Cours de droit - T° STMG RH-Communication

Publié le 01/12/2019 Vu 7 038 fois 0
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Présentation du thème : La responsabilité civile

Présentation du thème : La responsabilité civile

Cours de droit  -  T° STMG RH-Communication

INTRODUCTION

Parce qu’elle a pour objet la réparation des dommages subis par les victimes, la responsabilité civile se distingue de la responsabilité pénale qui sanctionne un comportement considéré comme répréhensible par la loi.

Les différents régimes de responsabilité offrent aux victimes un système d’indemnisation qui vise la réparation intégrale des préjudices subis en complément du système d’assurance.

 

PRE REQUIS – VOCABULAIRE

 

Le dommage : Le Droit distingue les dommages aux biens et les dommages aux personnes.

La réparation d'un dommage consiste dans le versement de dommages-intérêts

Les premiers peuvent être définis comme étant une altération volontaire ou non, causée par un tiers, d'un bien ou d'un droit appartenant à celui qui s'en plaint, ayant pour résultat une perte de valeur ou la perte d'une chance.

Il est prévu à l’article 1240 du code civil que tout dommage actuel et certain, sans perte ni profit pour la victime doit être intégralement réparé (on parle de dommage réparable).

Fait générateur : Evènement à l’origine du dommage

 

  Thème I – La responsabilité civile

 

C’est l’ensemble des règles légales et jurisprudentielles qui ont pour objet de substituer une attribution matérielle du dommage à une attribution d’ordre juridique. 

C’est un droit parfois complexe qui est fondé sur quelques règles du code civil et sur beaucoup de décisions judiciaires.

 

C’est un droit qui poursuit trois objectifs principaux :

-          Il répare le préjudice subi par la victime ;

La Cour de cassation vient de le rappeler (Cass. Civ 1, 21.11.2018, V 17-26.766) :

« Quel que soit le préjudice que l'on ressent pour un problème que d'autres peuvent juger négligeable, la justice en tient compte et l'indemnise à sa juste valeur ».

Le juge ne doit pas l'indemniser symboliquement, pour le principe, mais dans son intégralité. Le juge ne doit pas accorder une réparation symbolique au prétexte qu'il jugerait l'affaire sans importance.

-          Il punit l’auteur du dommage ;

-          Il maintient la paix civile dans la société.

Pour permettre à la victime de voir son dommage réparé, la jurisprudence a fait évoluer la notion d’engagement de la responsabilité.

On est alors passé de la notion de faute, à celle de risque.

Les chefs d’entreprise ont ainsi une obligation de résultat en ce qui concerne la santé et la sécurité de leurs salariés (L.4121-1 du code du travail).

Cette volonté, toujours plus forte de protéger d’indemniser les victimes, a conduit au développement et au caractère obligatoire des assurances (moyen de collectivisation du risque à titre onéreux).

Des fonds spécifiques ont également été développés (ONIAM) pour les victimes d’accidents médicaux.

Il est néanmoins nécessaire de faire une distinction entre trois types de responsabilité :

 

I – Les différents types de responsabilité

-          La responsabilité civile contractuelle (1231 du Code civil).  Elle est mise en œuvre toutes les fois qu’il existe un lien entre des parties à un contrat, c'est-à-dire un lien d’obligation (entre un créancier et un débiteur).

 

o   Le contrat a cependant été mal exécuté (ex : je souhaitais absolument acheter une voiture de couleur rouge mais on m’a livré une voiture noire = le contrat a été mal exécuté) 

    Donc, j’engage la responsabilité civile contractuelle du vendeur pour mauvaise exécution du contrat.

o   Le contrat a été inexécuté (ex : j’ai acheté une voiture mais le livreur ne me l’a jamais livrée = le contrat a été inexécuté)

                                      Donc, j’engage responsabilité civile contractuelle du vendeur pour inexécution.  J’obtiendrai, éventuellement des dommages et intérêts en plus de la livraison forcée du bien ou mon remboursement.  La vente sera alors annulée.

-          La responsabilité civile délictuelle (1240 du code civil). Elle est mise en œuvre toutes les fois qu’il existe un évènement (hors contrat) qui produit des effets de droit, on parle alors de fait juridique.

La responsabilité civile est engagée lorsque la faute n’est pas susceptible d’être sanctionnée pénalement.

Elle vise à réparer le dommage qui a été causé à autrui sous la forme de dommages et intérêts.

o   Une antenne relai a été placée à proximité d’une habitation. Les habitants se plaignent de maux de tête liés aux ondes électromagnétiques. Si cela est démontré, ils peuvent engager la responsabilité civile délictuelle du propriétaire des antennes relais.

-          La responsabilité pénale (L.111-3 du code pénal) : Elle est mise en œuvre toutes les fois qu’une infraction pénale a été commise.

 

Donc la responsabilité pénale n’est engagée que si et seulement si j’ai commis :

o   Une infraction (contravention – risque d’amende) ;

o   Un délit (amende + peine de prison) ;

o   Un crime (peine d’emprisonnement)

 

II – Les critères d’engagement de la responsabilité

La définition légale de cette responsabilité est visée aux dispositions de l’article 1240 du code civil. Elle est complétée par (article 1242 du code civil) qui oblige celui qui commet une faute intentionnelle à réparer le préjudice causé.

Pour engager la responsabilité de l’auteur du fait fautif, il faut réunir cumulativement un ensemble de conditions :

 

-          Une faute :

Il faut caractériser le manquement à une obligation juridique.

Mais, le code civil ne comporte aucune définition de la faute.

En 1804 cependant, cette notion a bien été envisagée comme l’élément central du droit de la responsabilité civile. La faute est une notion de droit. La Cour de cassation exerce donc son contrôle quant à sa qualification.

Ainsi, la faute s’apparente-t-elle, à une erreur de conduite, une défaillance.

Selon cette approche, le comportement de l’agent est fautif :

·         Soit parce qu’il a fait ce qu’il n’aurait pas dû faire ;

·         Soit parce qu’il n’a pas fait ce qu’il aurait dû faire.

 

On engage la responsabilité pénale, que, si un texte incriminant le comportement ou l’absence de comportement existe (notamment dans le code pénal).

 

On parle du principe de la légalité des délits et des peines.

 

-          Un dommage :

Il a été porté atteinte à l’intégrité physique ou morale de la victime ;

On distingue trois types d’atteintes, aussi, qualifiées de préjudices :

o   Le préjudice matériel :

Il est causé par le dommage causé aux biens ou aux personnes, on peut demander des dommages et intérêts soit pour la perte subie (le bien a été détruit par un incendie criminel) soit pour le gain dont on a été privé (je devais passer mon bac mais j’ai été renversé par une voiture, je ne peux passer l’épreuve).

o   Le préjudice moral :

J’ai causé à la victime un dommage psychologique (j’ai porté atteinte à ses sentiments ou il a perdu un être cher dans un accident).

On parle d’un préjudice extrapatrimonial lorsqu’il affecte la personne en dehors de ses biens.

o   Le préjudice corporel :

Il est dit mixte car il est à la fois corporel et moral (frais médicaux, perte de salaire) et (souffrances psychologiques et physiques).

o   Le préjudice patrimonial :

On parle de préjudices patrimoniaux lorsque l’on parle du préjudice matériel ;

 

-          Un lien de causalité entre le dommage et la faute commise :

L’exigence d’un rapport de causalité entre le fait générateur et le dommage constitue le troisième terme de l’équation en matière de responsabilité délictuelle.

Pour que naisse l’obligation de réparation, encore faut-il que soit établie l’existence d’une relation de cause à effet.

Afin d’appréhender le rapport de causalité dont l’appréhension est source de nombreuses difficultés, la doctrine a élaboré deux théories :

·         La théorie de l’équivalence des conditions ;

·         La théorie de la causalité adéquate :

 

·         Selon la théorie de l’équivalence des conditions, tous les faits qui ont concouru à la production du dommage doivent être retenus, de manière équivalente, comme les causes juridiques dudit dommage, sans qu’il y ait lieu de les distinguer, ni de les hiérarchiser.

 

Cette théorie repose sur l’idée que si l’un des faits, à l’origine de la lésion, n’était pas survenu, le dommage ne se serait pas produit.

Aussi, cela justifie-t-il que tous les faits qui ont été nécessaires à la production du dommage soient placés sur un pied d’égalité :

EX : Si je donne un coup de couteau au bras à une personne et que je ne savais pas qu’elle était hémophile, qu’elle meurt, je serais néanmoins responsable car je suis à l’origine du dommage.

o    Selon la théorie de la causalité adéquate, tous les faits qui ont concouru à la production du dommage ne sont pas des causes juridiques.

 

Cependant, tous ces faits ne sont pas placés sur un pied d’égalité, dans la mesure où chacun possède un degré d’implication différent dans la survenance du dommage.

Aussi, seule la cause prépondérante doit être retenue comme fait générateur de responsabilité.

 

Il s’agit, en d’autres termes, pour le juge, de sélectionner parmi les causes qui se présentent à lui, celle qui a joué un rôle majeur dans la réalisation du préjudice.

 

EX : Si un individu se promène avec son chien, le chien voit un chat et le propriétaire lâche la laisse. Le chien aperçoit après un individu et lui court après. Menacé, ce dernier court et se fait heurter par une voiture.

o   Selon la théorie de l’équivalence des conditions, le propriétaire du chien sera responsable car il est à l’origine du dommage.

o   Selon la théorie de la causalité adéquate, ce sera le conducteur du véhicule qui sera responsable car c’est lui qui a créé le dommage direct.

Pour conclure, il faut rappeler que la difficulté est que le Code civil n’a pas donné de définition du lien de causalité, il est donc revenu à la doctrine le soin de le définir.

Néanmoins, il faut différencier la causalité juridique qui est celle considérée comme étant suffisante par le juge pour produire des effets juridiques et celle scientifique qui est fondée sur la certitude.

Pour autant, afin de ne pas nuire à l’ensemble des victimes de préjudices subis après une vaccination, il faut en matière médicale et dans le cadre d’une incertitude scientifique rappeler que :

 « Civ.1°, 18/10/17 » précise :

En l’absence de certitude scientifique, le lien de causalité entre l’administration du vaccin contre l’hépatite B et l’apparition d’une sclérose en plaques doit être juridiquement prouvé par la réunion d’indices graves, précis et concordants.

 

III – Les causes d’exonération de la responsabilité

Les articles 1240 et 1241 du Code Civil instaurent une responsabilité pour faute prouvée, donc les conditions de la responsabilité de l’auteur doivent être établies par la victime.

Le responsable peut alors se défendre en démontrant en quoi son comportement n’est pas fautif. La victime est alors déboutée de son action.

Si la faute est établie, le responsable peut s’en exonérer, soit par le recours à la cause étrangère.

 

L’exonération par le fait d’une cause étrangère

C’est un fait extérieur au responsable. Elle opère une rupture du lien de causalité entre la faute et le dommage subi par la victime. Elle permet ainsi d’exonérer le fautif de sa responsabilité.

 

L’exonération par le fait de la force majeure

C’est un évènement irrésistible, imprévisible et extérieur qui échappe au contrôle du responsable, contraignant celui-ci à la commission du fait dommageable (AP, 14/04/06 – quel que soit le type de responsabilité – contractuelle ou délictuelle).

Ces caractéristiques sont appréciées par le juge.

Dans deux arrêts récents, il a ainsi été jugé :

« Dans le premier arrêt (Cass. 2e civ., 8 févr. 2018, n° 16-26.198, P+B+I), le tiers avait poussé la victime sur les rails alors que le train redémarrait.

La Haute juridiction affirme que :  le comportement du tiers qui pousse un usager contre une rame alors que celle-ci redémarre n’est nullement irrésistible pour la RATP, qui dispose de moyens modernes adaptés permettant de prévenir ce type d’accident, de sorte que le fait du tiers ne présentait pas les caractéristiques de la force majeure exonératoire de la responsabilité pesant sur elle ».

Dans le second arrêt (Cass. 2e civ., 8 févr. 2018, n° 17-10.516, P+B+I), le tiers, souffrant de schizophrénie, avait ceinturé et entrainé la victime sur les rails, et l’enquête avait conclu à un homicide volontaire et un suicide.

Le Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme a indemnisé les ayants droit de la victime et s’est par la suite retourné contre la SNCF.

Pour exonérer cette dernière de toute responsabilité, la Cour de cassation relève que « aucune altercation n’avait opposé les deux hommes qui ne se connaissaient pas, qu’un laps de temps très court s’était écoulé entre le début de l’agression et la collision avec le train (…) et qu’aucune mesure de surveillance ni aucune installation n’aurait permis de prévenir ou d’empêcher une telle agression, sauf à installer des façades de quai dans toutes les stations ce qui, compte tenu de l’ampleur des travaux et du fait que la SNCF n’était pas propriétaire des quais, ne pouvait être exigé de celle-ci à ce jour ».

Elle en déduit que c’est à bon droit que la cour d’appel a conclu à la caractérisation d’un cas de force majeure.

La solution sur ce second point semble mettre un point final à la rigueur d’appréciation de la force majeure exonératoire de la responsabilité du transporteur (par exemple, Cass. 1re civ., 21 nov. 2006, n° 05-10.783, Bull. civ. I, n° 511 ; pour une appréciation de la faute de la victime non constitutive de la force majeure : Cass. ch. mixte, 28 nov. 2008, n° 06-12.307, Bull. civ. ch. mixte, n° 3), courant qui avait été amorcé en 2011 (Cass. 1re civ., 23 juin 2011, n° 10-15.811, Bull. civ. I, n° 123).

En 2011, toutefois, la force majeure avait été appréciée eu égard au comportement du tiers ; or dans les deux espèces, la Haute juridiction prend également en considération les contraintes et possibilités matérielles des transporteurs afin de prévenir les risques.

Désormais, l’élément déterminant de la caractérisation de la force majeure semble être la possibilité matérielle pour les transporteurs de prévenir le comportement du tiers.

Ces arrêts marquent une césure avec l’appréciation traditionnelle de la force majeure dont les caractéristiques sont appréciées intrinsèquement au comportement du tiers, imprévisible, irrésistible, voire extérieur.

Il semblerait que la Haute juridiction ait apprécié la force majeure à l’aune de la définition donnée par l’ordonnance portant réforme du droit des obligations (Ord. n° 2016-131, 10 févr. 2016, JO 11 févr. ; C. civ., art. 1218 : « Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu'un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l'exécution de son obligation par le débiteur »), ou encore en écho au projet de réforme présenté par la Chancellerie, le 13 mars 2017.

Pour mémoire, l’article 1253 du projet prévoit que « en matière extracontractuelle, la force majeure est l’évènement échappant au contrôle du défendeur ou de la personne dont il doit répondre, et dont ceux-ci ne pouvaient éviter ni la réalisation ni les conséquences par des mesures appropriées ».

En effet, le projet de réforme du droit de la responsabilité reprend en substance l’appréciation de la force majeure en matière contractuelle formulée par l’ordonnance portant réforme du droit des obligations.

Quoi qu’il en soit, cette homogénéisation est souhaitable, compte tenu des deux fondements susceptibles d’être invoqués pour engager la responsabilité des transporteurs (C. civ., art. 1242 et 1231-1).

 

L’exonération par le fait d’un tiers ou de la victime

Civ.2°, 17/12/63, l’exonération totale de l’auteur d’une faute peut résulter du fait d’un tiers ou de la victime sans que les faits soient nécessairement fautifs.

Mais ils doivent être à l’origine du dommage et être exonératoire (cas de force majeure ou cause étrangère).

Si c’est le cas, le fautif n’encourt aucune responsabilité.

