T° STMG - Le préjudice écologique

Publié le 21/12/2019 Vu 5 473 fois 0
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T° STMG - Le préjudice écologique

Le préjudice écologique, une action en responsabilité reconnue explicitement dans le Code civil

 

Déjà reconnu depuis 2012 par la jurisprudence et évoqué dans près de 190 jugements et décisions, le préjudice écologique est désormais consacré dans le code civil depuis la promulgation de la loi sur la biodiversité d’août 2016.

 

 Inspiré du rapport Jegouzo, l’article 2 bis de la loi inscrit le préjudice écologique dans le code civil, ce qui constitue, selon Jérôme Bignon, rapporteur du projet de cette loi, « […] la plus grande avancée de ce texte : le Sénat en est à l’origine, preuve de son audace, lui qui est si souvent taxé de conservatisme ».

 

En effet, il est maintenant admis que « toute personne responsable d’un préjudice écologique est tenue de la réparer ».

 

 

I - L’action en responsabilité et préjudice

 

Le droit de la responsabilité civile délictuelle s’intéresse aujourd’hui à réparer le préjudice causé tant aux personnes qu’à l’environnement, et ce même en l’absence d’un contrat ou une convention.

Ainsi, la recevabilité et le bien-fondé de l’action en responsabilité civile délictuelle sont nécessaires pour mettre en œuvre celle-ci.

Or, le bien-fondé est vérifié dès lors que l’existence d’un lien de causalité est établie entre le fait générateur et le préjudice causé par ce dernier.

 

 

II - La recherche d’une définition du préjudice écologique entre « dérivé » et « pur »

 

 Le préjudice écologique peut être entendu de deux façons.

 

D’une part, le préjudice écologique « dérivé » est entendu au sens large, puisqu’il permet de prendre en considération les conséquences d’une atteinte à l’environnement sur les personnes et leurs biens.

 

 Il concerne ainsi les préjudices patrimoniaux (conséquence sur un bien), extra-patrimoniaux (préjudice moral) et corporels (préjudice moral, frais d’hospitalisation).

 

Or, afin de voir si ce préjudice écologique dérivé s’applique, il doit remplir trois caractères de qualification : le préjudice doit être direct (cela renvoi au lien de causalité entre le fait générateur et le préjudice), personnel (le préjudice doit être invoqué par la personne qui le subi) et certain (le préjudice doit avoir une forte vraisemblance, mais le dommage futur et le risque de préjudice sont admis).

 

À titre d’exemple, le préjudice écologique est dérivé lorsque plusieurs victimes sont tombées malades et que le lien de causalité entre les rejets de gaz illicites d’une ICPE et leur maladie a été établi : la Cour de cassation a reconnu que ce préjudice corporel était certain, direct et personnel.

 

D’autre part, le préjudice écologique « pur » est entendu au sens strict, puisqu’il recouvre l’hypothèse des atteintes à l’environnement lui-même, indépendamment de ses répercussions sur les personnes et/ou les biens.

Ce préjudice a été reconnu tacitement dans l’arrêt Erika en 2012, évoquée précédemment.

 

Cette reconnaissance a d’ailleurs été favorisée par une décision du Conseil constitutionnel de 2011, qui a admis une obligation de vigilance à l’égard des atteintes à l’environnement, dont la violation engage la responsabilité civile de son obligé.

 

Aujourd’hui, c’est ce préjudice écologique pur qui est consacré par la loi sur la biodiversité, aux articles 1386-19 et suivants du Code civil et, sur le principe du pollueur-payeur.

 

Afin de résumer l’ensemble des préjudices écologiques, et dans le silence de la loi, la doctrine a établi une nomenclature des préjudices écologiques, permettant alors de « nommer pour mieux normer ».

Effectivement, les propos des professeurs Nevret et Martin peuvent être synthétisés comme ci-après :

 

Préjudices causés à l’environnement

Préjudices causés aux hommes

 

Préjudices collectifs

Préjudice écologique pur

Atteinte aux sols et à leurs fonctions

Atteinte aux services écologiques

Atteinte aux eaux, milieux aquatiques et à leurs fonctions

Atteinte à l’air/atmosphère et à ses fonctions

Atteinte aux espèces et à leurs fonctions

Préjudice écologique dérivé

 

Atteinte aux missions de protection de l’environnement

Préjudices individuels

Préjudices moraux (patrimoniaux et extra-patrimoniaux)

Préjudices corporels

Préjudices économiques

 

Les auteurs de cette nomenclature ont cependant insisté sur le fait que cette nomenclature n’a pas vocation à devenir « un carcan rigide », mais est bien « un outil ouvert et évolutif […] d’ores et déjà opérationnel ».

 

A l’égard de cette définition du préjudice écologique, la loi sur la biodiversité inscrit donc dans le Code civil qu’« […] est réparable, dans les conditions prévues au présent titre, le préjudice écologique résultant d’une atteinte non négligeable aux éléments ou aux fonctions des écosystèmes ou aux bénéfices collectifs tirés par l’homme de l’environnement.

