Séquence n° 8 – La rupture volontaire du contrat de travail 1
Notions : La démission, le départ en retraite du salarié
I - La démission
Elle est un acte unilatéral de volonté par lequel, un salarié énonce son intention claire et non équivoque de rompre son contrat de travail (L.1237-1 du code du travail).
Le salarié en CDI n’a aucune motivation à donner.
Il doit envoyer sa lettre de démission en RAR si la convention collective le prévoit pour entériner sa rupture.
La démission ne se présume pas :
- La volonté doit être sérieuse, une lettre manuscrite du salarié et postée en RAR témoigne de cette volonté sous réserve qu’elle soit remise en cause ultérieurement. Un départ précipité à la suite d’une altercation ne signifie pas que le salarié souhaitait démissionner (Cass.Soc, 23/01/19, une salariée se fait contrôler en sortant de son magasin après avoir volé des produits, on la contraint à démissionner, la rupture est annulée car elle est viciée).
- Elle doit être non équivoque, l’absence, même de longue durée du salarié ne peut jamais être considérée comme une volonté de démissionner, en revanche, elle peut caractériser un abandon de poste et donc une faute grave ;
La démission peut s’analyser en prise d’acte, si le salarié remet celle-ci en cause en raison de faits qui sont imputables à son employeur (circonstances antérieures ou contemporaines à la démission) –
Quatre arrêts rendus le 09/05/17 ont imposé au juge une méthode :
- Au moment où la démission a été donnée, existait-il des circonstances susceptibles d’entacher sa régularité ?
- Les faits invoqués étaient-ils susceptibles de rendre la poursuite du contrat impossible ?
- Le salarié aura soit les effets d’un LCRS ou d’une démission
La faute du salarié démissionnaire
Le salarié doit respecter un préavis qui fait référence aux usages de la profession en cas d’absence de convention ou d’accord collectif.
La loi ne fixe aucune durée légale quant au préavis suite à une démission, il faut donc regarder la convention collective applicable à l’entreprise ou à la branche.
Le contrat ne peut pas prévoir un délai moins favorable que la convention collective applicable.
Le préavis est dû et la maladie ou l’accident non professionnel n’en suspend pas le cours.
En revanche, en cas de CP, le préavis ne court qu’au retour du salarié.
Il est possible de demander avec l’accord des parties de ne pas effectuer son préavis.
Le salarié qui part sans effectuer le préavis commet une faute (L.1237-2 du code du travail), l’employeur pourrait lui demander le paiement des salaires restant à courir.
La démission abusive
Si la rupture est abusive, elle permet à l’employeur de toucher des DI.
Ainsi, une éventuelle clause de concurrence devra être respectée.
Le non-respect du délai de préavis n’est pas en soi un abus. Il faudrait démontrer en sus le préjudice.
Il y a abus, lorsque l’on démontre une légèreté blâmable ou une intention de nuire (Cass.Soc., 19/06/59 – C. DIOR), un mannequin vedette avait attendu le dernier moment pour signifier qu’elle ne viendrait pas défiler.
Le nouvel employeur en cas d’embauche alors qu’il existait une clause de non concurrence pourrait se voir considéré comme co-responsable à trois conditions :
- Le concurrent est intervenu dans un but frauduleux (détournement de clientèle) ;
- Le nouvel employeur connaissait l’existence d’une clause de non concurrence ;
- Il continue à faire travailler le salarié alors qu’il le sait lié par un contrat de travail
II – Le départ du salarié
A – Le départ à la retraite
Il découle de la volonté du salarié, ayant atteint l’âge légal de départ à la retraite, de rompre son contrat de travail pour bénéficier de sa pension vieillesse.
Ce départ ouvre un droit à une indemnité de départ qui s’applique s’il n’existe pas de dispositions conventionnelles plus favorables.
½ mois de salaire pour 10 ans d’ancienneté ;
1 mois de salaire pour 15 ans d’ancienneté ;
1 mois ½ pour 20 ans d’ancienneté ;
2 mois pour 30 ans d’ancienneté.