Dans le cas contraire (absence de force majeure ou de cause étrangère), on parle de responsabilité in solidum, c'est-à-dire que tous les auteurs du dommage doivent le réparer et ne peuvent se rejeter la faute entre eux.

Ex : une victime est rouée de coups par plusieurs individus, l’un de ceux-ci ne peut s’exonérer en invoquant la faute de l’autre.

Si une personne est blessée en raison de son imprudence, le fautif peut voir sa responsabilité atténuée si :

-          Le comportement de la victime est fautif (imprudence, négligence, comportement positif).

La réparation sera moindre, à proportion de sa faute, en fonction de la position prise par le juge.

 

L’exonération par le recours aux faits justificatifs

On les retrouve surtout en matière pénale (L.122-4 et s du code pénal) : ordre ou autorisation de la loi, commandement de l’autorité légitime, légitime défense, état de nécessité, mais dans le domaine de la responsabilité civile on y ajoute (l’acceptation des risques et le consentement de la victime).

 

L’acceptation des risques

On lui trouve sa principale application en matière sportive.

La victime blessée, pendant la pratique d’un sport, peut obtenir réparation du fautif, sauf si ce dernier prouve que la victime avait accepté les risques.

-          Elle ne peut cependant être invoquée lorsque la responsabilité est engagée sur le fait des choses (1242al1 du code civil).

Elle est subordonnée à deux conditions :

-          La victime avait connaissance d’un danger particulier qu’elle avait en toute conscience acceptée (compétition sportive).

-          Il faut que les risques soient normaux. Le danger était prévisible, les règles du jeu avaient été respectées. En revanche, la mort n’est jamais un risque qui était supposé avoir été accepté.

Si ces éléments sont réunis, on ne peut engager la responsabilité de l’auteur du fait dommageable.

Cependant, désormais les tacles à la gorge seront considérés comme une faute grossière susceptible d’engager votre responsabilité !

C’est ce qu’il ressort d’un arrêt de la Cour de cassation, 2e chambre, du 29 août 2019 !

 Cette faute caractérise une violation des règles du jeu par excès d’engagement et excédant les risques normaux de ce sport et est donc de nature à engager votre responsabilité !

Les tacles assassins ne font donc (malheureusement) pas partie des « risques acceptés par les joueurs » !

 

Le consentement de la victime

Ce n’est pas un fait justificatif en droit pénal, la sanction ayant pour but de protéger l’intérêt général.

En revanche, il faut distinguer entre les dommages :

-          Si on est face à un dommage matériel et que la victime est consentante pour que son bien soit détruit (course de voiture avec contact), la victime ne peut prétendre à réparation ;

-          En revanche, la victime ne peut consentir que son corps soit violenté. Le corps humain est dit indisponible, même si on a consenti à une mutilation, on peut en demander la réparation (1240 et 1241) sous réserve de la notion de faute de la victime qui diminue le montant perçu.

 

Les clauses limitatives de responsabilité ou exonératoires de responsabilité

Les clauses qui visent à ne pas réparer le dommage subi dans le cadre d’une responsabilité délictuelle (propriétaires de locaux commerciaux qui déclinent toute responsabilité envers les visiteurs), ces clauses sont nulles car il ne peut y avoir de convention exonératoire de responsabilité en matière délictuelle.

Elles seraient possibles en matière de fait des choses ou du fait d’autrui, mais cela pourrait changer avec la réforme de la responsabilité civile délictuelle.

 

IV – La réparation du préjudice

La réparation du dommage (ou préjudice) doit être intégrale (ni perte ni profit), c’est à dire qu’elle doit replacer la victime dans l’état où elle se trouvait avant la survenance du sinistrel’indemnité ayant pour mesure le préjudice subi.

Le principe de réparation intégrale impose une appréciation concrète du préjudice effectivement subi et sa mise en œuvre relève donc du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond. 

En revanche, le pouvoir des juges du fond n’est pas discrétionnaire, de sorte que le juge ne peut aller au-delà de ce que la victime réclame.

 

 A - La réparation ne doit pas être inférieur au dommage réparable

Deux conséquences : 

· Le juge ne peut pas allouer une réparation symbolique ou forfaitaire ;

· Le préjudice qui présente les caractères requis pour être juridiquement réparable (né, direct et certain) doit être intégralement réparé.

 

 B – Des exceptions au principe de la réparation intégrale du dommage existent

Elles peuvent résulter de : 

· La loi :

Par exemple, la législation sur les accidents du travail et maladies professionnelles qui n’offre aux victimes qu’un régime de réparation forfaitaire, lequel ne peut assurer une réparation intégrale de la victime ;

· Les conventions internationales :

Par exemple, en matière de transports internationaux ferroviaires ou routiers de marchandises ;

· Les limitations conventionnelles :

En matière contractuelle, le débiteur n’est tenu que des dommages et intérêts prévus ou prévisibles ;

 

C – La date d’évaluation du dommage

Le moment où la créance de réparation naît dans le patrimoine de la victime se situe à la date du dommage en matière extracontractuelle et à la date du contrat ou de la mise en demeure en matière contractuelle.

La créance de réparation naît au jour du dommage mais est évaluée en principe à la date du jugement, à moins que la dette de réparation ne se soit trouvée liquidée avant.

Quand le dommage ne consiste qu’en une perte d’argentla jurisprudence a longtemps décidé que le montant nominal ne pouvait être augmenté.

Désormais, la jurisprudence récente considère que le principe de réparation intégrale impose d’actualiser ce montant au jour du jugement.

 

D - Tempéraments

La date d’appréciation du dommage peut être avancée. 

Par exemple, c’est le cas : 

· En matière d’assurances de choses, l’indemnité est fixée en fonction de la « valeur de chose assurée au moment du sinistre » (L. 121-1 du Code des assurances) ; 

· En matière de transport international de marchandises routier ou ferroviaire, la réparation des pertes ou avaries est calculée d’après la valeur de la marchandise au jour de l’expédition (Convention de Genève du 19 mai 1956 et CMR article 23.1) ; 

· Lorsque la victime par son comportement retarde le règlement de la réparation, la réparation sera évaluée à la date du dommage (Cass. Civ. 20 décembre 1950 et Cass. Soc. 1er mars 1957).

La date d’appréciation du dommage peut également être retardée, notamment lorsque l’évaluation se fait à une date postérieure à la dernière décision des juges statuant sur le principe de réparation.

 

E – Les difficultés d’application du principe de réparation intégrale du préjudice

-          Le cas de la chose vétuste 

Lorsqu’un dommage est causé, par exemple, à un immeuble vétuste, doit-on appliquer un abattement afin de tenir compte de cette vétusté ?

Par exemple, en matière de réparation du préjudice corporel subi par un jeune enfant dont l’état n’est pas encore consolidé, souvent, le juge accordera une provision et surseoira à statuer jusqu’à la consolidation de l’enfant (en général, autour de 18/20 ans) pour se prononcer sur l’évaluation définitive du préjudice corporel.

-          Si on applique un abattement tenant compte de l’ancienneté de l’immeuble, alors la victime ne pourra pas reconstruire l’immeuble sans devoir débourser une partie des fonds : donc la victime s’appauvrit.

-          Si on ne tient pas compte de l’état antérieur de l’immeuble, la victime s’enrichira dans la plupart des cas, puisqu’une plus-value sera apportée à son bien compte tenu des travaux de réfection.

La chose vétuste qui est détruite à la suite du fait dommageable, doit être distinguée de celle qui est détériorée : 

Lorsque la chose vétuste est détruiteselon une jurisprudence constante, il n’y a pas lieu, en principe, à application d’un coefficient de vétusté. 

Par exemple, la faute de l’auteur du dommage est prise en compte en matière de journalisme, lorsque les faits présentés sont faux ou déformés (TGI Paris, 26 juin 1996, CA Paris 26 avril 2001), de sorte que cela aboutit à présenter l’intéressé sous un jour défavorable aux yeux du public.

En revanche, le caractère fautif du comportement du défendeur ne doit pas être pris en compte lorsqu’il n’a aucune incidence sur l’étendue du préjudice subi par la victime.

 

Le problème de la prédisposition de la victime en matière de réparation du dommage corporel

En principe, la prédisposition de la victime n’entache pas le principe de la réparation intégrale.

Ainsi, lorsque le fait dommageable a révélé ou provoqué l’affection subie par la victime, elle sera indemnisée intégralement car la prédisposition pathologique était restée en sommeil jusqu’au jour de l’accident.

En revanche, lorsque les pathologies de la victime étaient extériorisées antérieurement au fait dommageable, il sera tenu compte de cet état pour fixer le montant de l’indemnisation.

Jurisprudence (Civ.2° ; 23/03/17)

« La Cour de cassation se prononce sur le point de savoir si la victime par ricochet peut se prévaloir de la réparation de deux préjudices distincts, celui temporaire du « choc » psychique de la perte d’un être cher et celui, consolidé, de la dépression réactionnelle.

 

« À la suite de l’assassinat de son mari, Mme X. a réclamé la réparation des préjudices en résultant, à savoir d’une part la souffrance ressentie à raison de la disparition de son époux et, d’autre part, l’atteinte à son intégrité psychique dans la mesure où elle souffre d’une dépression post-traumatique.
La cour d’appel de Paris, le 17 septembre 2015, a fait droit à cette demande, opérant une distinction entre la « douleur de la perte » et le « déficit fonctionnel permanent ».


Le fonds d’indemnisation s’est pourvu en cassation, faisant valoir que le dommage résultant de la perte avait d’ores et déjà été indemnisé, au titre du préjudice moral se manifestant par le stress post-traumatique, sur le fondement du principe de l’interdiction d’indemniser deux fois le même préjudice.
La problématique, à laquelle était confrontée la Cour de cassation, peut donc être reprise en ces termes : la réparation du préjudice d’affection, en sus de la réparation du préjudice moral lié au développement d’un déficit fonctionnel permanent, ne contrevient-elle pas à l’interdiction de réparer deux fois le même préjudice ?
La Cour précise que « parfois les préjudices subis par les proches d’une victime peuvent être de deux ordres, les uns subis dans leur propre corps, les autres résultant du rapport à l’autre, le déficit fonctionnel permanent et les souffrances endurées relevant du premier ordre, le préjudice d’affection du second ». Ainsi, selon la Cour, le préjudice d’affection, caractérisé par le traumatisme subi par la perte d’un proche, est un préjudice distinct du préjudice moral lié au déficit fonctionnel permanent, ressenti à la suite du décès.
La position de la Cour de cassation diffère donc de la définition du préjudice d’affection proposée par la Commission "Dintilhac" (Dintilhac J.-P. (dir.), Rapport du groupe de travail chargé d’élaborer une nomenclature des préjudices corporels, Doc. Fr., juill. 2005, p.38), qui précise qu’« il s’agit d’un poste de préjudice qui répare le préjudice d’affection que subissent certains proches à la suite du décès de la victime directe. Il convient d’inclure, à ce titre, le retentissement pathologique avéré que le décès a pu entraîner chez certains proches ». La Cour de cassation en prend nettement le contre-pied, en l’espèce. Pour autant, cette position s’insère dans la brèche ouverte par le projet de décret instaurant une nomenclature des postes de préjudices résultant d’un dommage corporel, publié par le ministère de la Justice le 20 novembre 2014. En effet, il y est proposé qu’en cas de préjudice d’affection« le retentissement pathologique de la maladie de la victime directe sur un de ses proches (soit) appréhendé de façon autonome par les différents postes de préjudice de la nomenclature ».
Le projet de décret mentionne le déficit fonctionnel permanent au titre des préjudices extra-patrimoniaux permanent de la victime directe, ce dont il résulte que la victime par ricochet peut se prévaloir de ce chef de préjudice, en sus, lorsque la souffrance est « consolidée ».
La Cour, en faisant le choix de s’inscrire dans la ligne directrice du projet de décret, opère un revirement de jurisprudence, puisque, jusqu’ici, elle refusait, de manière constante, de cumuler l’indemnisation du préjudice d’affection et du préjudice du déficit fonctionnel permanent. Ceci, aux motifs que « le préjudice moral lié aux souffrances psychiques et aux troubles qui y sont associés  étant inclus dans le poste de préjudice temporaire des souffrances endurées ou dans le poste de préjudice du déficit fonctionnel permanent, il ne peut être indemnisé séparément » (Cass. 2e civ., 5 févr. 2015 n° 14-10.097 P+B, Bull. civ. II, n° 22 ; v. également Cass. 2e civ., 16 sept. 2010 n° 09-69.433, Bull. civ. II, n° 155).
Ce revirement reste néanmoins surprenant en ce que le cumul d’indemnisation a été reçu, en l’espèce, au bénéfice de la victime par ricochet. Or la jurisprudence le refuse pour la victime directe (arrêts précités). On observera, également, que cette décision revient sur une jurisprudence pourtant postérieure au projet de décret.
À terme, une homogénéisation des régimes d’indemnisation de la victime directe et par ricochet s’avère donc plus que souhaitable.
À cet égard, on relèvera que le projet de réforme du droit de la responsabilité prévoit quant à lui que « les préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux résultant d’un dommage corporel sont déterminés, poste par poste, suivant une nomenclature non limitative des postes de préjudices fixée par décret en Conseil d’Etat » (Projet de réforme de la responsabilité civile, art. 1269 – Mars 2017). Reste donc à savoir si le projet de décret de 2014 fixant nomenclature sera ou non repris… »

 

F – L’application d’une réparation spécifique : La perte de chance

L’une des applications les plus courantes de la perte de chance est la sanction d’un manquement à une obligation d’information ou de conseil.

En raison de l’incertitude qui pèse sur l’attitude qu’aurait eue la victime si elle avait été dûment informée ou conseillée, les juges indemnisent la perte d’une chance de prendre une décision qui aurait évité le dommage.

Des chances existaient qui, par suite de la faute commise, n’ont pu être courues et ont été définitivement perdues.

 

 A - Le régime juridique applicable

 

Il est aujourd’hui prétorien.

En dehors de la matière médicale, la responsabilité des professionnels du droit constitue un terreau fertile pour la perte de chance.

Invoquée par le client comme préjudice subi à la suite d’une faute commise, le plus souvent dans les arrêts, par un avocat ou un notaire, la perte de chance permet à celui-ci d’obtenir une indemnisation et de sanctionner l’absence de comportement diligent du professionnel.



B - Caractérisation de la perte de chance

 La perte de chance qui est réparée à la suite de l’engagement de la responsabilité d’un professionnel du droit est, dans la majeure partie des cas, celle d’obtenir un avantage.

 

Il résulte de la jurisprudence sur la perte de chance en général que celle-ci peut en soi être de deux types :

 

-          La chance perdue indemnisable peut être celle d’obtenir un avantage (perte de chance positive) ou celle d’éviter un désavantage (perte de chance négative).

 

C’est la première – la perte de chance positive, que l’on rencontre le plus souvent en matière de responsabilité des professions juridiques.

 

La reconnaissance d’une perte de chance suppose que l’on ne puisse pas réparer le préjudice final subi par la victime, c’est-à-dire la non-acquisition définitive de l’avantage escompté ou la réalisation irrémédiable du désavantage redouté.

Si la perte de chance ne se conçoit pas indépendamment de la réalisation d’un préjudice final, elle ne peut exister et être réparée qu’à la condition que ce préjudice final ne puisse pas être indemnisé.

 

Car la perte de chance est un préjudice intermédiaire qui, lui, va pouvoir être réparé.

 

En conséquence, chaque fois que les conditions pour indemniser le préjudice final sont réunies, la perte de chance ne doit pas lui être substituée.

