Le législateur a consacré une solution de compromis en inventant de toutes pièces ce que l'on peut appeler un « processus de divorce amiable ».
La loi n° 2016-1547 du 18 nov. 2016, en son art. 50, a profondément réformé, en quelques lignes, le droit du divorce en consacrant le nouveau « divorce par consentement mutuel par acte sous signature privée contresigné par avocats, déposé au rang des minutes d'un notaire ».
La nouvelle structure du code civil mérite d'être soulignée, car cette convention de divorce fait son entrée, assez logiquement, dans le titre VI consacré au divorce, et plus spécialement au début du chapitre 1er intitulé « Des cas de divorce ».
Cette place n'est pas anodine, car le tiret 1er de l'art. 229 fait référence au divorce « consenti », ce qui renvoie implicitement au consentement des parties, alors que le tiret 2 fait référence, lui, au divorce « prononcé », ce qui renvoie cette fois implicitement au juge.
L'opposition dans les sources du divorce est donc très claire : divorce amiable au tiret 1er et divorce judiciaire au tiret 2, ce divorce judiciaire connaissant quatre formes, comme avant la réforme.
Cependant, on remarquera tout de suite que le divorce par consentement mutuel devant le juge devient une figure résiduelle (I) puisque limité à l'hypothèse visée à l'art. 229-2, 1°, c'est-à-dire en cas de demande d'audition d'un enfant (II)
I – La consécration du divorce par consentement mutuel à l’amiable
A – Nature de la nouvelle convention de divorce à l’amiable
Idée de libérer les JAF d’une charge de travail non essentielle, ce qui sur le plan pratique est évidemment faux.
Il a été fait un choix « un processus amiable à six mains » a été créé, lequel est rétif à toute classification connue, tenant un peu de la figure conventionnelle et beaucoup de la figure processuelle.
Le législateur a décidé de garder le terme de « divorce par consentement mutuel » comme expression couvrant tant le divorce par acte d'avocats (qui devient un § 1 au sein de la section 1) que ce qui reste du divorce par consentement mutuel judiciaire (dans un § 2 qui ne concerne plus que le cas visé à l'art. 229-2, 1°).
L'ajout du mot « judiciaire » tend à opposer, si l'on comprend donc bien, deux variétés de consentements mutuels : l'un judiciaire, l'autre par acte d'avocats (convention de divorce).
Mais l'opposition n'est que relative, tous deux relèvent de la famille unique du « divorce par consentement mutuel ».
La loi n'oppose pas la source contractuelle à la source judiciaire.
Ces deux sources se complètent, elles puisent à la même nappe phréatique : le chapitre III du titre VI du code civil.
L'idée sous-jacente est clairement que la réforme ne consacre pas un « contrat de divorce » mais une sorte de « procédure amiable de divorce », même si l'expression n'a pas été écrite.
Le pendant de la procédure de divorce judiciaire, c'est une procédure de divorce amiable.
Cette procédure judiciaire a pour correspondant une procédure amiable, puisque décidée sans le secours d'un juge, mais qui passe par la combinaison de deux actes (avocats et dépôt notarié, outre d'autres actes annexés) dont aucun ne forme à lui seul un « contrat de divorce ».
C'est l'accomplissement de l'ensemble du « processus amiable » qui donne naissance au divorce sans juge.
Aucun acte n'a ce pouvoir à lui seul.
Le divorce sans juge n'est pas contractuel, il est d'essence processuelle amiable.
Il ne découle pas d'un acte unique mais d'une série d'actes et d'une pluralité d'intervenants.
C'est un « processus », pas un contrat.
C'est pour cela que l'extraordinaire périphrase « divorce par consentement mutuel par acte sous signature privée contresigné par avocats et déposé au rang des minutes d'un notaire » cache une intention bien réelle : donner à ce « machin » un statut différent d'un contrat de droit commun, et particulièrement garder ouverte la possibilité de le contrôler a posteriori, ce que l'on ne pourrait faire d'un contrat ordinaire.