B – La mise à la retraite
Elle résulte de la volonté de l’employeur de mettre fin au contrat de travail du salarié s’il est en mesure de bénéficier d’une retraite à taux plein.
Entre cet âge et les 69 ans du salarié, l’employeur ne peut y procéder sans l’accord du salarié et il doit interroger ce dernier 3 mois avant sa date d’anniversaire sur sa volonté de bénéficier d’une retraite. Il a un mois pour donner sa réponde.
Il doit continuer jusqu’au 70 ans du salarié.
Il doit lui verser en sus une indemnité de préavis = celle d’un licenciement.
III – La rupture conventionnelle individuelle
Ce mode spécifique de rupture a été créé par la loi du 25/06/08 (L.1237-11 du code du travail).
Forte d’un succès jamais démenti, elle ne s’adresse cependant qu’aux CDI et exclut les CDD et autres contrats d’apprentissage (L.1237-16 du code du travail).
Elle est également exclue en cas d’accord collectif (GPEC, PSE ou depuis les ordonnances du 22/09/17, dans le cadre d’une RCC).
La Cour de cassation avait déjà jugé qu’il est possible de conclure une rupture conventionnelle lorsque le salarié a été déclaré apte avec réserves après un accident du travail (Cass. soc., 28 mai 2014, n° 12-28.082).
Elle confirme que cela est aussi possible quand le salarié a été déclaré inapte par le médecin du travail y compris si cela fait suite à un accident du travail.
Ce qui compte c’est qu’il n’y ait eu ni fraude ni vice du consentement.
Aujourd’hui encore, il existe des cas dans lesquels la loi exclut tout recours à la rupture conventionnelle (par exemple en cas de plan de sauvegarde de l’emploi) et d’autres dans lesquels une procédure particulière s’applique (membre du CSE par exemple).
Cour de cassation, chambre sociale, 9 mai 2019, n° 17-28.767 (sauf cas de fraude ou de vice du consentement, une convention de rupture peut être valablement conclue par un salarié déclaré inapte à son poste à la suite d’un accident du travail).
La procédure est rythmée en 3 temps :
- Discussion entre les parties ; (L.1237-12 du code du travail) ; le salarié peut se faire assister par les mêmes personnes que pour un entretien de licenciement, même s’il vaut mieux éviter les règles formelles du licenciement.
- Signature de la convention ; Il est impératif d’utiliser le document CERFA au risque du refus d’homologation de la DIRRECTE.
Il est prévu une indemnité spécifique de rupture au titre de l’article L.1237-13 du code du travail qui ne peut être inférieure à celle visée à l’article L.1234-9 du même code.
Elle prévoit également la date de la rupture qui doit tenir compte des délais légaux.
L’article L.1237-13 du code du travail prévoit l’existence d’un délai de 15 jours aux fins d’exercer son droit de rétractation.
Il faut donc compter au moins 1.5 mois au total.
- Homologation de la DIRRECTE ; Elle est prévue à l’article L.1237-14 du code du travail.
L’administration dispose d’un délai de 15 jours pour s’assurer de la conformité de la demande, sans retour de sa part, la rupture est réputée consommée.
En cas de refus (motivé), la demande devra être reprise au début.
La Cour de cassation a pu cependant décider (Cass. ; Soc, 12/05/17) que la DIRRECTE pouvait retirer son refus, car cela n’avait pas créé de droit acquis.
Tout litige au titre de cette convention se prescrit dans les 12 mois à compter de l’homologation (L.1237-14 du code du travail).
Le juge compétent à titre exclusif est celui du CPH.
En revanche, si les IRP peuvent également prétendre à ce dispositif, c’est sous réserve de l’autorisation de l’inspection du travail (L.1237-15 du code du travail).
IV – La prise d’acte de la rupture du contrat de travail
La prise d'acte de la rupture du contrat de travail constitue un mode de rupture du contrat prise par décision de justice.