 

Tel est le cas dans deux hypothèses :

Tout d’abord, la perte de chance ne doit pas être réparée aux lieu et place du préjudice final lorsqu’il ne fait aucun doute que la faute du professionnel est à l’origine du préjudice final.

 

À l’inverse, chaque fois qu’un aléa affecte le processus dommageable, qu’il est difficile de savoir ce qui se serait passé sans la faute du professionnel, c’est la simple perte de chance qui doit être réparée.

 

Ensuite, la perte de chance ne doit pas être réparée lorsque le préjudice final constitue un préjudice certain.

 

Quand le gain manqué n’est assorti d’aucun aléa, c’est la non-obtention de ce gain qui doit être réparée.

 

Certains arrêts ont ainsi condamné les professionnels du droit à indemniser leurs clients à hauteur du préjudice final.

En revanche, lorsque le préjudice final est incertain, le client n’a perdu qu’une seule expectative de gain.

La non-obtention d’un gain aléatoire ne saurait constituer un dommage certain juridiquement réparable. C’est la perte de chance d’obtenir ce gain incertain qui doit être réparée.

 

Une chance n’a pas pu être tentée en raison de la faute du professionnel, la disparition de cette chance constitue dès lors un préjudice certain, et partant réparable.

Ainsi, la perte de chance ne peut être caractérisée que dans certaines circonstances particulières : en cas d’incertitude du lien causal entre la faute et le préjudice final ou d’incertitude du préjudice final.

 

 

B - Conditions de la réparation de la perte de chance

La réparation de la perte de chance est subordonnée à deux conditions essentielles :

 

Première condition

 

 Le préjudice de perte de chance doit, tout d’abord, être direct.

Cette première condition renvoie à l’exigence constante d’un lien de causalité avéré entre la faute du professionnel du droit et le préjudice allégué, en l’occurrence la perte de chance.

Cette condition est appréciée plutôt souplement.

Par exemple, il a été jugé qu’il y avait un lien de causalité entre la faute d’un avocat consistant à ne pas avoir respecté les conditions pour que la résolution unilatérale d’un contrat produise ses effets et la perte de chance d’échapper à une action en résolution judiciaire (Cass. 1re civ., 30 avr. 2009, n° 08-15.820, précité).

Sans la faute, en effet, le client n’aurait vraisemblablement pas été assigné en résolution judiciaire.

Seconde condition

Le préjudice de perte de chance doit, ensuite, être certain.

 Cette seconde condition se dédouble :

Il faut, d’une part, que la perte de la chance alléguée soit certaine, ce qui signifie que la chance ne doit définitivement plus pouvoir être courue.

En effet, la perte de chance est écartée lorsqu’une chance d’obtenir l’avantage escompté court encore.

À titre d’exemple, la perte de chance d’obtenir la cassation d’une décision de justice ne donne pas lieu à réparation, car les clients de l’avocat en cause disposaient encore de la possibilité de se pourvoir contre la décision litigieuse, celle-ci ayant été signifiée par un acte dont la mention relative au délai du recours en cassation était erronée (Cass. 1re civ., 21 nov. 2006, n° 05-15.674, Bull. civ. I, n° 498).

En revanche, l’existence d’autres moyens pour obtenir l’avantage escompté ne rend pas la perte de chance incertaine.

Le préjudice de perte de chance est réparé même si le client dispose contre un tiers d’une action en responsabilité, une telle action ne privant pas la perte de chance de son caractère actuel et certain (Cass. 1re civ., 19 déc. 2013, n° 13-11.807, Bull. civ. I, n° 254).

Il faut, d’autre part, que la chance qui a été perdue ait elle-même été certaine.
Par voie de conséquence, la perte de chance ne peut pas être reconnue lorsqu’il n’existait aucune chance que le client obtienne gain de cause.

Derrière ces termes différents, la question qui se pose fondamentalement est de savoir si une chance perdue, même minime, peut donner lieu à réparation.

Classiquement, la Cour de cassation admettait sans la moindre ambiguïté que « la perte certaine d’une chance même faible » était indemnisable (Cass. 1re civ., 16 janv. 2013, n° 12-14.439, précité).

Elle acceptait la réparation alors même que la probabilité de réalisation était extrêmement faible, par exemple de 5 %.

La Cour de cassation n’entendait donc pas fixer un seuil en-deçà duquel l’indemnisation était écartée.

En définitive, pour que le préjudice de perte de chance soit réparable, pour que la chance soit réelle et sérieuse, il fallait et il suffisait que la chance alléguée ait, au vu des circonstances de l’espèce, objectivement existé, si faible soit sa probabilité de réalisation.

C’était sans compter sur des arrêts rendus en 2014 et 2015 qui ont semé le trouble en posant l’exigence d’un « préjudice direct et certain résultant de la perte d’une chance raisonnable » (Cass. 1re civ., 30 avr. 2014, n° 13-16.380, précité ; Cass. 1re civ., 30 avr. 2014, n° 12-22.567, précité ; Cass. 1re civ., 25 nov. 2015, n° 14-25.109, précité).

Certains commentateurs en ont déduit que lorsque la chance perdue était minime, la perte de cette chance n’était pas réparable.

Deux arrêts de 2016 ont dissipé tous les doutes sur l’indemnisation de la perte d’une chance faible. Celle-ci est bel et bien réparable.

Dans l’affaire donnant lieu à un arrêt du 12 octobre (Cass. 1re civ., 12 oct. 2016, nos 15-23.230 et 15-26.147, précité).

En énonçant que toute perte de chance ouvre droit à réparation, il ne fait aucun doute que la Cour de cassation n’opère pas de distinction selon l’ampleur de la chance perdue.

Une chance élevée comme une chance faible peuvent être indemnisées dès lors qu’elles sont perdues en raison d’une faute du défendeur.

La Haute juridiction renonce ainsi à procéder à une appréciation quantitative de la chance perdue. Seul compte le fait que la chance qui a disparue existait, peu important sa plus ou moins grande probabilité de réalisation.

Le principe exigeant l’existence d’un préjudice direct et certain a par ailleurs récemment été admis par le CE :

« L’impossibilité pour une victime de suivre une scolarité puis d’exercer une activité professionnelle du fait d‘un accident corporel survenu lors de sa naissance constitue un préjudice certain indemnisable au titre de la perte de chance, l’incapacité de déterminer le parcours scolaire ou professionnel qui aurait été suivi ne faisant pas obstacle à une telle indemnisation. 

CE, 5° et 6° ch. réunies, 24 juill. 2019, n°408624 »

 

C - Mise en œuvre de la réparation de la perte de chance

La réparation de la perte de chance est seulement partielle.

Elle est limitée à la valeur de la chance perdue (v. not. Cass. 1re civ., 9 déc. 2010, n° 09-69.490, Bull. civ. I, n° 255).

Par conséquent, la réparation de la perte de chance ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée (Cass. 1re civ., 16 juill. 1998, n° 96-15.380, Bull. civ. I, n° 260 ; Cass. 1re civ., 9 avr. 2002, n° 00-13.314, Bull. civ. I, n° 116 ; Cass. 1re civ., 9 déc. 2010, n° 09-69.490, précité).

L’indemnisation accordée, pour le dire autrement, est nécessairement inférieure à celle qui aurait été due si la perte de l’avantage escompté avait été certaine.

La réparation de la perte de chance ne représente dès lors qu’une fraction des chefs de préjudice supportés par la victime, qu’une parcelle du préjudice final.

L’admission d’une réparation partielle ne porte pas pour autant atteinte au principe de la réparation intégrale, car le préjudice constitué par la perte de chance est bien réparé intégralement.

 

D – Evaluation de la perte de chance


Ce sont les juges du fond qui se voient confier une mission d’évaluation de la perte de chance et qui ont en la matière un pouvoir souverain d’appréciation (pour un rappel récent, v. Cass. 3e civ., 18 févr. 2016, n° 15-12.719, précité ; Cass. 1re civ., 12 oct. 2016, n° 15-23.215, précité ; Cass. 3e civ., 24 nov. 2016, n° 15-26.226, publié au Bulletin Cass. 1re civ., 16 nov. 2016, n° 15-25.513). En conséquence, le contrôle de cassation est assez réduit.

La Haute juridiction se contente de vérifier que les arrêts n’ont pas alloué la réparation du préjudice final ou une réparation forfaitaire (v. not. Cass. 3e civ., 10 nov. 2016, n° 15-25.113, publié au Bulletin ; Cass. 3e civ., 24 nov. 2016, n° 15-26.226, précité), ou encore une réparation inférieure au préjudice de perte de chance.

En règle générale, les juges se livrent à un calcul de probabilités. Ils évaluent la probabilité de réalisation de la chance, autrement dit la probabilité que l’événement espéré se réalise.

Ils mesurent concrètement cette chance perdue en déterminant d’abord la valeur de l’événement espéré (victoire du procès, recouvrement de la créance, etc.) puis en appliquant à cette somme un facteur correspondant à la probabilité de cette réalisation.

Pour cette raison, la valeur de la chance perdue est souvent fixée sous forme de fraction, par exemple 25 % (CA Nancy, 1re civ., 10 avr. 2000), 50 % (CA Angers, ch. civ. A, 10 mars 2015, n° 13/00820), 80 % (CA Nancy, 1re civ., 28 janv. 2008) ou 90 % (CA Rennes, 1re civ., 20 oct. 2015).

La responsabilité du fait personnel

 

La faute se définit selon Planiol, comme la violation d’une obligation préexistante mais il serait illusoire de les lister de manière exhaustive.

La faute civile est ainsi souvent définie en référence à tout comportement inapproprié car inspiré par l’intention de nuire ou parce qu’il apparaît déraisonnable ou maladroit.

La faute est le fondement de la responsabilité civile (Cons.Constit, 09/11/99)

L’article 1240 du Code civil ne la définit pas expressément. Ces conditions d’engagement nécessitent la réunion de 3 éléments :

-      Une faute

-      Un dommage

-      Un lien de causalité

FAUTE

A cet égard, il faut rapporter la preuve d’un élément matériel (acte répréhensible) apprécié par le juge in abstracto.

Elle peut être caractérisée par un acte positif (commission) ou négatif (omission).

La combinaison des articles 1240 et 1241 permettaient de dégager traditionnellement deux types de faute :

-      Intentionnelle (volonté de causer un préjudice)

-      Non intentionnelle (négligence ou imprudence)

 

Mais ont été ajoutées, les fautes :

 

-      Caractérisée (faute d’une gravité certaine – loi du 10/07/00) = en matière sportive, malgré l’acceptation des risques, entraîne la condamnation du partenaire sportif à réparer le préjudice ;

-      Inexcusable (d’une gravité exceptionnelle dérivant d’un acte ou d’une omission volontaire, de la conscience du danger que devait en avoir l’auteur et de l’absence de toute cause justificative (Cass.1° civ, 02/10/07)

Désormais, la notion de faute a été objectivée et la suppression de l’élément moral a été réalisée par la loi du 03/01/68, puis par l’arrêt (AP, Durguini et Lemaire, 09/05/84) :

-      Intentionnelle (volonté de causer un préjudice)

-      Non intentionnelle (négligence ou imprudence)

 

DOMMAGE

Pour donner lieu à indemnisation, le dommage doit être certain, direct et légitime, immédiat et personnel.

Il peut être matériel ou moral (Cass Civ, 13/02/1923).  

Il peut s’agir d’un préjudice d’agrément (troubles ressentis dans les conditions d’existence – (Cass.AP, 19/12/03).

Le dommage peut parfois n’être cependant que « probable » :

 

Le risque de dégâts futurs consécutifs à un glissement de terrain peut amener le juge à imposer des mesures préventives. Ainsi en a décidé la Cour de cassation dans son arrêt du 24 octobre 2019.

Pour protéger le terrain en contrebas de sa propriété, un particulier a été contraint d'édifier un mur de soutènement.

Réalisé sans respecter les règles de l'art, le mur s'est révélé d'une stabilité précaire. Les défauts de construction menaçaient sa pérennité à plus ou moins long terme. La cour d'appel a jugé que non seulement il ne protégeait pas le terrain voisin mais qu'il aggravait les risques. Elle l'a condamné à effectuer des travaux pour y remédier.

Pour contester la décision, le constructeur a argumenté sur l'absence d'éléments permettant d'avoir la certitude d'un effondrement ou de son caractère inéluctable.

Le juge a estimé que le risque d'effondrement, l'absence de mise en œuvre d'un mur de gros œuvre permettant de maîtriser les terres et les eaux excédaient les inconvénients normaux de voisinage.

CAUSALITE

La causalité, l’article 1240 du Code civil impose un lien de causalité entre le fait générateur et le dommage. Il existe deux théories principales :

-      La théorie de l’équivalence des conditions. On opère un tri et l’on prend en considération plusieurs causes (tous les évènements ou conditions en l’absence desquels le dommage ne se serait certainement pas produit) – arrêt du 27/03/03 (si plusieurs causes ont participé à un même dommage et qu’elles en ont été les conditions nécessaires, toutes sont en cause) ;

-      La théorie de la causalité adéquate. Le tri opéré doit être plus précis et plus fin. On exclut tout ce qui n’est pas la cause directe du dommage, on ne retient que la cause génératrice du dommage.

Le juge exige que l’enchaînement des causes ne soit pas trop discutable pour que la RCD puisse jouer.  La causalité est une question de droit et la Cour de cassation censure les arrêts qui ne caractérisent pas assez les circonstances par des faits (2°, civ, 17/03/82).

 

EXONERATION

Disparition de l’élément objectif de la faute

Il s’agit des faits justificatifs. Cette notion est empruntée au droit pénal et renvoie aux qualités personnelles ou aux circonstances matérielles intervenant comme cause d’irresponsabilité.

 

Il peut s’agir de circonstances extérieures :

L’ordre de la loi (une opération chirurgicale est licite alors qu’elle occasionne des blessures), le commandement de l’autorité légitime, si l’ordre est légal ou provient d’une autorisation, l’état de nécessité, une personne commet un dommage car c’est le seul moyen existant pour en éviter un plus grave (pour soi ou autrui).

 

 Il peut s’agir de faits liés à l’attitude de la victime :

Il peut y avoir un partage de responsabilité ou une disparition totale de la faute. La légitime défense, si elle est caractérisée, supprime le caractère délictueux du dommage. Le consentement de la victime (le consentement de la victime libre et éclairé joue un rôle justificatif dans les dommages matériels. On ne peut consentir à un dommage corporel ; le corps humain étant indisponible). L’acceptation des risques. La victime participait à une activité dont elle connaissait les risques, elle est prise en compte dans des circonstances particulières (sport) mais ce n’est pas une cause d’exemption générale de la responsabilité.

 

LA REPARATION

Le dommage doit être direct, certain, personnel et légitime pour que la victime puisse prétendre à une indemnisation mais les victimes, par ricochet, peuvent également être indemnisées. Depuis (Ch. Mixte, 27/02/70), il n’est plus nécessaire de justifier d’un lien de droit pour être indemnisé, revirement du principe posé (Cass.Civ, 27/07/37).

Par nature, le corps humain est inviolable = réparation intégrale du dommage.

2226 du Code Civil : le préjudice corporel se prescrit 10 ans après la consolidation

2224 du Code Civil : préjudice matériel = 5 ans

Possibilité de réparer la perte de chance (perte d’une éventualité favorable) ou depuis un arrêt Ch. Sociale du 25/09/13, le préjudice d’anxiété dont les contours ont été définis.

 

MISE EN ŒUVRE DE LA REPARATION

Distinguer entre l’action de la victime et l’action des ayants droits.