D'ailleurs, la réalité de ce contrôle a posteriori n'est même pas dissimulée puisque le législateur le met en place expressément pour les prestations compensatoires que les parties voudront sous forme de rentes et l'a à peine caché pour les prestations compensatoires que les parties décideront de fixer en capital, ou décideront de ne pas fixer.
C'est une convention qui traduit une externalisation de la décision de divorce, mais dont ni le contenu ni les grands équilibres ne sont réellement abandonnés à la liberté des parties.
B – Le juge bien qu’en retrait continue à jouer un rôle essentiel
Le juge a bien disparu de la mise en œuvre du divorce amiable, mais il apparaît aussitôt en recours, seul le contrôle a priori a été supprimé, remplacé par une forme de contrôle a posteriori qui se devine au travers de plusieurs dispositions de la loi.
L’intervention du juge est en effet celle d'un tiers neutre et impartial, représentant du peuple français au nom duquel ses décisions sont prises, et qui est chargé de veiller tout autant à la bonne application du droit qu'à la cohésion sociale et à la préservation de l'intérêt commun, non seulement celui des parties mais aussi celui de la société, sans parler de son rôle de protecteur du plus faible.
Aucun contrat ne permet d'atteindre un tel résultat.
C’est pourquoi, la loi nouvelle, par ses choix discrets, n'a pas réellement fait disparaître le juge et les principes essentiels gouvernant le droit du divorce.
En outre, le législateur compte manifestement sur l'intervention successive de deux professions, avocats puis notaires, pour réduire le risque d'un contentieux « conventionnel » trop important.
Et, l'idée d'une convention de divorce s'imposant au juge quel qu'en soit le contenu, comme le ferait n'importe quel contrat, est une absurdité, il n’y a pas en l’espèce d’intangibilité du contrat.
Le juge s’accordera sans nul doute le droit de contrôler la convention de divorce en application des articles 270 et 271 du Code Civil.
Dès lors, la déjudiciarisation montre ici son vrai visage : on enlève le juge, mais l'on n'accorde qu'une liberté conditionnelle et surveillée. Cette convention ne peut être un contrat de droit commun, elle est sui generis.
La convention de divorce est un acte imparfait, au sens d'incomplet.
C'est le maillon d'une chaîne, d'un « processus amiable ».
II – Par exception, la convention de divorce par consentement mutuel à l’amiable peut devenir judiciaire
A – La demande d’audition du mineur
Si le principe est un divorce amiable sans juge, les conditions négatives du nouveau divorce sont l’absence de demande d’audition de l’enfant.
Cette audition est de droit dès lors que le mineur le demande.
En effet, l’exercice du droit de l’enfant à être entendu, droit issu de la Convention Internationale des Droits des enfants a ainsi un réel impact procédural, dès qu’un enfant demandera à être entendu, les époux devront choisir la procédure de divorce par consentement mutuel judiciaire et ceci que la demande émane d’un seul enfant ou de plusieurs enfants.
L’énoncé de la loi est clair. La convention de divorce doit d’ailleurs expressément mentionner le fait que l’enfant a été informé par ses parents de son droit à être entendu par le juge.
À défaut, la convention sera nulle (art. 229-3 du Code civil).
Cependant, il se pose de nombreuses interrogations sur la simplicité supposée d’un tel mécanisme.
L’audition de l’enfant est subordonnée à son discernement.
Seuls les parents apprécieront ce discernement.
Mais comment fera l’enfant qui, en dehors de toute procédure ne peut pas demander son audition à un juge, pour se faire entendre s’il le souhaitait quand même malgré le choix de ses parents ?
Après saisine du juge, que se passera-t-il si le juge estime qu’il y a absence de discernement et qu’il n’y a pas lieu à l’audition de l’enfant, la procédure restera-t-elle judiciaire ou, au contraire cela obligera-t-il les époux à recommencer leur divorce conventionnellement ?
