Séquence 1 : Le contrat de travail
Prérequis : Les principes généraux du droit des contrats (vus en 1° STMG)
Notions : Le contrat de travail, le lien de subordination
Capacité : Qualifier une relation de travail dans une situation donnée
Mise en situation
Ressource : Le contrat de travail – Nathan (Technique – P.39)
Questions : 1 à 4
I - Le contrat de travail : Définition et formes
Le contrat de travail n’est pas défini précisément par le législateur. L’émergence de cette notion est le fruit de la réflexion de la doctrine et de la jurisprudence (Cass.Soc, 22/07/1954) : « Il y a contrat de travail quand une personne s’engage à travailler pour le compte et sous la direction d’une autre personne, moyennant une rémunération ».
Chacune de ses composantes doit être analysée car l’Assemblée plénière de la Cour de cassation a pu décider, dans un arrêt fondamental, « Cass.AP, 04/03/83 » que le contrat de travail n’était pas à la libre disposition des parties, c’est-à-dire, que ces dernières ne peuvent pas, par convention, décider que leur relation contractuelle ne sera pas régie par les règles protectrices du droit du travail.
Pour autant, lorsque l’on parle de droit du travail et de ses protections, on peut, après examen, considérer que nous sommes en présence d’un mensonge.
Il ne s’applique pas, en effet, aux fonctionnaires dont les règles applicables sont établies par la loi du 13/07/1983, aux indépendants qui exercent sous la forme de société, sauf SAS car le Président d’une SAS peut être assimilé au régime général des salariés.
L’enjeu de cette distinction était fondamental, (réforme du RSI, qui disparaîtra au 01/01/2020), mais, depuis la décision prise par la Cour de cassation le 28/11/2018, les indépendants exerçant sous la forme juridique de la micro-entreprise ou en freelance sont, désormais, considérés comme des salariés s’il est possible d’établir leur subordination juridique permanente.
Cette reconnaissance intervenue, ils ont pu bénéficier avec effet rétroactif des CP, d’un salaire minimal, de l’obligation de respect de leur santé et de leur sécurité par l’employeur requalifié.
Ce dernier, a ainsi été condamné sur le fondement des dispositions de l’article L.8221-6 du code du travail pour travail dissimulé.
Le contrat de travail est donc caractérisé par trois éléments qu’il faut examiner successivement :
- Il est composé d’une activité de travail. La jurisprudence a pu considérer que le bénévolat (mettre du temps au service d’une association) et percevoir des frais à titre de compensation n’était pas une activité salariée, dans la mesure où les frais visés n’étaient pas disproportionnés.
La Cour de cassation a également rappelé récemment, que l’employeur était dans ce rapport synallagmatique créé, obligé par symétrie des obligations de fournir au salarié un travail (Cass. Soc., 23/01/2019, pourvoi n° : 17-14327)
En revanche, dans un arrêt célèbre (Cass.Soc, 03/06/09), la Cour de cassation a pu suivre la position de la CA et considérer que le fait d’être placé sous des caméras en permanence et de devoir suivre un scénario prédéterminé plaçait les acteurs indépendants dans une relation de salarié.
- La notion de rémunération est fondamentale pour qualifier une relation contractuelle d’activité salariée, sinon, on est plus proche d’une relation de type « esclavage ». En revanche, peu importe les modalités de cette rémunération, tant qu’elle répond à certains critères (périodicité, niveau équivalent au salaire minimal).
- La notion de subordination est l’élément essentiel permettant une éventuelle requalification d’un contrat en contrat de travail. C’est une jurisprudence essentielle, dite de principe qui a posé les fondements de cette exigence.
Saisie d’une action en requalification, le juge doit, à l’aide de « faisceaux d’indices », déterminer s’il existe entre les parties une relation de subordination juridique permanente.
« Cass.Soc, 13/11/96, Société générale ». Cet arrêt a défini la notion de subordination et la caractérise à l’aide de trois éléments :
- L’employeur exerce son pouvoir de direction sur son subordonné. Il lui donne des directives générales, il les contrôle et il peut les sanctionner en cas de manquements à ses obligations.
Dans les contentieux de requalification, ces éléments sont systématiquement recherchés (UBER, DELIVEROO), néanmoins, contrairement aux droits étrangers (Italien ou Allemand), la dépendance économique ne suffit pas à créer en droit français une relation contractuelle salariée. Il faut que ces trois conditions soient en effet cumulatives.
Les droits étrangers adoptent un concept appelé « para-subordination » afin de permettre à des auto-entrepreneurs, dépendants économiquement, de leur donneur d’ordre d’exercer sous un régime plus protecteur.
Ces critères avaient un intérêt majeur ; permettre aux personnes requalifiées en salarié de disposer, entre autres, des droits au chômage mais l’actualité leur a désormais offert de nouvelles perspectives avec la loi « Pour choisir son avenir professionnel (Loi du 05/09/18) » :
- Les indépendants qui ne cotisent pas au chômage pourront désormais percevoir une allocation forfaitaire de 800 euros par mois pendant 6 mois en cas de liquidation judiciaire ou de redressement judiciaire avec départ exigé du dirigeant.
Se développe l’idée d’une nouvelle protection sociale portant sur l’idée d’une universalisation de notre protection sociale ; l’idée étant de mettre en œuvre une protection des actifs avec un système unique quel que soit leur statut.
II - Le contrat de travail : Le lien de subordination
Mise en situation
Ressource : Le lien de subordination du salarié
Questions : 1 à 3
Le droit du travail est-il mensonger ?