La faute de la victime est opposable aux victimes par ricochet qui réclament l’indemnisation du préjudice (Cass.2°, 16/01/14)

Elles peuvent poursuivre l’action à titre d’ayant droit, la faute leur est opposable car ils disposent des droits du défunt.

 

La responsabilité du fait des choses

 

I – Conditions de responsabilité du fait des choses

 

La faute se définit selon Planiol comme la violation d’une obligation préexistante.

L’article 1242 du Code Civil, (anc.1384) dispose que l’on est responsable des choses que l’on a sous sa garde.

 

A partir de cet ancien article, la jurisprudence a créé un régime général de responsabilité du fait des choses (Arrêt Teffaine, C. Cass, Ch. Req, 16/06/1896).

 

Depuis l’arrêt Jand’heur (Chambres réunies, 13/02/1930), il s’agit de toute chose que l’on a sous sa garde ; la seule exigence étant qu’il s’agisse d’une chose matérielle.

 

La chose peut alors être, meuble ou immeuble (Cass.req, 06/03/1928), dangereuse ou non (Chambres réunies, 13/02/1930), inerte ou en mouvement (Cass.Civ, 19-24/02/1941), actionnée ou non par la main de l’homme (Chambres réunies, 13/02/1930).

 

En revanche, sont exclus les « res nullius », sauf s’ils sont appropriés et le corps humain en vertu du principe d’indisponibilité.

 

Par ailleurs, pour que la chose soit à l’origine du dommage, il faut qu’elle joue un rôle actif dans la production de ce dernier.

Le rôle actif est présumé quand la chose est en mouvement ou lorsque la chose est entrée en contact avec la victime.

Si la chose est inerte (Civ.2°, 19/11/1964) ou s’il n’y a pas de contact (Req, 19/06/1945), la victime doit en prouver le rôle actif.

Il s’agit alors de prouver que la chose a été l’instrument du dommage.

Il n’est cependant pas nécessaire que la chose ait un vice inhérent à sa nature, susceptible de causer le dommage (Cass.Civ, 16/11/1920).

Enfin, la dernière condition nécessaire à l’engagement de la responsabilité du fait des choses relève du fait de savoir qui en a la garde.

Selon l’arrêt Franck (Cass.Ch. réunies, 02/12/41), la garde de la chose est caractérisée par les pouvoirs d’usage, de contrôle et de direction, c'est-à-dire à une notion de maîtrise effective de la chose par son gardien.

Il s’agit d’une responsabilité objective. Il n’est pas nécessaire que le gardien ait une capacité de discernement (Arrêt Gabillet, AP, 09/05/1984).

La garde est en principe alternative et non cumulative, c'est-à-dire que plusieurs personnes ne peuvent être considérées en un même temps comme les gardiennes de la chose (Cass.Civ 2°, 11/05/1956).

Une présomption de garde pèse sur le propriétaire de la chose mais c’est une présomption simple (Req, 03/07/1934).

 

Ce dernier peut s’exonérer sous trois conditions :

-      En prouvant le transfert de la garde de la chose, volontaire ou non ;

 

-      En prouvant le transfert involontaire de la chose.  La chose à l’origine du dommage a été dérobée au propriétaire (Cass.Ch. réunies, 02/12/41) ;

 

-      En prouvant un transfert volontaire admis restrictivement (Cass.2°, 14/12/99),

2 arrêts :

 

o   Le transfert n’a pas lieu lorsque le propriétaire confie la chose à un tiers pour une durée limitée et dans un but précis et /ou lorsqu’il confie la chose dans son propre intérêt.

 

Récemment, la Cour de cassation « Com, 19.12.2018, F 17-25.948 » a pu décider que :

« le propriétaire d'un navire de plaisance qui se détache n'est pas toujours responsable des dégâts qu'il cause ; la chaîne est une installation portuaire et le navigateur n'en est pas le "gardien".

 

 Jusqu'à l'anneau de la bouée, l'amarre est un équipement public donc l'utilisateur n'est pas responsable. Il ne peut être tenu de réparer que ce qui relève de son fait et non de la chaîne sous-marine.

 

Pour certains biens, il est possible de faire la distinction entre la garde de structure

et la garde de comportement de la chose (thèse de Goldman, 1946) – Arrêt Oxygène Liquide (Cass.2°, civ, 10/06/1960).

 

II – Régime de la responsabilité du fait des choses

Il s’agit d’un régime de responsabilité de plein droit. Le gardien de la chose qui a causé le dommage est responsable et ne pourra s’exonérer qu’en prouvant qu’il n’a lui-même pas commis de faute (Chambres réunies, 13/02/1930).

 

Il existe, cependant, plusieurs causes d’exonération totale ou partielle de responsabilité :

 

Le gardien ne peut s’exonérer de sa responsabilité que par la preuve d’un cas fortuit ou de force majeure, ou d’une cause étrangère qui ne lui serait pas imputable (un évènement imprévisible et irrésistible, Cass.AP, 14/04/06).

 

Le fait d’un tiers ou le fait de la victime qui présente les caractéristiques de la force majeure entraîne l’exonération totale du gardien de la chose ou son exonération partielle, si la notion de force majeure n’est pas retenue.

 

 Cf : Une cour d’appel qui, tout en considérant qu’un circuit aménagé illégalement était en lui-même potentiellement dangereux, relève que l’accident litigieux est dû à un manque de vitesse du vélo lorsque la victime a tenté de franchir l’ultime bosse du parcours et donc à une allure inadaptée du cycliste et non à l’obstacle lui-même, et retient que le circuit n’a joué qu’un rôle passif dans l’accident, en déduit à bon droit que celui-ci ne peut être considéré comme ayant été l’instrument du dommage au sens de l’article 1384, alinéa 1, du code civil, devenu l’article 1242, alinéa 1, de ce code, l’accident étant exclusivement imputable à l’imprudence fautive de la victime.

2e Civ. - 14 juin 2018. REJET

 

Cependant, dans un arrêt du 06/10/98, la Cour de Cassation 1° Civ a admis l’exonération du gardien au motif que la faute de la victime constituait la cause exclusive de son dommage sous réserve, pour le gardien, de revêtir les conditions de la force majeure déjà citée.

 

Selon la jurisprudence, enfin, la notion d’acceptation des risques est une source d’exonération de la responsabilité du gardien (Cass.2°, 04/11/10).

 

III – Exemple jurisprudentiel d’un régime spécial de responsabilité du fait des choses

Le 17 janvier 2019, la Cour de cassation se prononce sur la responsabilité des propriétaires de chiens à l’origine d’un accident, en l’absence de contact de ces animaux avec la victime.

Sont tenus de réparer les dommages causés à la victime d’une chute de cheval les propriétaires des chiens non tenus en laisse qui, par leur comportement anormal (arrivant en courant d'un talus en surplomb non visible, accentuant ainsi l'effet de surprise et de peur), même sans s’être approchés à moins de dix mètres, sont à l’origine de l’emballement du cheval de la victime (emballement soit du fait des chiens, soit du fait d’un autre cheval lui-même affolé par les chiens).

Telle est la solution que l’on peut dégager d’un arrêt rendu le 17 janvier 2019 par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation.

Responsabilité engagée ?

En l’espèce, le 30 septembre 2008, une personne avait été victime d'une chute de cheval alors qu'elle se promenait avec un autre cavalier et que les chiens de deux autres personnes s’étaient trouvés sur leur chemin. Avec ses parents, elle avait assigné les propriétaires des chiens et leurs assureurs, en indemnisation de leurs préjudices.

Ces derniers faisaient grief à l'arrêt de les déclarer responsables in solidum de l'accident, de les déclarer tenus in solidum à réparer les dommages causés à la victime et à ses parents, faisant valoir que la responsabilité du propriétaire d'un animal suppose la preuve du rôle actif de cet animal dans la survenance du dommage, et qu'en l'absence de contact avec la victime, le rôle actif de l'animal résulte soit de l'anomalie de sa position, soit de son comportement, ce qu’ils contestaient en l’espèce.
Comportement anormal des chiens

Ils n’obtiendront pas gain de cause devant la Cour suprême, qui approuve les juges d’appel. Ces derniers avaient relevé, d'une part, qu'alors que les deux cavaliers avaient fait une vingtaine de mètres dans l'impasse dans laquelle ils s'étaient engagés au pas, deux gros chiens qui jouaient ensemble s’étaient soudain mis à courir vers eux.

 

 D’autre part, elle avait constaté que ces deux chiens de grosse taille, débouchant du talus en surplomb en courant en direction des chevaux, avaient manifestement affolé l’un d’eux, quand bien même ils ne s’étaient pas approchés à moins de dix mètres des chevaux et n'avaient montré aucune agressivité. Pour la cour, la chute de la victime, cavalière confirmée et de très bon niveau, ne pouvait s'expliquer que par l'emballement de son propre cheval, soit du fait des chiens, soit du fait du cheval de l’autre cavalier lui-même affolé par les chiens.

 

 Elle avait enfin souligné que le fait que ces deux gros chiens non tenus en laisse soient arrivés en courant d'un talus en surplomb non visible avait accentué l'effet de surprise et de peur au moins pour le premier cheval. Selon la Haute juridiction, la cour d'appel, qui a ainsi caractérisé le comportement anormal des chiens a pu, par ces seuls motifs, retenir que les propriétaires des chiens à l'origine du dommage, devaient indemniser la victime et ses parents.

 

 

Application de la loi de 1985 – Les accidents de circulation

 

I – Fondement de la responsabilité issue de la loi du 05/07/85

 

Elle est issue de la loi du 05/07/85 car l’ancien article 1384 ne permettait pas l’indemnisation des victimes, en cas de faute, si elles présentaient les caractéristiques de la force majeure.

Elle est le fruit de l’arrêt DESMARES « Civ.2°, 21/07/82 ».  Il pèse, en effet, sur le conducteur, qui est impliqué dans l’accident, une obligation de garantie.

C’est une loi discriminatrice, qui a fait l’objet d’une QPC, mais « Civ.2°, 09/09/10 » a pu considérer que la question ne présentait pas un caractère sérieux puisqu’elle répond à une situation objective particulière dans lesquelles se trouvent les victimes conductrices.

Elle distingue ainsi en fonction des situations :

-      Meilleure indemnisation des préjudices corporels

-      Selon l’âge de la victime, elles sont ou non super privilégiées (enfant – personnes âgées) dans l’indemnisation.

 

De ce fait, ce n’est pas une loi qui met en jeu la responsabilité proprement dite mais elle est une loi d’indemnisation.

Elle repose sur un nouveau trinôme : implication du véhicule – préjudice – indemnisation.

 

II – Domaine de la loi de 85

L’article 1° fixe le champ d’application du texte :

 

C’est un régime spécifique qui s’applique même si la victime avait conclu un contrat de transport.

 

Le fait que le véhicule soit en mouvement ou non est indifférent, de même qu’il y ait ou non un conducteur (Civ.2°, 25/10/07)

 

S’il n’y a pas de contact entre la victime et le véhicule, la victime doit prouver l’implication de ce dernier (Civ.2°, 14/01/16).

 

-      Les victimes d’accidents de la circulation dans lesquels est impliqué un VTM, avec sa remorque ou semi remorque, à l’exception des chemins de fer et des tramways qui circulent sur des voies qui leurs sont propres.

 

Pour les tramways, ils circulent sur des voies séparées des autres usagers (Civ.2°, 18/10/95) sauf s’ils traversent une voie empruntée par d’autres usagers de la route (16/06/11) – on applique la loi de 85.

 

Ou dans le cadre de cascade réalisées sur les voies de circulation provisoirement interdite pour le tournage d’un film (Cass.2°, civ, 14/06/12).

 

-      Une mini-moto est un VTM (Cass.2°, 22/10/15)

 

Exclusion

 

-      Dans le cas d’un franchissement de passage à niveau, la Cour de cassation a pu considérer que la SNCF pouvait se prévaloir de la loi de 85 mais, l’automobiliste, de la responsabilité du fait des choses (Civ.2°, 17/03/86)

 

-      Elle s’applique cependant sur toutes voies de circulation (parking de stationnement)

 

-      Le VTM doit être utilisé dans sa fonction de « déplacement » et non en tant que machine – outils, c’est une activité spécifique qui exclut la loi de 85 – l’incendie d’un camion survenu pendant un chargement ne permet pas d’utiliser la loi de 85 (Civ.2°, 23/10/03)

 

Mais il faut que le juge constate :

 

) que le véhicule est inerte (Cass.2°, 30/06/04)

) que le dommage est le fait d’un élément d’équipement étranger à la fonction de déplacement du véhicule (opérations de chargement et de déchargement(Civ.2°, 08/03/01) ;

 

-      Elle ne s’applique pas lors des compétitions de VTM (Cass.Civ.2°, 28/02/96), ni aux accidents survenus entre concurrents évoluant sur un circuit fermé et dédié à l’activité sportive (Cass.2°, civ, 04/01/06) ;

 

-      Pas d’infraction volontaire (voiture bélier) ;

 

-      Pas de navires, bateaux, métros.

 

Qu’entendre par voies propres ?

 

Cass.civ.2°, 17/11/16, une voie ferrée n’est pas une voie commune aux chemins de fer et aux usagers de la route. On distingue ainsi la voie propre de la SNCF, du tramway, même si le passage à niveau est ouvert, dans ce dernier cas, la présence d’une intersection fait perdre ce caractère à la voie du tramway.

Si un tramway traverse un carrefour fréquenté par les usages de la route « 16/06/11 – loi de 85 » - Permet l’indemnisation intégrale (pas de force majeure et la faute de la victime n’est retenue que dans des conditions strictes.

 

III – Condition d’implication

 

Elle est importante car il n’est plus nécessaire de prouver le lien de causalité entre le dommage et le fait de la chose.

Il peut exister 3 hypothèses :

 

-      Un VTM en mouvement heurte un piéton, un autre VTM, une chose = il y a bien contact, cela suffit à considérer que le véhicule est impliqué dans l’accident.

En revanche, il faut qu’il y ait un conducteur débiteur de l’indemnisation, on ne peut se prévaloir de la loi de 85 à l’égard de son propre assureur si au moment de l’accident la victime a été écrasée par son véhicule car elle n’établit pas en avoir perdu la garde (Cass.1°, 13/07/06) ;

-      Un piéton prend peur alors que le véhicule n’est pas en mouvement = la loi de 85 est applicable si le VTM a bien participé au dommage, mais il faut prouver son implication ;

-      Un VTM immobile et une collision. Le gardien du véhicule peut- il s’exonérer de sa responsabilité en prouvant le rôle passif de la chose ?

-      Un véhicule en stationnement, même s’il ne gêne pas la circulation, est impliqué dans une simple participation à la réalisation du dommage.

En cas de chaîne de collision ou de carambolages, il a été consacré l’existence d’un accident complexe unique – « Cass.2°, 11/07/02 », ce qui suppose pour être constitué un enchaînement continu des collisions « Cass.2°, 22/02/07 » - si existence d’un deuxième accident, il faut rechercher l’implication des véhicules (Cass.2°, civ, 05/03/15).

 

IV – Les victimes

On peut distinguer trois types de victimes :

= les victimes ordinaires (cyclistes, piétons, passagers d’une voiture)

= les victimes transportées en vertu d’un contrat de transport terrestre (on exclut l’aérien et le bateau ou la SNCF, sauf hypothèse du passage à niveau), si l’accident provient de l’implication d’un véhicule autre que le bus ou le taxi, la victime peut agir sur le fondement de la loi de 85 et contre le transporteur au titre du contrat de transport, la force majeure ne sera pas alors invocable.