Le salarié saisit le juge afin que ce dernier statue sur les reproches qu'il impute à son employeur (manquements suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail).
Cela produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués par le salarié le justifient. Dans le cas contraire, cela produit les effets d'une démission.
La rupture du contrat de travail par le salarié en raison de faits qu'il reproche à son employeur constitue une prise d'acte de la rupture du contrat.
Ce mode de rupture produit les effets :
- Soit d'un licenciement injustifié,
- Soit, dans le cas contraire, d'une démission.
Les effets de la prise d'acte ont des conséquences sur le droit à l'allocation d'aide au retour à l'emploi (ARE), d'indemnités de fin de contrat et d'exécution du préavis.
La prise d'acte peut être envisagée lorsque le salarié reproche à l'employeur des manquements suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail.
Elle peut être justifiée, par exemple, dans les cas suivants :
- Discrimination ou harcèlement commis par l'employeur ;
- Non-paiement de tout ou partie du salaire ;
- Modification du contrat de travail sans l'accord du salarié ;
- Absence d'organisation des visites médicales obligatoires (sauf si l'absence de visite médicale est due à une simple négligence de l'employeur).
Tout salarié en CDI ou en CDD peut prendre acte de la rupture du contrat de travail s'il reproche à l'employeur des manquements suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail.
La prise d'acte est possible à tout moment, sauf durant la période d'essai.
- Procédure
Aucun formalisme n'est imposé au salarié.
Toutefois, le salarié doit prévenir l'employeur par un courrier écrit listant les reproches faits à l'employeur et justifiant la prise d'acte.
La prise d'acte entraîne la cessation immédiate du contrat de travail. Le salarié n'est pas tenu d'effectuer un préavis.
Le salarié saisit le conseil de prud'hommes pour tenter d'obtenir.
L'affaire est alors directement portée devant le bureau du jugement, qui statue dans un délai d'1 mois.
Le juge décide :
- Soit que la prise d'acte est justifiée par des manquements suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail.
- Soit que ces manquements ne sont pas suffisamment graves pour justifier la prise d'acte.
Les conséquences de la prise d'acte de la rupture du contrat varient alors en fonction de la décision du juge.
Si la prise d’acte est justifiée, elle les conséquences d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, à l’inverse, elle équivaut à une démission.
V – La résiliation judiciaire du contrat de travail
Le salarié qui reproche à son employeur des manquements graves à ses obligations contractuelles peut demander au conseil des prud'hommes (CPH) de résilier son contrat de travail.
En cas de résiliation, la rupture est considérée comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse (ou nul si le salarié était représentant du personnel).
Si la résiliation judiciaire n'est pas prononcée, le salarié continue de travailler dans les conditions habituelles.
La résiliation judiciaire du contrat du travail permet de rompre le contrat de travail à l'initiative du salarié.
Si l'employeur manque gravement à ses obligations contractuelles, le salarié peut saisir le conseil de prud'hommes (CPH).
Le manquement grave aux obligations contractuelles est retenu par le juge dans certains cas, notamment :
- Discrédit jeté sur un salarié, l'affectant personnellement et portant atteinte à son image, sa fonction et son autorité ;
- Suppression d'un véhicule professionnel mettant le salarié dans l'impossibilité de travailler ;
- Propos dégradants tenus à l'encontre d'un salarié et portant atteinte à sa dignité ;
- Discrimination.
La demande de résiliation judiciaire peut être demandée par
- un salarié en CDI
- ou un salarié en CDD uniquement en cas de faute grave de l'employeur ou de force majeure.
- Procédure
Pour demander la résiliation judiciaire du contrat de travail, le salarié doit saisir le conseil de prud'hommes.
Pendant toute la procédure judiciaire, le salarié continue de travailler dans les conditions habituelles.
Toutefois, le contrat peut être rompu (démission, licenciement, rupture conventionnelle, prise d'acte) pendant la procédure prud'homale.