T° STMG - La responsabilité des produits défectueux

Publié le 21/12/2019 Vu 15 230 fois 0
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Présentation rapide de ce régime juridique

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T° STMG - La responsabilité des produits défectueux

La responsabilité du fait des produits défectueux

La responsabilité du fait des produits défectueux est codifiée depuis la réforme opérée par l’ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016, aux articles 1245 et suivants du Code civil.

Ces articles sont issus d’une loi du 19 mai 1998 qui a transposé, en droit interne, une directive du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres, en matière de responsabilité, du fait des produits défectueux.

La responsabilité du fait des produits défectueux, peut se définir comme l’obligation pesant sur le producteur ou le fabricant d’un bien n’offrant pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre de réparer le dommage causé par celui-ci.

Il s’agit d’une responsabilité qui ignore la distinction entre responsabilité délictuelle et responsabilité contractuelle.

Ainsi, la responsabilité du fait des produits défectueux sera applicable au producteur, que ce dernier soit lié ou non par un contrat avec la victime (article 1245 du Code civil).

En revanche, la Cour de cassation a pu rappeler que cette responsabilité était exclusive de toute autre type de responsabilité, sauf, si les fondements invoqués sont différents :

« La victime d’un dommage causé par le défaut de sécurité d’un produit ne peut fonder son action en réparation sur la responsabilité du fait des choses, celle du fait des produits défectueux, qui couvre la réparation des atteintes aux biens à usage professionnel, s’appliquant exclusivement ».

Né d’une surtension accidentelle sur le réseau électrique et de l’explosion d’un transformateur situé à proximité, un incendie avait détruit un bâtiment d’exploitation agricole. Son propriétaire avait alors assigné la société ERDF sur le fondement de la responsabilité du fait des choses (C. civ., art. 1212, al. 1er).

Celle-ci lui avait opposé, sur le fondement distinct de la responsabilité du fait des produits défectueux qu’elle estimait applicable, la prescription de son action, engagée plus de trois ans après la connaissance de l’origine électrique du sinistre (C. civ., art. 1245-16).

 

 La cour d’appel jugea également, en se fondant sur le régime de la responsabilité du fait des produits défectueux, l’action du propriétaire irrecevable comme prescrite. Ce dernier forma un pourvoi en cassation pour soutenir l’application du régime de la responsabilité du fait des choses, dont le délai de prescription, quinquennal, n’était pas encore écoulé. Dans cette perspective, il affirmait, d’une part, que la réparation des dommages causés à une chose destinée à l’usage professionnel et utilisée pour cet usage ne relève pas du champ d’application de la directive du CEE du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux et, d’autre part, qu’en l’absence de principe de non-cumul du régime de la responsabilité du fait des produits défectueux avec d’autres régimes de responsabilité, celui du fait des choses pouvait valablement servir de fondement à son action dans la mesure où celle-ci avait été engagée sur le seul fait de la chose, c’est-à-dire sur un fondement autre que celui tiré du défaut de sécurité du produit. La Cour de cassation écarte ces arguments. 

 

Elle juge, dans un premier temps, qu’en l’absence de limitation du droit national, l’article 1245-1 du Code civil s’applique au dommage causé à un bien destiné à l’usage professionnel.

Si elle concède que l’article 9 de la directive prévoit que les dispositions de celle-ci s’appliquent à la réparation du dommage causé à une chose ou à la destruction d’une chose, autre que le produit défectueux lui-même, à condition que cette chose soit d’un type normalement destiné à l’usage ou à la consommation privés et ait été utilisée par la victime principalement pour son usage ou sa consommation privés, elle tempère la restriction précédente en soulignant que l’article 1245-1 issu de la loi n° 98-389 du 19 mai 1998, transposant l’article 9 de cette directive, énonce que les dispositions relatives à la responsabilité du fait des produits défectueux s’appliquent, concernant les atteintes faites aux biens, à tout bien autre que le produit défectueux. La Cour en déduit qu’en l’absence de restriction expresse du législateur national quant au champ d’application de ce régime, ce dernier est applicable aux biens à usage professionnel.

 

Elle motive encore cette affirmation en rappelant que si par une décision du 4 juin 2009 (Moteurs Leroy Somer, n°.285/08), rendue sur une question préjudicielle renvoyée par la Cour de cassation (Com. 24 juin 2008, n° 07-11.744), la CJUE a dit pour droit que la réparation des dommages causés à une chose destinée à l’usage professionnel et utilisée pour cet usage ne relève pas du champ d’application de la directive précitée, elle a précisé que celle-ci doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas à l’interprétation d’un droit national ou à l’application d’une jurisprudence interne établie selon lesquelles la victime peut demander réparation du dommage causé à une chose destinée à l’usage professionnel et utilisée pour celui-ci, dès lors que cette victime rapporte la preuve du dommage, du défaut du produit et du lien de causalité entre ce défaut et le dommage. Or si initialement, la jurisprudence interne s’alignait sur celle de la CJUE pour circonscrire l’application du régime de la responsabilité du fait des produits défectueux aux cas dans lesquels les produits défectueux en cause ne sont pas destinés à l’usage professionnel ni utilisés pour cet usage (Com. 26 mai 2010, n° 07-11.744 ; Civ. 1re, 17 mars 2016, n° 13-18.876), elle avait récemment préféré élargir le champ d’application de ce régime en ne distinguant pas selon l’usage, professionnel ou privé, de la chose défectueuse, au nom de l’adage selon lequel il n’y a pas lieu de distinguer là où la loi ne distingue pas (Civ. 1re, 11 janv. 2017, n° 16-11.726).