= les victimes conductrices (4 de la loi de 85 – la faute même légère emporte partage de responsabilité voire exonération)

= les victimes indirectes (par ricochet = se voient opposer la faute de la victime, article 6 de la loi de 85)

 

V – Les auteurs du dommage

Il s’agit du conducteur ou du gardien du véhicule.  Ils ne pourront pas s’exonérer en cas de FM. On exclut le conducteur préposé (il n’a pas la garde de la structure du véhicule, l’action engagée contre lui est irrecevable (Cass.2°, 11/04/02).

On peut rechercher la responsabilité du cycliste qui a contraint un VTM à freiner brutalement, blessant ses passagers = recherche de la responsabilité sur 1242 du code civil.

On peut rechercher la responsabilité du piéton qui a contraint un VTM à freiner brutalement, blessant ses passagers = recherche de la responsabilité sur 1240 du code civil (Cass.2°, 04/03/92).

Si plusieurs personnes sont coresponsables = des recours sont alors possibles.  La contribution à la dette à lieu en proportion des fautes respectives ou en cas d’absence de faute prouvée, l’indemnisation se fera entre eux à parts égales (Cass.2°, 11/12/03).

 

VI – Les dommages

-      Aux biens : article 5 de la loi de 85, quelle que soit la faute de la victime, sa faute limite ou exclut la responsabilité de l’auteur du dommage ;

-      Aux personnes : pour tout dommage corporel, les victimes doivent être indemnisées, le conducteur ou le gardien ne peuvent s’exonérer en ayant recours à la force majeure, seule la faute inexcusable de la victime pourrait les libérer de leur obligation d’indemnisation.

 

Si les personnes décident d’agir contre des personnes autres que le conducteur ou le gardien, le droit commun de la responsabilité trouve à s’appliquer et on retrouve les causes d’exonération de la responsabilité.

 

La victime est éjectée de son véhicule :

Civ.2°, 08/10/09, si c’est à la suite d’un premier accident, elle conserve sa qualité de conducteur si elle est heurtée par un deuxième véhicule, ce qui entraîne la réduction de son droit à indemnisation.

La personne éjectée de son véhicule à la suite d’un premier accident conserve t’il la qualité de conducteur lorsqu’elle est heurtée par un 2nd véhicule ?

La victime non conductrice est mieux protégée.  Pour la jurisprudence, cela dépend des circonstances (s’il y a concomitance entre l’éjection et le choc avec le deuxième véhicule = conducteur = simultanéité des évènements = accident unique en un même trait de temps), les juges du fond ont un pouvoir souverain d’appréciation quant à l’effet exonératoire de la faute de la victime.

Si pas même laps de temps = piéton.

Civ.2°, 01/07/2010, la qualité de conducteur ou de piéton de la victime d’un accident de la circulation ne peut changer au cours d’un accident reconnu comme un accident unique et indivisible.

 

VII – Les qualités de la victime

Elles ont lieu au regard des dommages corporels et l’on distingue entre les victimes conductrices et non conductrices.

 Les conducteurs victimes :

Elles ne sont pas privilégiées, elles ne bénéficient pas de règles protectrices.

La notion de conducteur = personne qui a la maîtrise de son automobile (personne qui est descendue de son véhicule et qui ferme la portière, Civ.2° ; 23/03/17) = le seul fait que le passager d’un VTM manœuvre le volant n’établit pas qu’il se soit substitué au conducteur et qu’il ait acquis cette qualité.

La notion de conducteur-gardien = lorsque le conducteur du VTM a également la qualité de gardien, peut – il invoquer la loi de 85 à l’égard de son assureur en vue d’obtenir l’indemnisation des dommages qu’il a subis directement ou, par ricochet, en l’absence de tiers responsable (éclatement d’un pneu) ?

Non, pour la Cour de cassation (Cass.2°, civ, 07/12/06).

La faute de la victime conductrice permet de limiter ou d’exclure l’indemnisation du dommage qu’elle a pu subir (article 4 de la loi de 85) – limitation, si sous l’emprise alcoolique (Cass.2°, 10/03/04)

Si le conducteur du véhicule n’est pas le propriétaire, la faute de ce conducteur peut être opposée au propriétaire pour l’indemnisation des dommages causés à son véhicule.

 

Appréciation de la qualité de conducteur

« Le "coup de volant" du passager n’opère pas substitution en qualité de conducteur du véhicule.

La Cour de cassation considère que l’intervention intempestive du passager dans la conduite du véhicule ne prive pas le conducteur de sa maîtrise et donc de sa qualité de conducteur.

Rappelons les faits de l’espèce.

Le passager du véhicule, en état d’ébriété au moment de l’accident, a tourné le volant brusquement, sans qu’il ne soit établi que la conductrice (et propriétaire du véhicule) ait perdu le contrôle de celui-ci ou que du verglas soit présent sur la route.

Conductrice et passager ont tous deux été blessés.

Le passager assigne alors la conductrice en indemnisation et cette dernière formule une demande reconventionnelle en indemnisation, arguant du transfert de la maîtrise du véhicule. La défense fait valoir que le passager, ayant donné un « coup de volant », avait acquis la qualité de conducteur du véhicule.

Constatant qu’aucune controverse n’est à relever sur la réalisation des évènements, la cour d’appel de Rennes fait droit à cette demande.

 Elle considère que la conductrice n’ayant manifestement pas perdu le contrôle du véhicule et que le passager ayant « bien saisi brusquement et volontairement le volant », ce dernier « il avait la maîtrise du véhicule avant l’accident ».

La Cour de cassation, au visa des articles 3 et 4 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 (JO 6 juill.) dite loi Badinter, censure l’arrêt, aux motifs que « le seul fait que (le passager) ait manœuvré le volant n’établissait pas qu’il se soit substitué (au conducteur) ».

 

Elle fait, dès lors, une application stricte de la définition prétorienne de la notion de conducteur ; à savoir celui qui, au moment de l’accident, était aux commandes du véhicule (Cass. 2e civ., 29 juin 2000, nos 98-18.847 et 98-18.848, Bull. civ. II, n° 105).

 

Elle n’estime pas que le passager se soit octroyé la maîtrise du véhicule, dans la mesure où le conducteur restait maître des commandes de freinage.

La solution est sévère, dans la mesure où il n’est pas avéré ni même relevé par la cour d’appel que l’accident aurait pu être évité par le conducteur en freinant.


Peut-être la solution aurait-elle été différente si le passager avait été également propriétaire du véhicule.

 Il aurait dès lors pu être considéré comme gardien du véhicule et la demande d’indemnisation du conducteur aurait pu être reçue (comp. le propriétaire d’un véhicule qui dort aux côtés du conducteur reste gardien : Cass. 2e civ., 2 juill. 1997, n° 96-10.298, Bull. civ. II, n° 209 demeure gardien le propriétaire qui prête son véhicule pour une durée limitée : Cass. 2e civ., 14 janv. 1999, n° 97-13.768, inédit).

 

L’indemnisation de l’intégralité du préjudice, subi par le conducteur, n’aurait, pour autant, pas été acquise.

En effet, en raison de la différence de régime des conducteurs-victimes de celui des piétons, cyclistes et passagers, s’il est établi que le conducteur a commis une faute simple ayant contribué à la réalisation de l’accident, le gardien peut bénéficier d’une exonération partielle ou totale de responsabilité (sur ce point, v. Projet de réforme du droit de la responsabilité mettant fin à cette différence de traitement des victimes des accidents de la circulation du 13 mars 2017, art. 1287 ; Brun Ph., Premiers regards sur l’avant-projet de réforme de la responsabilité civile, RLDC 2016/140, n° 6221).
 

 

Nécessité d’un lien de causalité :

La faute doit être en relation avec le dommage (Cass.2°, civ, 04/07/02) = souvent liée à une infraction pénale, mais revirement (AP 06/04/07) = le lien de causalité entre la faute commise par le conducteur et l’exclusion du droit à indemnisation doit être vérifiée par les juges du fond.  Il faut démontrer que la faute a un rôle causal dans l’accident.

 

 L’implication du véhicule

Elle est plus large que la notion de causalité et elle permet de condamner tout conducteur ayant participé de manière quelconque à l’accident :

-          Véhicule en mouvement (= implication), en revanche, le piéton écrasé par son véhicule qui fait marche arrière = pas d’implication au sens de 85 ; 

-          Véhicule à l’arrêt ou en stationnement (abandon, Civ.2°, 23/03/94), peu importe, une personne tombe sur le véhicule, il est impliqué ;

-          Si pas de contact, la victime doit prouver l’implication (Civ.2°, 14/01/16 = si un véhicule se rabat prématurément devant un autre véhicule, l’autre qui brusquement change de file et heurte un autre = implication).

Il appartient alors à la victime de prouver le rôle du véhicule dans l'accident :

A ce titre, la Cour de cassation a récemment rappelé dans son arrêt du 26 octobre 2017 (Civ. 2e, 26 oct. 2017, F-P+B, n° 16-22.462) :

« Qu’en l’absence de contact entre le véhicule et le siège du dommage, les seules déclarations faites par la victime à qui incombe la charge de la preuve sont insuffisantes à établir l’implication du véhicule dans l’accident de circulation ».

Ainsi, en absence de contact et de contestation du tiers responsable, il est important de se constituer des preuves telles que des témoignages ou des éléments matériels (photos, vidéos du quartier).

Dans un exemple récent, la Cour de cassation a pu donner un exemple relatif à cette notion d’implication d’un véhicule dans la commission indirecte d’un dommage :

« Ayant retenu par des constatations souveraines qu’il était établi que Monsieur X avait perdu le contrôle de sa motocyclette au moment où il se rabattait sur sa voie de circulation et que c’est la présence du tracteur qui, alors qu’il était en action de fauchage, circulait à allure très réduite et empiétait sur la voie de circulation, l’avait
contraint à cette manœuvre de dépassement, la cour d’appel a exactement décidé que ce tracteur était impliqué dans l’accident »
Cass. 2e civ., 18 avr. 2019, n° 18-14.948, P+B+I*

Les non conducteurs victimes :

Les victimes sont dites « privilégiées » car elles bénéficient de règles protectrices. Elles sont indemnisées systématiquement et seule la faute inexcusable peut la limiter ou l’exclure, on ne peut leur opposer la faute du conducteur (Cass.2°, 29/02/00).

Définition de la faute inexcusable : d’une exceptionnelle gravité qui expose sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience (20/07/87) = 11 arrêts

Dans un arrêt récent, la Cour de cassation est venue à nouveau définir la faute inexcusable, Cass. 2e civ., 28 mars 2019, n° 18-15.168, P+B :

« Constitue une faute inexcusable de la victime d’un accident de la circulation de nature à exclure son droit à indemnisation, le fait pour un piéton d’avoir, sans raison valable identifiable, adopté un comportement volontaire d’une exceptionnelle gravité en traversant à pied sur la chaussée d’une autoroute à la sortie d’une courbe masquant la visibilité pour les véhicules arrivant sur la voie ; acte l’exposant à un danger dont il aurait dû avoir conscience et qui est la cause exclusive du dommage.

Telle est l’appréciation de la faute inexcusable donnée par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 28 mars 2019.

 

 Les victimes super privilégiées :

En cas de dommage corporel, la faute de la victime n’exonère pas le conducteur, sauf si la victime est âgée de – de 16 ans et de + de 70 ans ou si la victime dont le dommage établit une incapacité d’au moins 80% a voulu le dommage (suicide)

Piétons et personnes transportées dans la voiture.

Indemnisation systématique.

 

Régime spécial des victimes gardiennes

Si la victime n’a pas d’autre débiteur d’indemnisation qu’elle-même, elle ne peut mettre en œuvre la garantie de l’assurance ni en cas de victime par ricochet (exclusion d’une indemnisation si un seul véhicule est impliqué, sauf si la victime peut agir contre un gardien, si elle est conductrice ou contre un conducteur, si elle est gardienne)

 

VIII – Mise en œuvre de ces principes

L’assurance couvre la responsabilité du gardien et du conducteur (même sans l’accord du propriétaire – vol).

Le fond de garantie peut indemniser les victimes (matériel et corporel).

Offre obligatoire si un véhicule est impliqué dans l’accident et qu’il y a un dommage corporel (dans les 8 mois) sous peine du doublement des indemnités (délai non suspendu par la demande d’une nouvelle expertise – Crim, 24/02/15) + être raisonnable et couvrir tous les dommages.

La victime peut accepter ou refuser l’offre (délai de 15 jours)

2224 = délai pour agir (5 ans à compter du jour ou le créancier a connu ou aurait dû connaître les conditions de fond permettant l’exercice de l’action (Com du 26/01/10).

Professionnel – consommateur = 2 ans

Délai dérogatoire de 2225 = Civ.1°, 14/01/16 = 5 ans à compter de la fin de la mission.

2232 = date butoir - 20 ans - à compter de la naissance du droit d’action, soit le jour d’apparition du dommage, sauf dommages corporels.

 

IX – Processus d’indemnisation

La loi du 5 juillet 1985 ou « Loi Badinter » permet aux victimes des accidents de la route d'obtenir une indemnisation. Celle-ci est calculée en fonction de différents critères et des délais doivent être respectés.

 

 Accident de la route : indemnisations

 

Pour les victimes d'un accident de la circulation, qu'elles soient une passagère, une cycliste ou un piéton, une indemnisation est prévue.

 Ceci dit, cette indemnisation ne s’applique pas si la victime a volontairement provoqué ses blessures ou si elle a commis une faute inexcusable (exception faite pour les personnes de moins de 16 ans plus de 70 ans, celles atteintes d'une incapacité permanente ou encore d'invalidité à 80 % ou plus).

Dans le cas du conducteur, l'indemnisation dépendra de sa responsabilité dans l'accident et des conditions de souscription auprès de son assurance.

À savoir, l'indemnisation ne sera pas la même s'il s'agit d'un contrat tous risques ou au tiers. L'indemnisation peut être partielle, totale, nulle.

 

Les types de préjudices

 

L'indemnisation est basée sur le principe de réparation des préjudices corporels et économiques qui découlent de l'accident ainsi que des dommages corporels engendrés par celui-ci.

Le terme dommage corporel désigne l’atteinte à l’intégrité physique ou psychique de la victime. Les différents types de préjudices sont :

 

·         les préjudices patrimoniaux qui englobent les conséquences financières liées à l'accident. Ils peuvent être temporaires (pertes de salaires, etc.), permanent (frais de logement, de véhicule adapté, frais de santé, etc.) ;

 

·         les préjudices extra-patrimoniaux qui englobent les dommages corporels subis et pouvant porter atteinte à l'intégrité de la victime. Ils peuvent être temporaires (par exemple : les souffrances), permanents (par exemple : un préjudice esthétique auquel il n'est pas possible de remédier), évolutifs ;

 

·         les préjudices des victimes indirectes. En cas de décès de la victime, l'indemnisation englobe tout ce qui découle de la perte du proche (obsèques, perte de salaire, etc.)

 

En cas de survie de la victime l’indemnisation englobe les frais divers des proches, perte du salaire de la victime, etc...

 

Les différents préjudices sont réunis dans la nomenclature Dintilhac qui est un outil de référence très souvent utilisé par les assureurs, les juridictions, etc.

 

Elle concerne les victimes directes et indirectes. Un avocat des accidents de la route pourra vous aider à déterminer précisément les différents préjudices dont vous êtes victime et vous obtenir une meilleure indemnisation.

 

Comment procéder ?

 

Dans un premier temps, il vous faudra déclarer l'accident à votre assureur. Si possible, vous devez remplir le constat à l'amiable qu'il vous faudra transmettre dans les 5 jours à la compagnie d'assurances, avec le plus d'informations possible.

 

Vous devrez également joindre votre arrêt de travail, votre certificat médical ou d'hospitalisation, le cas échéant.