 

La définition évoquée ici concerne donc davantage le préjudice écologique pur de la nomenclature.

 

III - La question de la qualité et de l’intérêt agir en responsabilité

 

L’article 1248 du Code civil dispose que « l’action en réparation du préjudice écologique est ouverte à toute personne ayant qualité et intérêt à agir, telle que l’État, l’Agence française pour la biodiversité [créée par la loi sur la biodiversité], aux collectivités territoriales et à leurs groupements dont le territoire est concerné, ainsi que les établissements publics et les associations agréées ou créées depuis au moins cinq ans à la date d’introduction de l’instance qui ont pour objet la protection de la nature et la défense de l’environnement ».

 

Autrement dit, l’action en responsabilité pour préjudice écologique est ouverte assez largement, puisque des personnes publiques comme privées pourront agir, à condition d’en avoir la qualité et l’intérêt.

 

La qualité à agir s’établi dès lors que la personne qui agit fait partie de la liste évoquée précédemment ; l’intérêt à agir est confirmé lorsque la personne qui agit est concerné par le préjudice parce qu’il se trouve sur son territoire ou parce que l’objet de leur formation est la protection de l’environnement (d’où l’intérêt, pour les associations, d’avoir un objet social assez large pour inclure une multitude d’actions).

 

IV - La priorité accordée à la réparation en nature

 

Selon l’article 1247 du Code civil, le préjudice écologique sera réparable, en priorité en nature, c’est-à-dire que le responsable devra procéder à la remise en état du milieu dégradé.

 

Pourtant, d’un point de vue écologique, la remise en état n’est pas toujours synonyme de regain de la flore et de la faune d’autrefois ; certains changements sont irréversibles.

 

Cela explique l’importance de la doctrine « éviter, réduire, compenser », qui constitue une obligation légale imposée aux maîtres d’ouvrage concernant l’impact de leurs projets sur les milieux naturels. A cet effet, « indépendamment de la réparation du préjudice écologique, le juge, saisi d’une demande en ce sens par une personne mentionnée à l’article 1248 [du Code civil], peut prescrire les mesures raisonnables propres à prévenir ou faire cesser le dommage 

 

En cas d’impossibilité, la réparation sera monétaire avec le versement de dommages et intérêts, qui devront servir à la remise en état de l’environnement ou, à défaut, à sa protection.

Le calcul du montant des dommages et intérêts tiendra d’ailleurs compte, pour partie, des dépenses affectées pour la prévention d’une atteinte à l’environnement, et notamment dans le cadre du principe du pollueur-payeur établi par le Code de l’environnement.

 

En cas d’impossibilité du demandeur à l’action d’affecter ces sommes à la réparation ou à la protection de l’environnement, elles seront versées à l’Etat ou à toute personne désignée.

 

V - Délai spécial de prescription de l’action en responsabilité : 10 ans

 

La création de l’article 2226-1 du Code civil permet de prévoir que l’action en responsabilité tendant à la réparation du préjudice écologique se prescrit par 10 ans, à compter du jour où le titulaire de l’action a connu ou aurait dû connaître la manifestation du préjudice.

Il est à noter que ce délai est particulier tant pour sa durée que pour son point de départ.

En effet, le délai quinquennal de droit commun est jugé comme trop court par rapport à la temporalité du dommage environnemental tandis que, le délai spécial du Code de l’environnement de 30 ans démarre à compter de la date du fait générateur, alors que le demandeur à l’action en réparation peut ne pas en avoir eu connaissance.

Il faut effectivement avoir conscience qu’il peut y avoir des décalages temporels importants entre le fait générateur et la manifestation du dommage.

Ces divers éléments permettent donc de comprendre le choix des législateurs avec un délai spécial de prescription de l’action en responsabilité du fait d’un préjudice écologique.

Absence de consolidation du dommage, quelle prescription ?

 

 

À la suite de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 (JO 5 mars) les régimes ont été unifiés et un délai unique de prescription a été adopté. Les recours se prescrivent par 10 ans à compter de la consolidation du dommage.

 

Aussi la question posée est celle de l’opportunité de revenir à une prescription trentenaire pour les victimes dont l’état n’est pas consolidé.

 

La ministre réfute cette possibilité, estimant que le droit en vigueur se montre d’ores et déjà assez protecteur des victimes pour lesquelles le dommage n’est pas consolidé.

 

Il est rappelé que l’absence de consolidation du dommage ne fait pas obstacle à l’indemnisation des dommages certains d’ores et déjà subis par la victime ou à venir (CE, 25 oct. 2017, n° 400950 ; CE, 5 déc. 2008, n° 296460).

 

De même que l’aggravation d’un préjudice déjà indemnisé ne fait pas obstacle à une nouvelle demande d’indemnisation (CE, 1er juin 2016, n° 382490).

Enfin et en tout état de cause, la victime a la possibilité de faire la demande d’une provision.

 

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