Quand on parle du droit du travail, il faut rappeler qu’il ne s’applique qu’aux salariés et qu’il exclut, les indépendants, « les free-lance » soit environ 15% de la population active en France (1.000.000 d’auto entrepreneurs dont 670.000 actifs en 2017).
Sont également exclus les travailleurs du SP (fonctionnaires).
Le critère actuel du contrat de travail : La « subordination juridique permanente :
- Existe-t-il un contrat de travail, ou s’agit-il d’un autre type de contrat (civil, commercial) ne permettant pas de bénéficier de la protection du droit du travail ?
La réponse à cette question est désormais devenue cruciale avec le développement du numérique et l’arrêt du 28/11/18 (Take eat easy).
Désormais, en cas de contestation, il faudra vérifier :
- Que la personne ne bénéficie pas de la présomption de salariat édictée par le Code du travail ;
- S’il est juridiquement subordonné en application de la méthode du faisceau d’indices ;
- Exerce-t-il son activité au sein d’un service organisé ?
Maître de leur protection sociale, la Cour de cassation en sa chambre criminelle a cependant pu décider avec l’arrêt Guégan du 29/10/85 que « la seule volonté des parties est impuissante à soustraire le travailleur au statut social qui découle nécessairement de l’accomplissement de son activité de travail »
S’agissant d’un OP de protection, la volonté du salarié n’est pas déterminante comme le rappellera l’arrêt de l’AP (04/03/03).
Le risque de travail dissimulé apparaît aujourd’hui clairement (Cass.Crim.10/01/17).
Vers la convergence des statuts
Constatant les allers-retours incessants de travailleurs de plus en plus nombreux entre le salariat et l’indépendance mais aussi la banalisation du cumul d’activités, les lois 2017-2019 ont voulu faire émerger une convergence des protections – aller vers un statut de l’actif.
On a ainsi été engagées les réformes du congé-maternité ou de l’assurance chômage (décret du 26/07/19).
Depuis le décret du 29/05/19 relatif « à l’amélioration de la protection sociale des indépendants, chaque maman bénéficie des 16 semaines de congé maternité, comme une salariée ».
III - Le contrat de travail : La hiérarchie des normes en droit du travail
Le contrat individuel de travail est placé en bas de la pyramide des sources du droit du travail sous l’ordre public de protection.
Il n’y a pas à ce titre d’inversion des normes, les normes internationales restent tout en haut, la loi fixe les règles relatives aux conditions collectives, même en cas de supplétivité (dérogation).
Le principe admis selon lequel, plus on descend dans les sources, plus les avantages pour le salarié montent est aujourd’hui remis en cause (principe de faveur).
IV - Le contrat de travail : Le pouvoir de direction de l’employeur
En signant son contrat de travail, le salarié accepte d’être, pendant le temps de travail, subordonné à son employeur.
Il est le droit reconnu à l’employeur de prendre les mesures nécessaires à la gestion de son entreprise.
Il n’appartient en effet pas au juge de contrôler les choix effectués par l’employeur (Cass.AP, 08/12/00).
Pour autant, on nom du droit à l’emploi qui est un principe constitutionnel, la notion qui définit la sauvegarde de la compétitivité permettant à l’employeur de licencier à titre économique de manière préventive est soumis au contrôle du juge.
Il appartient donc à ce dernier de vérifier le caractère réel et sérieux du motif économique du licenciement mais il ne peut s’immiscer dans les choix faits par l’employeur quant à l’ampleur de la réorganisation (peu importe que l’employeur choisisse la voie la plus coûteuse en emploi).
Désormais, sous réserve de respecter la dignité du salarié (CJUE, 14/10/04), l’employeur assure le pouvoir fonctionnel dans l’entreprise, même si peut poindre l’idée d’une communauté d’intérêts entre l’employeur et le salarié avec l’existence « des accords de maintien de l’emploi ».
Aujourd’hui, la notion d’entreprise est perçue différemment, si elle appartient à toutes les parties prenantes, alors, elle n’a pas pour objet de maximiser les intérêts d’une seule des parties.
Comme l’a fait, la loi du 22/05/19 relative à la croissance et la transformation des entreprises, il faut donc repenser la place des entreprises dans la société
Il faut redécouvrir le code civil et penser l’entreprise avec l’ensemble de ses parties prenantes, car la société de l’innovation exige confiance et investissement réciproque.
En effet, les dispositions du nouvel article 1833 du code civil donne désormais une nouvelle définition à la société gérée conformément à son intérêt social mais aussi en considération des enjeux sociaux et environnementaux de son activité.
Pour conclure, le pouvoir de direction du chef d’entreprise emprunte 3 formes :
- Il évalue ses salariés, sous réserve que ce dispositif ait été préalablement porté à leur connaissance (Cass.Soc ; 10/07/02), il peut alors en tirer toutes les conséquences ;
- Il peut choisir ses collaborateurs (recrutement et promotion), sous réserve de ne pas discriminer ces derniers ;
- Il est libre de choisir les horaires de ses salariés.
Il connaît 4 limites :
- Interdiction des discriminations directes et indirectes ;
- Le pouvoir de direction s’arrête là ou commence l’atteinte à la santé physique et mentale des salariés ;
- En cas d’atteinte excessive aux libertés du salarié ;
- En cas d’abus de droit ou de détournement de pouvoir (affecter un salarié à l’autre bout de la France pour des raisons qui ne sont pas celles réelles).