 

Par la suite, les compagnies d'assurances sont dans l'obligation de contacter les victimes afin de les informer de leurs droits d'indemnisation et de leur faire une offre en fonction des préjudices subis.

 

L'assureur fournit un questionnaire dans lequel la victime donne les informations nécessaires pour juger des différents types de préjudice. La victime doit y répondre sous 6 semaines.

 

S'ensuivra l'examen médical qui prendra une forme particulière selon chaque cas :

 

·         indemnisation accident corporel léger : un examen des justificatifs médicaux sera effectué par un médecin mandaté par la compagnie d'assurances ;

 

·         indemnisation accident corporel : une expertise médicale est réalisée par un médecin expert diplômé de la réparation du dommage corporel pour les victimes le demandant et pour les victimes dont les dommages corporels sont plus importants. La victime doit être prévenue du rendez-vous au moins 15 jours avant et peut se faire assister par le médecin de son choix.

Le rapport de l'expert devra vous être envoyé dans les 20 jours qui suivent.

 

 

L'offre d'indemnisation de la compagnie d'assurances

 

L'assureur bénéficie d'un délai de 8 mois suivant l'accident pour proposer l'offre d'indemnisation ou d'un délai de 3 mois après la demande d'indemnisation de la part de la victime, sauf si l'assureur peut démontrer que le dommage n’est pas totalement mesuré ou que les responsabilités ne sont pas clairement définies. Le délai sera prolongé si :

 

·         la victime refuse l'examen médical ;

·         l'assureur n'est pas prévenu de l'accident dans le mois ;

·         la victime attend plus de 6 semaines avant de retourner le questionnaire.

 

Au-delà, un intérêt s'ajoutera au montant.

Les destinataires de l'offre sont généralement la victime, les héritiers (en cas de décès), le partenaire (PACS, concubin ou conjoint), le représentant légal, le juge des tutelles ou le conseil de famille, selon les cas.

Aucun délai n'est imposé à la victime pour donner sa réponse et elle peut revenir sur sa décision dans les 15 jours qui suivent sa réponse en envoyant un recommandé avec accusé de réception.

Dans le cas où la victime accepte l'offre d'indemnisation, l'assureur devra payer dans les 45 jours la somme fixée sinon il devra verser des intérêts.

 

En cas de désaccord avec l'offre

 

Si la victime considère l'offre qui a été faite par la compagnie d'assurances insuffisante, elle a la possibilité de la refuser. Il est possible de demander une nouvelle offre.

Il est également possible de saisir le tribunal, dans ce cas, la somme sera versée à la fin du procès.

 

 Dans le cadre d’un accident de la circulation ayant entrainé une aggravation du dommage de la victime, cette dernière est habilitée à demander la réparation de la perte de gains professionnels futurs et de la perte de chance d’une promotion professionnelle. 

Cass. 2e civ., 23 mai 2019, n° 18-17.560, P+B+I

 

    La responsabilité du fait d’autrui

 

L’article 1242 du Code civil prévoit quatre régimes spéciaux de responsabilité du fait d’autrui :

-          La responsabilité des parents du fait de leurs enfants mineurs

Les parents, car ils exercent l’autorité parentale, sont solidairement responsables des dommages causés par les enfants mineurs habitant chez eux. La victime a donc un choix d’action, soit poursuivre l’enfant, auteur du dommage en lui opposant sa responsabilité du fait personnel (Voir Cours 1 sur la responsabilité) soit agir contre ses parents.

 

I – Conditions de mise en œuvre

Il faut que l’enfant mineur ait commis un dommage et qu’il y ait une victime, que les parents exercent l’autorité parentale sur l’enfant et qu’il habite avec eux.

Si la notion d’autorité parentale ne pose pas beaucoup de difficultés au regard des articles 372 et s du Code civil, la notion de cohabitation a été définie par la jurisprudence :

La question posée, est ainsi de savoir si la rupture de cohabitation est susceptible d’exonérer les parents de leur responsabilité (idée d’une cohabitation matérielle)

« Si l’enfant est accueilli chez ses grands - parents quelques heures, ces derniers sont ils responsables en cas de dommage causé par l’enfant ? »

Depuis, un arrêt de principe « Bertrand » du 19/02/97, la Cour de cassation a pu considérer qu’il existait une présomption de faute quant à un défaut de surveillance de l’enfant. La responsabilité des parents ne devait donc plus être prouvée, elle était présumée dans tous les cas, en raison de l’existence de l’autorité parentale.

La cohabitation est donc désormais définie comme étant la résidence habituelle de l’enfant.

Si un enfant, de parents divorcés se rend chez son autre parent ; celui qui n’en a pas la garde, n’est donc pas le parent de droit (gardien à titre habituel), le parent occasionnel ne sera dès lors pas responsable des fautes commises par son enfant.

« Cass.08/02/05 », la résidence habituelle d’un mineur était fixée chez ses parents mais ce dernier était confié depuis ses 1 an à sa grand-mère, responsabilité des parents retenue. Cette solution est très favorable aux victimes.

Il faut que l’enfant ait commis une faute. La victime doit prouver que l’enfant a été à l’origine du dommage peu importe que son comportement ait été ou non licite.

 

II – Régime juridique

La responsabilité des parents est dite objective ou sans faute, c'est-à-dire qu’ils ne peuvent s’exonérer de leur responsabilité que par « la preuve d’une cause étrangère »[1].

La force majeure ne pourrait qu’épisodiquement être invoquée car il faut qu’elle soit (imprévisible, irrésistible et extérieure), or, cette dernière condition est invoquée à l’égard des parents, elle ne peut leur être extérieure.

 

La responsabilité du commettant du fait de ses préposés

Elle permet à la victime de se voir indemniser du préjudice subi en raison d’une faute d’un préposé lié à son commettant souvent par contrat de travail (1242al5 du code civil).

 

I – Conditions de mise en œuvre

Il faut qu’il existe un lien de préposition (le pouvoir de donner des ordres à son subordonné).

Il faut que le commettant ait commis une faute de nature à engager sa propre responsabilité.  La responsabilité est objective (sans faute à prouver). Il faut que l’acte présente, cependant, un rapport avec ses fonctions (acte commis sur le lieu de travail, pendant ses horaires de travail ou avec les outils de l’entreprise).

Une exception cependant (AP, 19/05/88).  En cas d’abus de fonction, c'est-à-dire si le préposé a agi hors des fonctions auxquelles il était employé, sans autorisation et à des fins étrangères à ses attributions.

Il faut démontrer trois conditions cumulatives :

-          Acte du préposé en dehors de ses fonctions. On apprécie cette faute de manière autonome (si le préposé détourne les fonds mis à sa disposition, dans le cas de son contrat de travail à la banque, son employeur sera responsable. Il est dans le cadre de sa fonction) ;

-          Il ne faut pas que le commettant ait donné une espèce d’autorisation au comportement du préposé ;

-          Il faut qu’il ait agi à des fins personnelles, non pour arranger le commettant.

La jurisprudence tempère cependant sa position, en tenant compte de la bonne ou de la mauvaise foi de la victime, si elle ne pouvait pas croire décemment que le préposé agissait sur les ordres du commettant, la responsabilité de ce dernier sera écartée.

 

II – Régime juridique

C’est une responsabilité objective, sans faute, la victime ne doit pas prouver la faute du commettant et le commettant ne peut pas s’exonérer en démontrant qu’il n’a pas commis de faute.

Il peut se défendre en invoquant la cause étrangère (faute de la victime et fait d’un tiers, difficile d’invoquer la force majeure)

La Cour de cassation est récemment venue préciser que : « La non désignation du conducteur en cas d’infraction routière permettrai la recherche de la responsabilité pénale de l’entreprise (Cass. crim., 11 déc. 2018, n° 11-82.628 P+B) ».

 

III – Actions en justice

Le principe fondamental posé par l’arrêt Costedoat du 25/02/00 est celui de l’immunité civile du préposé dans le cadre de sa mission. Seule la responsabilité du commettant peut être engagée. On peut appliquer également ce principe dans le cadre d’un accident de la circulation (Civ.2°, 28/05/09).

Le commettant ne peut pas se retourner contre son salarié fautif, mais contre son assureur de responsabilité civile (Cass.crim, 29/06/11).

 

La victime peut néanmoins agir contre le préposé si :

-          Le préposé a commis une infraction pénale intentionnelle (Cass.AP, 14/12/01, Cousin) ;

-          Le préposé a commis une faute intentionnelle ;

-          Le préposé a commis une faute alors qu’on lui a donné une délégation de pouvoir.

 

        Le mécanisme assurantiel

L’assurance est un mécanisme de partage des risques, de sorte qu’ils se compensent entre eux. C’est ce que l’on appelle le principe de la mutualisation des risques.

Des risques homogènes, dispersés et divisés

Pour que l’ensemble du dispositif ne soit pas mis en péril, les risques intégrés à la mutualité doivent être :

·         homogènes : il faut réunir un grand nombre de risques de même nature, qui ont les mêmes chances de se réaliser et qui occasionneront des débours du même ordre ;

·         dispersés : il faut éviter de regrouper les risques qui ont des chances de se réaliser en même temps et au même endroit : dans ce cas, la compensation ne pourrait avoir lieu. Si on assure contre la grêle tous les exploitants agricoles d’une même région, le moindre orage de grêle peut anéantir les récoltes de tous les assurés et entraîner des conséquences catastrophiques pour l’assureur ;

·         divisés : il ne faut pas qu’un sinistre à lui seul puisse menacer la mutualité.
 

Utilisation des statistiques

Les statistiques sont indispensables à l’assurance pour déterminer la probabilité de réalisation du risque.
Cette probabilité s’appelle la fréquence. Il est également possible de déterminer le coût moyen d’un sinistre.

A partir de ces éléments, l’assureur peut alors calculer le montant de la cotisation d’équilibre, c'est-à-dire le montant moyen nécessaire pour compenser les risques entre eux.
 

  Division du risque

Lorsqu’un risque est trop important pour la mutualité d’un assureur (risques industriels, raffineries...), il a recours à deux techniques de division des risques qui peuvent être mises en œuvre en même temps :

·         la coassurance : qui consiste en un partage proportionnel d’un même risque entre plusieurs assureurs,

·         la réassurance : une opération par laquelle une société d’assurances (la cédante) s’assure elle-même auprès d’une autre société (le réassureur ou le cessionnaire) pour une partie des risques qu’elle a pris en charge.
 

Règles de solvabilité

La réglementation impose aux sociétés d’assurance des règles de gestion très strictes, garantissant aux assurés que l’assureur sera toujours en mesure de tenir ses engagements contractuels.
Le contrat (ou police) d’assurance repose sur les engagements réciproques qui lient la société d'assurances et l'assuré et dont les caractéristiques sont détaillées dans les documents contractuels :

·         les conditions générales sont communes à l’ensemble des assurés garantis auprès de la même société d’assurances, pour un type de contrat déterminé (multirisques habitation, assurance automobile…).

Elles expliquent le fonctionnement du contrat et détaillent l’ensemble des garanties ;

·         les conditions particulières personnalisent le contrat et adaptent les garanties au risque effectivement couvert.

Les fonds de garantie

 

Un fonds de garantie est un fond qui permet l'indemnisation de personnes victimes d'un préjudice.

Il permet de contrer l'insolvabilité de l'auteur de ce préjudice ou de le remplacer lorsque celui-ci n'a pas été identifié.

On distingue plusieurs types de fonds de garantie.

-          L'instauration du Fonds de garantie automobile est antérieure à la mise en place de l'obligation d'assurance elle-même.

C'est en effet dès 1951 que le législateur français a mis en place une structure chargée de payer les indemnités allouées aux victimes d'accidents corporels causés par des véhicules terrestres à moteur dont les conducteurs demeuraient inconnus, insolvables ou non assurés.

Il vise également indemniser les victimes de terrorisme.

 

Le mécanisme de la sécurité sociale

La sécurité sociale prend en charge le versement des prestations sociales auprès des assurés afin de les aider à faire face aux différents risques sociaux pouvant survenir à chacun d'entre nous.

Les principaux risques couverts de la protection sociale sont les suivants :

· la santé, qui comprend la maladie, l'invalidité, les accidents du travail et les maladies professionnelles ;

· la famille, qui intègre les prestations familiales (allocations familiales, aides pour la garde d'enfants), les indemnités journalières et prestations liées à la maternité ;

· la vieillesse et la survie, qui incluent principalement les pensions et les pensions de réversion ;

· le logement, qui comprend essentiellement les allocations de logement ;

· l'emploi, qui comprend divers dispositifs liés à l'insertion et à la réinsertion professionnelle ainsi que l'indemnisation du chômage ;

· la pauvreté et l'exclusion sociale, qui regroupent des prestations diverses en faveur des personnes démunies.

· la dépendance, ce nouveau risque a été créé pour financer la prise en charge des personnes âgées ou handicapées ; actuellement, le risque dépendance est couvert par divers dispositifs qui ne constituent pas une réponse d'ensemble.

 

Financement de la sécurité sociale

La contribution sociale généralisée (CSG) est un impôt destiné à financer l'assurance maladie, les prestations familiales et le Fonds de solidarité vieillesse (FSV).

Elle est prélevée à la source sur la plupart des revenus, à l'exception des prestations sociales et familiales.

Le mécanisme de remboursement des mutuelles

Les mécanismes de remboursement des organismes complémentaires.

 

En raison du désengagement progressif de l’Assurance maladie, l’adhésion à une mutuelle santé s’avère indispensable afin d’accéder aux soins sans puiser lourdement dans son portefeuille.

Les mutuelles assurent le remboursement des frais médicaux qui ne sont pas pris en charge par la Sécurité Sociale.

Il s’agit principalement du ticket modérateur et des dépassements d’honoraires dont la pratique est en constante progression.

Certains contrats de complémentaire santé prévoient également le recouvrement de soins onéreux particulièrement mal couverts par l’Assurance maladie, comme le dentaire ou l’optique. Lors de la souscription d’une mutuelle, différents mécanismes de remboursement sont proposés par les compagnies d’assurance santé.

 

Le mécanisme de recouvrement proportionnel

 

Si votre contrat prévoit un remboursement à 100 % du tarif de l’Assurance maladie pour les consultations chez un généraliste à honoraires libres, vous ne pourrez pas bénéficier de la prise en charge des dépassements d’honoraires.

 

En effet, votre mutuelle calculera le montant de sa prise en charge sur le prix de base d’une visite chez un médecin, à savoir 23 euros. En revanche, si votre contrat propose un remboursement à 200 %, la couverture complémentaire sera estimée sur la base de 46 euros.

 

 

Le recouvrement forfaitaire

 

Le bénéficiaire d’une clause forfaitaire dispose chaque année, d’une somme affectée au paiement de certaines spécialités. Une mutuelle peut par exemple allouer 200 euros pour le remboursement de soins orthodontiques. Si la spécialité visée est en partie prise en charge par la Sécurité Sociale, le recouvrement forfaitaire portera sur la part manquante. A noter que certains contrats prévoient qu’une seule utilisation annuelle du forfait.

Le mécanisme de recouvrement en frais réels

 

Le remboursement en frais réels porte sur l’ensemble des dépenses médicales effectivement payées par l’assuré.

Ce mécanisme est très avantageux pour les excédents d’honoraires et les hospitalisations.

De manière générale, les contrats de base proposés par les organismes complémentaires prévoient une prise en charge en frais réels du forfait hospitalier.

Toutefois, il convient de prêter attention aux termes de son contrat, car certaines clauses fixent un délai de validité de ce mode de remboursement.

