il pourrait agir alors sur le fondement contractuel ;

Il se heurterait cependant aux limites visées au contrat, à condition qu’il s’agisse d’un tiers intéressé. Le contractant ne pourrait pas limiter sa responsabilité à l’égard du tiers.

 

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