La rédaction de l’art. 229-2, 1° du Code civil parait pencher vers la solution que le divorce par consentement mutuel se poursuive quand même vu que c’est la demande d’audition de l’enfant, et non la réponse faite par le juge, qui conditionnerait la procédure, mais rien ne dit que les JAF suivront cela.
Au cas où la nouvelle procédure ne pourra donc pas être engagée lorsque l’enfant mineur demandera à être entendu, c’est la procédure actuelle devant le JAF qui continuera à s’appliquer.
La condition essentielle du recours au divorce par consentement mutuel conventionnel est ainsi liée à l’absence de toute demande d’audition d’enfant (C. civ. art. 229-2, 1°).
Elle est par hypothèse remplie lorsque les époux n’ont pas d’enfant commun et en présence d’enfant commun, il faudra que le mineur soit informé par ses parents de son droit d’être entendu par le juge, dans les conditions prévues à l’art. 3881 du Code civil, étant aux parents d’informer leur enfant de son droit d’être entendu et de prendre en compte sa réponse.
B– l existence d un régime de protection pour l’un ou l’autre des époux
Ce nouveau cas de divorce d’autre part ne sera pas possible pour les époux faisant l’objet d’une mesure de protection.
Le législateur a d’ailleurs curieusement prévu que le divorce par consentement mutuel conventionnel ne soit pas ouvert aux époux si l’un d’eux se trouve placé sous un régime de protection (C. civ., art. 229-2, 2°).
Au contraire de cela, le Défenseur des droits recommandait d’ouvrir aux majeurs protégés le divorce par consentement mutuel, comme le divorce pour acceptation du principe de la rupture (Rapport « Protection juridique des majeurs vulnérables », sept. 2016).
Il a certainement été choisi d’éviter un débat après divorce sur la capacité de l’un ou de l’autre des époux de consentir au divorce même si le droit des majeurs protégés comportait par ailleurs déjà un certain nombre de règles protectrices.
Cette disposition a été surtout critiquée car le divorce à l’amiable judiciaire n’est déjà pas possible lorsque l’un des époux se trouve placé sous tutelle, curatelle ou sauvegarde de justice.
De nombreux commentaires ont donc souligné la mauvaise rédaction du nouveau texte dont la condition négative crée l’illusion que, lorsque l’un des époux est placé sous un régime de protection, le consentement mutuel devrait se faire judiciairement.
L’art. 249-4 du Code civil sur le divorce judiciaire est maintenu et interdit aux époux de divorcer par consentement mutuel judiciaire ou d’accepter le principe de la rupture du mariage dès que l’un d’eux est placé sous un régime de protection.
Ainsi lorsque l’un des époux se trouve placé sous un régime de protection, les époux ne peuvent pas divorcer par consentement mutuel, ni conventionnellement ni judiciairement, ceci étant impossible tout simplement (cas de sauvegarde de justice, curatelle, tutelle, mandat de protection future et habilitation familiale).
On ne peut donc qu’être consterné par un tel texte qui reste mal écrit.
Les conditions positives du nouveau divorce d’autre part consistent en un accord sur la rupture du mariage et ses effets. Le divorce par consentement mutuel conventionnel, comme le divorce par consentement mutuel judiciaire, suppose évidemment un accord des époux sur la rupture du mariage et sur ses effets (C. civil, art. 229-1, al. 1er).
Le propre du divorce par consentement mutuel est que les époux s’entendent à la fois sur le principe de la rupture et ses conséquences et sur ce point, le nouveau divorce n’a rien de nouveau. La rupture conventionnelle du mariage est amiable, chaque époux devant être d’accord sur l’ensemble des dispositions y prévues.
La mise en œuvre simplifiée concerne aussi bien le divorce par consentement mutuel conventionnel que les époux mettent en place dès le départ, que la « passerelle » pour laquelle ils optent lorsque, étant en procédure contentieuse (divorce pour acceptation du principe de la rupture du mariage ou divorce pour faute), ils décident de divorcer par consentement mutuel et qu’aucun enfant ne demande son audition par le juge (art. 247 du Code civil).