 

Le préjudice écologique, une action en responsabilité reconnue explicitement dans le Code civil

 

Déjà reconnu depuis 2012 par la jurisprudence et évoqué dans près de 190 jugements et décisions, le préjudice écologique est désormais consacré dans le code civil depuis la promulgation de la loi sur la biodiversité d’août 2016.

 

 Inspiré du rapport Jegouzo, l’article 2 bis de la loi inscrit le préjudice écologique dans le code civil, ce qui constitue, selon Jérôme Bignon, rapporteur du projet de cette loi, « […] la plus grande avancée de ce texte : le Sénat en est à l’origine, preuve de son audace, lui qui est si souvent taxé de conservatisme ».

 

En effet, il est maintenant admis que « toute personne responsable d’un préjudice écologique est tenue de la réparer ».

 

 

I - L’action en responsabilité et préjudice

 

Le droit de la responsabilité civile délictuelle s’intéresse aujourd’hui à réparer le préjudice causé tant aux personnes qu’à l’environnement, et ce même en l’absence d’un contrat ou une convention.

Ainsi, la recevabilité et le bien-fondé de l’action en responsabilité civile délictuelle sont nécessaires pour mettre en œuvre celle-ci.

Or, le bien-fondé est vérifié dès lors que l’existence d’un lien de causalité est établie entre le fait générateur et le préjudice causé par ce dernier.

 

II - La recherche d’une définition du préjudice écologique entre « dérivé » et « pur »

 

 Le préjudice écologique peut être entendu de deux façons.

 

D’une part, le préjudice écologique « dérivé » est entendu au sens large, puisqu’il permet de prendre en considération les conséquences d’une atteinte à l’environnement sur les personnes et leurs biens.

 Il concerne ainsi les préjudices patrimoniaux (conséquence sur un bien), extra-patrimoniaux (préjudice moral) et corporels (préjudice moral, frais d’hospitalisation).

 

Or, afin de voir si ce préjudice écologique dérivé s’applique, il doit remplir trois caractères de qualification : le préjudice doit être direct (cela renvoi au lien de causalité entre le fait générateur et le préjudice), personnel (le préjudice doit être invoqué par la personne qui le subi) et certain (le préjudice doit avoir une forte vraisemblance, mais le dommage futur et le risque de préjudice sont admis).

 

À titre d’exemple, le préjudice écologique est dérivé lorsque plusieurs victimes sont tombées malades et que le lien de causalité entre les rejets de gaz illicites d’une ICPE et leur maladie a été établi : la Cour de cassation a reconnu que ce préjudice corporel était certain, direct et personnel.

 

D’autre part, le préjudice écologique « pur » est entendu au sens strict, puisqu’il recouvre l’hypothèse des atteintes à l’environnement lui-même, indépendamment de ses répercussions sur les personnes et/ou les biens.

Ce préjudice a été reconnu tacitement dans l’arrêt Erika en 2012, évoquée précédemment.

 

Cette reconnaissance a d’ailleurs été favorisée par une décision du Conseil constitutionnel de 2011, qui a admis une obligation de vigilance à l’égard des atteintes à l’environnement, dont la violation engage la responsabilité civile de son obligé.

 

Aujourd’hui, c’est ce préjudice écologique pur qui est consacré par la loi sur la biodiversité, aux articles 1386-19 et suivants du Code civil et, sur le principe du pollueur-payeur.

 

Afin de résumer l’ensemble des préjudices écologiques, et dans le silence de la loi, la doctrine a établi une nomenclature des préjudices écologiques, permettant alors de « nommer pour mieux normer ».

Effectivement, les propos des professeurs Nevret et Martin peuvent être synthétisés comme ci-après :

 

 

Préjudices causés à l’environnement

Préjudices causés aux hommes

 

Préjudices collectifs

Préjudice écologique pur

Atteinte aux sols et à leurs fonctions

Atteinte aux services écologiques

Atteinte aux eaux, milieux aquatiques et à leurs fonctions

Atteinte à l’air/atmosphère et à ses fonctions

Atteinte aux espèces et à leurs fonctions

Préjudice écologique dérivé

 

Atteinte aux missions de protection de l’environnement

Préjudices individuels

Préjudices moraux (patrimoniaux et extra-patrimoniaux)

Préjudices corporels

Préjudices économiques

 

Les auteurs de cette nomenclature ont cependant insisté sur le fait que cette nomenclature n’a pas vocation à devenir « un carcan rigide », mais est bien « un outil ouvert et évolutif […] d’ores et déjà opérationnel ».

 

A l’égard de cette définition du préjudice écologique, la loi sur la biodiversité inscrit donc dans le Code civil qu’« […] est réparable, dans les conditions prévues au présent titre, le préjudice écologique résultant d’une atteinte non négligeable aux éléments ou aux fonctions des écosystèmes ou aux bénéfices collectifs tirés par l’homme de l’environnement.

 

La définition évoquée ici concerne donc davantage le préjudice écologique pur de la nomenclature.

 

 III - La question de la qualité et de l’intérêt agir en responsabilité

 

L’article 1248 du Code civil dispose que « l’action en réparation du préjudice écologique est ouverte à toute personne ayant qualité et intérêt à agir, telle que l’État, l’Agence française pour la biodiversité [créée par la loi sur la biodiversité], aux collectivités territoriales et à leurs groupements dont le territoire est concerné, ainsi que les établissements publics et les associations agréées ou créées depuis au moins cinq ans à la date d’introduction de l’instance qui ont pour objet la protection de la nature et la défense de l’environnement ».

 

Autrement dit, l’action en responsabilité pour préjudice écologique est ouverte assez largement, puisque des personnes publiques comme privées pourront agir, à condition d’en avoir la qualité et l’intérêt.

 

La qualité à agir s’établi dès lors que la personne qui agit fait partie de la liste évoquée précédemment ; l’intérêt à agir est confirmé lorsque la personne qui agit est concerné par le préjudice parce qu’il se trouve sur son territoire ou parce que l’objet de leur formation est la protection de l’environnement (d’où l’intérêt, pour les associations, d’avoir un objet social assez large pour inclure une multitude d’actions).

 

 Ici, on lit un élargissement du recours à la justice.

 

IV - La priorité accordée à la réparation en nature

 

Selon l’article 1247 du Code civil, le préjudice écologique sera réparable, en priorité en nature, c’est-à-dire que le responsable devra procéder à la remise en état du milieu dégradé.

 

Pourtant, d’un point de vue écologique, la remise en état n’est pas toujours synonyme de regain de la flore et de la faune d’autrefois ; certains changements sont irréversibles.

 

Cela explique l’importance de la doctrine « éviter, réduire, compenser », qui constitue une obligation légale imposée aux maîtres d’ouvrage concernant l’impact de leurs projets sur les milieux naturels. A cet effet, « indépendamment de la réparation du préjudice écologique, le juge, saisi d’une demande en ce sens par une personne mentionnée à l’article 1248 [du Code civil], peut prescrire les mesures raisonnables propres à prévenir ou faire cesser le dommage 

 

En cas d’impossibilité, la réparation sera monétaire avec le versement de dommages et intérêts, qui devront servir à la remise en état de l’environnement ou, à défaut, à sa protection.

Le calcul du montant des dommages et intérêts tiendra d’ailleurs compte, pour partie, des dépenses affectées pour la prévention d’une atteinte à l’environnement, et notamment dans le cadre du principe du pollueur-payeur établi par le Code de l’environnement.

 

En cas d’impossibilité du demandeur à l’action d’affecter ces sommes à la réparation ou à la protection de l’environnement, elles seront versées à l’Etat ou à toute personne désignée.

 

V - Délai spécial de prescription de l’action en responsabilité : 10 ans

 

La création de l’article 2226-1 du Code civil permet de prévoir que l’action en responsabilité tendant à la réparation du préjudice écologique se prescrit par 10 ans, à compter du jour où le titulaire de l’action a connu ou aurait dû connaître la manifestation du préjudice.

Il est à noter que ce délai est particulier tant pour sa durée que pour son point de départ.

En effet, le délai quinquennal de droit commun est jugé comme trop court par rapport à la temporalité du dommage environnemental tandis que, le délai spécial du Code de l’environnement de 30 ans démarre à compter de la date du fait générateur, alors que le demandeur à l’action en réparation peut ne pas en avoir eu connaissance.

Il faut effectivement avoir conscience qu’il peut y avoir des décalages temporels importants entre le fait générateur et la manifestation du dommage.

Ces divers éléments permettent donc de comprendre le choix des législateurs avec un délai spécial de prescription de l’action en responsabilité du fait d’un préjudice écologique.



[1] . Tout événement qui présente les caractères de la force majeure exonère le défendeur : exonération totale. Ces événements présentant le caractère de la force majeure sont réunis par le terme de cause étrangère qu'il s'agisse de la faute ou du fait de la victime, qu'il s'agisse de la faute ou fait d'un tiers.

La responsabilité du fait des produits défectueux

 

La responsabilité du fait des produits défectueux est codifiée depuis la réforme opérée par l’ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016, aux articles 1245 et suivants du Code civil.

Ces articles sont issus d’une loi du 19 mai 1998 qui a transposé, en droit interne, une directive du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres, en matière de responsabilité, du fait des produits défectueux.

La responsabilité du fait des produits défectueux, peut se définir comme l’obligation pesant sur le producteur ou le fabricant d’un bien n’offrant pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre de réparer le dommage causé par celui-ci.

Il s’agit d’une responsabilité qui ignore la distinction entre responsabilité délictuelle et responsabilité contractuelle.

Ainsi, la responsabilité du fait des produits défectueux sera applicable au producteur, que ce dernier soit lié ou non par un contrat avec la victime (article 1245 du Code civil).

En revanche, la Cour de cassation a pu rappeler que cette responsabilité était exclusive de toute autre type de responsabilité, sauf, si les fondements invoqués sont différents :

« La victime d’un dommage causé par le défaut de sécurité d’un produit ne peut fonder son action en réparation sur la responsabilité du fait des choses, celle du fait des produits défectueux, qui couvre la réparation des atteintes aux biens à usage professionnel, s’appliquant exclusivement ».

Né d’une surtension accidentelle sur le réseau électrique et de l’explosion d’un transformateur situé à proximité, un incendie avait détruit un bâtiment d’exploitation agricole. Son propriétaire avait alors assigné la société ERDF sur le fondement de la responsabilité du fait des choses (C. civ., art. 1212, al. 1er).

Celle-ci lui avait opposé, sur le fondement distinct de la responsabilité du fait des produits défectueux qu’elle estimait applicable, la prescription de son action, engagée plus de trois ans après la connaissance de l’origine électrique du sinistre (C. civ., art. 1245-16).

 

La cour d’appel jugea également, en se fondant sur le régime de la responsabilité du fait des produits défectueux, l’action du propriétaire irrecevable comme prescrite. Ce dernier forma un pourvoi en cassation pour soutenir l’application du régime de la responsabilité du fait des choses, dont le délai de prescription, quinquennal, n’était pas encore écoulé. Dans cette perspective, il affirmait, d’une part, que la réparation des dommages causés à une chose destinée à l’usage professionnel et utilisée pour cet usage ne relève pas du champ d’application de la directive du CEE du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux et, d’autre part, qu’en l’absence de principe de non-cumul du régime de la responsabilité du fait des produits défectueux avec d’autres régimes de responsabilité, celui du fait des choses pouvait valablement servir de fondement à son action dans la mesure où celle-ci avait été engagée sur le seul fait de la chose, c’est-à-dire sur un fondement autre que celui tiré du défaut de sécurité du produit. La Cour de cassation écarte ces arguments. 

 

Elle juge, dans un premier temps, qu’en l’absence de limitation du droit national, l’article 1245-1 du Code civil s’applique au dommage causé à un bien destiné à l’usage professionnel.

Si elle concède que l’article 9 de la directive prévoit que les dispositions de celle-ci s’appliquent à la réparation du dommage causé à une chose ou à la destruction d’une chose, autre que le produit défectueux lui-même, à condition que cette chose soit d’un type normalement destiné à l’usage ou à la consommation privés et ait été utilisée par la victime principalement pour son usage ou sa consommation privés, elle tempère la restriction précédente en soulignant que l’article 1245-1 issu de la loi n° 98-389 du 19 mai 1998, transposant l’article 9 de cette directive, énonce que les dispositions relatives à la responsabilité du fait des produits défectueux s’appliquent, concernant les atteintes faites aux biens, à tout bien autre que le produit défectueux. La Cour en déduit qu’en l’absence de restriction expresse du législateur national quant au champ d’application de ce régime, ce dernier est applicable aux biens à usage professionnel.

 

Elle motive encore cette affirmation en rappelant que si par une décision du 4 juin 2009 (Moteurs Leroy Somer, n°.285/08), rendue sur une question préjudicielle renvoyée par la Cour de cassation (Com. 24 juin 2008, n° 07-11.744), la CJUE a dit pour droit que la réparation des dommages causés à une chose destinée à l’usage professionnel et utilisée pour cet usage ne relève pas du champ d’application de la directive précitée, elle a précisé que celle-ci doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas à l’interprétation d’un droit national ou à l’application d’une jurisprudence interne établie selon lesquelles la victime peut demander réparation du dommage causé à une chose destinée à l’usage professionnel et utilisée pour celui-ci, dès lors que cette victime rapporte la preuve du dommage, du défaut du produit et du lien de causalité entre ce défaut et le dommage. Or si initialement, la jurisprudence interne s’alignait sur celle de la CJUE pour circonscrire l’application du régime de la responsabilité du fait des produits défectueux aux cas dans lesquels les produits défectueux en cause ne sont pas destinés à l’usage professionnel ni utilisés pour cet usage (Com. 26 mai 2010, n° 07-11.744 ; Civ. 1re, 17 mars 2016, n° 13-18.876), elle avait récemment préféré élargir le champ d’application de ce régime en ne distinguant pas selon l’usage, professionnel ou privé, de la chose défectueuse, au nom de l’adage selon lequel il n’y a pas lieu de distinguer là où la loi ne distingue pas (Civ. 1re, 11 janv. 2017, n° 16-11.726).

 

Dans un second temps, la Cour se prononce cette fois de manière inédite sur la possibilité, qu’elle exclut, de fonder une action en responsabilité du fait de la chose lié au défaut de sécurité de celle-ci.

 

Cette exclusion se comprend dans la mesure où si la possibilité d’invoquer un autre régime de responsabilité, contractuelle ou extracontractuelle, que celui prévu par la directive est expressément consacrée par l’article 1245-17 du Code civil, c’est à la condition que le régime alternatif qui fonde l’action repose sur un fondement distinct du défaut de sécurité, tel que la faute ou le vice caché (CJCE 25 avr. 2002, n° C-183/00, § 31).

 

Or tel ne peut être le cas, estime la Cour, de l’action en responsabilité du fait des choses qui, lorsqu’elle est invoquée à l’encontre du producteur après la mise en circulation du produit, procède nécessairement d’un défaut de sécurité. En effet, dans cette hypothèse, le fait de la chose se confond avec la défectuosité du produit et les deux régimes se chevauchent par l’identité de leur fondement juridique : le défaut de sécurité. Dans le même sens, la responsabilité pour faute ne peut recevoir application en l’absence de preuve d’une faute distincte du défaut de sécurité du produit dommageable, de même que le vice caché qui ne se démarque pas d’un tel défaut ne pourra déclencher la garantie prévue à cet effet par le droit de la vente (C. civ., art. 1603 ; Civ. 1re, 17 mars 2016, n° 13-18.876).

 

La condition ici affirmée de la mise en circulation du produit, dont dépend l’application du régime de la responsabilité du fait des produits défectueux, est essentielle pour définir la place occupée par ces deux régimes de responsabilité : logiquement, avant que le producteur se soit volontairement dessaisi du produit défectueux, le dommage que le produit aura causé ne pourra être réparé que sur le fondement de droit commun du fait des choses.

 

 En l’espèce, le réseau dont la défaillance électrique a causé le dommage répondant à cette condition, le régime de la responsabilité du fait des produits défectueux était le seul à pouvoir fonder l’action de la victime qui se trouvait, en conséquence du délai légalement prévu, prescrite.

Civ. 1re, 11 juill. 2018, n° 17-20.154

 

Voyons d’abord le champ d’application de la responsabilité du fait des produits défectueux, avant de nous intéresser à son régime juridique.

 

I - La responsabilité du fait des produits défectueux : champ d’application

 Le champ d’application de la responsabilité du fait des produits défectueux est spécifique, tant d’un point de vue temporel, que personnel et matériel.

Le champ d’application temporel

La responsabilité du fait des produits défectueux ne s’applique qu’aux produits mis en circulation après la date d’entrée en vigueur de la loi du 19 mai 1998, soit le 21 mai 1998.

Pour les produits mis en circulation avant le 21 mai 1998, il faut distinguer deux cas :

-          Pour les produits mis en circulation avant le 30 juillet 1988 (date à laquelle aurait dû être transposée, en droit interne, la directive du 25 juillet 1985 sur la responsabilité du fait des produits défectueux) : c’est le droit commun interne (anciens articles 1382 et 1147 du Code civil) qui est applicable.

-          Pour les produits mis en circulation entre le 30 juillet 1988 et le 21 mai 1998 : le droit commun reste applicable, mais il doit être interprété conformément à la directive du 25 juillet 1985.

 

Le champ d’application personnel

La responsabilité du fait des produits défectueux s’applique au producteur du produit défectueux (article 1245 du Code civil).

Le producteur peut se définir comme, « lorsqu’il agit à titre professionnel, le fabricant d’un produit fini, le producteur d’une matière première, le fabricant d’une partie composante » (article 1245-5 du Code civil).

Par exemple, si vous subissiez un dommage du fait d’un défaut de votre smartphone, vous pourriez engager la responsabilité du producteur de votre smartphone. Admettons qu’il s’agisse d’un IPhone, vous pourriez alors agir en responsabilité contre Apple en tant que fabricant du produit fini.

Toutefois, un certain nombre de matières premières de l’IPhone proviennent d’Afrique ou de Chine. La responsabilité du fait des produits défectueux pourrait donc également s’appliquer à ces producteurs africains ou chinois en tant que producteurs d’une matière première.

Enfin, avant d’être assemblées dans les usines de Foxconn en Chine, les différentes pièces de l’IPhone sont produites un peu partout dans le monde et, notamment, en Europe, en Asie de l’Est et en Amérique du Nord. Vous pourriez donc aussi engager la responsabilité des fabricants de ces parties composantes au titre de la responsabilité du fait des produits défectueux.

 

 Le champ d’application matériel

En ce qui concerne les dommages : la responsabilité du fait des produits défectueux s’applique aussi bien aux dommages aux personnes qu’aux dommages aux biens. Un produit défectueux peut en effet causer un dommage tant à une personne qu’à un bien.

Toutefois, elle ne s’applique qu’aux biens qui ont subi un dommage dont le montant est supérieur à 500 euros (décret du 11 février 2005). Sont donc exclus, les petits dommages aux biens !

Par ailleurs, elle ne s’applique pas non plus aux dommages que les produits défectueux causent à eux-mêmes (article 1245-1 du Code civil).

En ce qui concerne les produits : la responsabilité du fait des produits défectueux s’applique aux dommages causés par les produits défectueux mis en circulation.

Un produit s’entend de « tout bien meuble, même s’il est incorporé dans un immeuble » (article 1245-2 du Code civil).

En outre, le produit doit être mis en circulation, dans le sens où le producteur doit s’en être dessaisi volontairement (article 1245-4 du Code civil). La mise en circulation correspond à la mise sur le marché du produit, à sa commercialisation.

Enfin, le produit doit être défectueux. Un produit est considéré comme défectueux « lorsqu’il n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre » (article 1245-3 al. 1 du Code civil).

La défectuosité du produit est donc appréciée in abstracto, en prenant pour référence le public en général.

La défectuosité est également appréciée en tenant compte de toutes les circonstances et notamment de :

·         La présentation du produit. Par exemple, si les informations et mises en garde relatives à l’utilisation du produit sont insuffisantes, le produit pourra être considéré comme défectueux (Cass. Civ. 1ère, 7 nov. 2006).

·         L’usage qui peut en être raisonnablement attendu. Par exemple, si les risques inhérents au produit sont trop importants par rapport aux bénéfices, alors le produit est défectueux (Cass. Civ. 1ère, 24 janv. 2006).

·         le moment de sa mise en circulation (article 1245-3 al. 2 du Code civil).

 

II - La responsabilité du fait des produits défectueux : régime juridique

 Les conditions de la responsabilité du fait des produits défectueux

Trois conditions sont exigées pour engager la responsabilité du producteur du fait d’un produit défectueux :

·         Un dommage

·         Un défaut du produit

·         Un lien de causalité entre le défaut et le dommage

 Les effets de la responsabilité du fait des produits défectueux

La responsabilité du fait des produits défectueux est une responsabilité de plein droit, sans exigence de faute. Le producteur ne pourra donc s’exonérer que dans certaines hypothèses (article 1245-10 du Code civil).

Ces hypothèses d’exonération peuvent être divisées en deux catégories.

Certaines sont spécifiques à la responsabilité du fait des produits défectueux. Ainsi le producteur peut s’exonérer en prouvant que :

·         Le produit n’était pas mis en circulation

·         Le défaut est né postérieurement à la mise en circulation du produit

·         Le produit n’était pas destiné à être vendu ou distribué

·         L’état des connaissances scientifiques et techniques, au moment où le produit a été mis en circulation, n’a pas permis de déceler l’existence du défaut. A noter que ce défaut de connaissances s’apprécie objectivement, et non par rapport aux connaissances du producteur.

·         Le défaut est dû au respect de normes impératives

Il existe également d’autres hypothèses d’exonération, fondées sur le droit commun. Il s’agit de :

o   la faute de la victime (article 1245-12 du Code civil). Si le dommage qu’a subi la victime est due à sa faute, alors le producteur ne peut pas être tenu responsable. Par exemple, si vous vous brûlez avec votre fer à repasser, vous ne pourrez pas engager la responsabilité du producteur du fer à repasser car le dommage que vous avez subi est dû à une faute de maladresse de votre part.

 

o   Le fait de la nature. Une catastrophe naturelle par exemple.

 

A noter que le fait du tiers n’est pas une cause d’exonération en matière de responsabilité du fait des produits défectueux (1245-13 du Code civil).

 

Ainsi, même si un tiers a concouru à la réalisation du dommage, le producteur reste pleinement responsable.

 

 Un arrêt récent a posé ce principe : Cass. 1re civ., 28 nov. 2018, n° 17-14.356, P+B :

« À la suite d’un crash aérien en mer, les proches des victimes ont assigné en référé, sur le fondement de l’article 809, alinéa 2, du Code de procédure civile, le fabricant de l’aéronef ainsi que le fabricant du module électronique RTLU équipant l’aéronef accidenté, en paiement d’indemnités provisionnelles.

Afin de retenir que l’obligation des fabricants de l’aéronef et du module électronique RTLU à indemniser les demandeurs était sérieusement contestable, la cour d’appel d’Angers (CA Angers, 10 janv. 2017, n° 16/01396) relève que la simple implication d’un composant dans la réalisation du dommage est insuffisante, dès lors que doivent être appréciées la rigueur et la qualité des opérations de maintenance de l’appareil, lesquelles incombent aux compagnies aériennes et non aux fabricants.

Fort du rapport d’enquête, l’arrêt retenait que bien que le dysfonctionnement du module RTLU était le premier facteur dans le temps ayant pu contribuer à l’accident, les opérations de maintenance avaient été inadaptées et non conformes.

Elle soulignait également que le simple fait que le fabricant de l’aéronef ait amélioré le module RTLU à plusieurs reprises avant la construction de l’avion concerné ne permettait pas de considérer que cette société avait connaissance d’une absence de fiabilité de ce dernier.

Au visa des articles 1386-1 et 1386-14, devenus 1245 et 1245-13 du Code civil, ensemble l’article 809, alinéa 2, du Code de procédure civile, la Cour de cassation rappelle, dans un attendu de principe, qu’il résulte du premier de ces textes que le producteur est responsable de plein droit du dommage causé par un défaut de son produit ; qu’aux termes du deuxième, la responsabilité du producteur envers la victime n’est pas réduite par le fait d’un tiers ayant concouru à la réalisation du dommage.

Ainsi, la Haute juridiction retient que le fait de tiers ayant concouru à la réalisation d’un dommage et le défaut de connaissance, par les producteurs de l’avion et du module litigieux, de l’absence de fiabilité de ce dernier, sont impropres à caractériser l’absence d’une obligation non sérieusement contestable à la charge de ces producteurs, alors qu’un défaut de module avait été constaté ».

  III - La prescription applicable en matière de responsabilité du fait des produits défectueux

L’action de la victime à l’encontre du producteur est encadrée par deux délais.

D’abord, la victime ne peut plus agir contre le producteur après l’écoulement d’un délai de 10 ans à compter de la mise en circulation du produit (article 1245-15 du Code civil). Ainsi, si le produit a été commercialisé, il y a plus de 10 ans, il n’est plus possible d’agir contre le producteur.

 

Ensuite, si le dommage survient dans le délai de 10 ans susvisé, alors l’action en réparation fondée sur la responsabilité du fait des produits défectueux se prescrit dans un délai de trois ans à compter de la date à laquelle le demandeur a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l’identité du producteur (article 1245-16 du Code civil).

 

Les accidents du travail

Définition

Tout accident survenu durant les horaires et sur le lieu de travail est réputé d’ordre professionnel (sauf à démontrer preuve du contraire) ; idem concernant les maladies inscrites à des tableaux officiels énumérant les produits ou travaux susceptibles de les provoquer. Le salarié perçoit alors l’indemnisation prévue par la Sécurité sociale via sa Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM). 

 

La responsabilité civile de l’employeur en cas d’accident du travail

 

La responsabilité civile de l’employeur peut être engagée lorsque la maladie professionnelle ou l’accident du travail est survenu (ou peut survenir) par la faute de l’employeur, c’est-à-dire lorsque celui-ci n’a pas respecté les obligations légales relatives au Code du Travail.

 

La responsabilité civile de l’employeur conduit à la réparation du préjudice sous forme de dommages et intérêts versés par l’entreprise (ou par son assurance responsabilité civile), en complément de l’indemnité de base.

La responsabilité pénale de l’employeur en cas d’accident du travail

La responsabilité pénale de l’employeur peut être engagée lorsque celui-ci manque à une obligation d’ordre public relative au Code pénal, ayant ou pouvant entraîner une maladie professionnelle ou un accident du travail.

La responsabilité pénale engage l’auteur direct de l’infraction. Dans la majorité des cas, elle pèsera sur le chef d’entreprise, même s’il n’est pas directement responsable du dommage, car c’est à lui que revient l’obligation de veiller à l’application des règles d’hygiène et de sécurité.

 Il pourra néanmoins déléguer son pouvoir à un comité spécifique, et donc se décharger de sa responsabilité pénale (à condition que le comité ait toute l’autorité pour prendre des décisions relatives à l’hygiène et à la sécurité, acheter du matériel adéquat et disposer d’une formation dédiée).

La responsabilité pénale de l’employeur conduit à diverses peines, allant du versement d’une amende de seconde classe jusqu’à une peine d’emprisonnement assortie de 75 000 € d’amende, selon la nature du préjudice subi (durée de l’incapacité de travail) et le degré de responsabilité de l’employeur (simple imprudence ou violation délibérée des règles de sécurité).

 

Pour résumer :

·           Un accident du travail ou une maladie professionnelle entraîne des indemnités de base 

·           Une infraction au Code du travail conduisant à l’accident ou à la maladie entraîne la responsabilité civile de l’employeur, assortie de dommages et intérêts (versés par l’entreprise ou son assurance responsabilité civile)

·           Une infraction au Code pénal conduisant à l’accident ou à la maladie entraîne la responsabilité pénale de l’employeur, assortie d’une amende et/ou d’une peine de prison pour l’auteur direct des faits (l’employeur dans la majorité des cas)

Comment engager la responsabilité de l’employeur ?

Une demande de reconnaissance de faute de la part de l’employeur doit être portée auprès de la CPAM dans un délai de deux ans suivant la reconnaissance du caractère professionnel de l’accident ou de la maladie. Le Tribunal des affaires de la Sécurité sociale est en charge de ces affaires, mais une tentative d’accord amiable est toujours engagée en priorité.

Le Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail (CHSCT)

Les entreprises d’au moins 50 salariés sont dans l’obligation de se doter d’un Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail (CHSCT) chargé, entre autres, de contribuer à la protection et à la santé des travailleurs. L’employeur doit s’assurer que le comité fonctionne correctement et que ses remarques sont prises en compte, au risque d’engager sa responsabilité civile. 

 

Jurisprudence (Cass.Civ.2°, 25/01/18)

La Cour de cassation, dans un arrêt du 25 janvier dernier, censure une cour d’appel qui a enjoint la victime de produire des éléments permettant d’établir et de chiffrer son préjudice, alors qu’il incombait à la caisse primaire d’assurance maladie de prendre en charge les frais d’expertise.

·          

« Un salarié a saisi la CPAM dans le ressort de laquelle a eu lieu l’accident de travail afin d’être indemnisé des préjudices en résultant. La caisse a relevé l’existence d’une faute inexcusable de l’employeur dans la réalisation de l’accident et a indemnisé la victime. Cette dernière a toutefois saisi la juridiction afin de faire valoir la majoration indemnitaire à laquelle elle a droit à raison de la faute inexcusable commise.

La cour d’appel saisie a caractérisé l’existence d’une faute inexcusable commise par l’employeur mais n’a pas fait droit à la demande d’expertise judiciaire, elle a simplement enjoint la victime de produire des éléments permettant d’établir et de chiffrer le préjudice et dans l’attente a sursis à statuer.
La victime s’est alors rendue, à ses frais, auprès d’un médecin expert et a par la suite produit son rapport afin de faire valoir ses droits. La cour d’appel, statuant sur le remboursement des frais d’expertise amiable, a considéré qu’il s’agissait de frais irrépétibles dans la mesure où ils étaient exposés pour les besoins de la procédure.

Plus que la qualification de frais irrépétibles des frais d’expertise amiable, la Cour de cassation censure le déroulement de l’instance dicté par la cour d’appel. Elle rappelle, au visa de l’article L. 452-3, in fine, du Code de la sécurité sociale « qu’il résulte de ce texte que les frais de l’expertise amiable réalisée en vue de l’évaluation des chefs de préjudice subis par la victime d’un accident du travail dû à la faute inexcusable de l’employeur sont avancés par la caisse qui
en récupère le montant auprès de cet employeur ».
Les Hauts magistrats avaient d’ores et déjà eu l’occasion de préciser que les frais d’expertise n’étaient pas la résultante de l’instance en cours mais étaient directement causés par la faute inexcusable de l’employeur. En conséquence, ils devaient être intégrés dans l’indemnisation due à la victime, indépendamment de la majoration, et donc être pris en charge par la caisse primaire d’assurance maladie (Cass. 2e civ., 18 déc. 2014, n° 13-25.839, Bull. civ. II, n° 249) »

 

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