 

Dans un second temps, la Cour se prononce cette fois de manière inédite sur la possibilité, qu’elle exclut, de fonder une action en responsabilité du fait de la chose lié au défaut de sécurité de celle-ci.

 

Cette exclusion se comprend dans la mesure où si la possibilité d’invoquer un autre régime de responsabilité, contractuelle ou extracontractuelle, que celui prévu par la directive est expressément consacrée par l’article 1245-17 du Code civil, c’est à la condition que le régime alternatif qui fonde l’action repose sur un fondement distinct du défaut de sécurité, tel que la faute ou le vice caché (CJCE 25 avr. 2002, n° C-183/00, § 31).

 

Or tel ne peut être le cas, estime la Cour, de l’action en responsabilité du fait des choses qui, lorsqu’elle est invoquée à l’encontre du producteur après la mise en circulation du produit, procède nécessairement d’un défaut de sécurité. En effet, dans cette hypothèse, le fait de la chose se confond avec la défectuosité du produit et les deux régimes se chevauchent par l’identité de leur fondement juridique : le défaut de sécurité. Dans le même sens, la responsabilité pour faute ne peut recevoir application en l’absence de preuve d’une faute distincte du défaut de sécurité du produit dommageable, de même que le vice caché qui ne se démarque pas d’un tel défaut ne pourra déclencher la garantie prévue à cet effet par le droit de la vente (C. civ., art. 1603 ; Civ. 1re, 17 mars 2016, n° 13-18.876).

 

La condition ici affirmée de la mise en circulation du produit, dont dépend l’application du régime de la responsabilité du fait des produits défectueux, est essentielle pour définir la place occupée par ces deux régimes de responsabilité : logiquement, avant que le producteur se soit volontairement dessaisi du produit défectueux, le dommage que le produit aura causé ne pourra être réparé que sur le fondement de droit commun du fait des choses.

 

 En l’espèce, le réseau dont la défaillance électrique a causé le dommage répondant à cette condition, le régime de la responsabilité du fait des produits défectueux était le seul à pouvoir fonder l’action de la victime qui se trouvait, en conséquence du délai légalement prévu, prescrite.

Civ. 1re, 11 juill. 2018, n° 17-20.154

 

Voyons d’abord le champ d’application de la responsabilité du fait des produits défectueux, avant de nous intéresser à son régime juridique.

 

I - La responsabilité du fait des produits défectueux : champ d’application

 Le champ d’application de la responsabilité du fait des produits défectueux est spécifique, tant d’un point de vue temporel, que personnel et matériel.

Le champ d’application temporel

La responsabilité du fait des produits défectueux ne s’applique qu’aux produits mis en circulation après la date d’entrée en vigueur de la loi du 19 mai 1998, soit le 21 mai 1998.

Pour les produits mis en circulation avant le 21 mai 1998, il faut distinguer deux cas :

-          Pour les produits mis en circulation avant le 30 juillet 1988 (date à laquelle aurait dû être transposée, en droit interne, la directive du 25 juillet 1985 sur la responsabilité du fait des produits défectueux) : c’est le droit commun interne (anciens articles 1382 et 1147 du Code civil) qui est applicable.

-          Pour les produits mis en circulation entre le 30 juillet 1988 et le 21 mai 1998 : le droit commun reste applicable, mais il doit être interprété conformément à la directive du 25 juillet 1985.

 

 

 

Produits défectueux : point de départ de la prescription de l’action

 

D’une part, aux termes de l’article 2270-1 du Code civil, les actions en responsabilité civile extracontractuelle se prescrivent par dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation et en cas de dommage corporel ou d’aggravation du dommage, la date de la consolidation fait courir le délai de la prescription prévu par ce texte.

D’autre part, dès lors qu’un produit dont le caractère défectueux est invoqué a été mis en circulation après l’expiration du délai de transposition de la directive, mais avant la date d’entrée en vigueur de la loi n° 98-389 du 19 mai 1998 transposant cette directive, l’article 2270-1 doit être interprété dans toute la mesure du possible à la lumière de la directive et le délai de prescription de l’article 10 de la directive court à compter de la date à laquelle le demandeur a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l’identité du producteur.

Il s’ensuit que la date de la manifestation du dommage ou de son aggravation, au sens de l’article 2270-1, interprété à la lumière de la directive, doit s’entendre de celle de la consolidation, permettant seule au demandeur de mesurer l’étendue de son dommage et d’avoir ainsi connaissance de celui-ci.

Un enfant se voit prescrire, pour une rhinopharyngite fébrile, un traitement à base d’aspirine, de paracétamol et d’antibiotique, à la suite duquel il présente divers troubles, notamment une atteinte de la muqueuse oculaire conduisant à une cécité, attribués à un syndrome de Lyell.

Le juge des référés ordonne une expertise qui fixe la date de la consolidation à la fin de l’année 2005 et le 13 avril 2012, les parents et l’enfant assignent le producteur des médicaments en réparation de leurs préjudices.

Viole le texte susvisé la cour d’appel qui, pour déclarer leur action irrecevable comme prescrite, retient qu’en application de ce texte interprété à la lumière des articles 10 et 11 de la directive, qui imposent de retenir comme point de départ du délai de prescription non pas la date de consolidation du dommage, mais celle de sa manifestation, le délai prévu par ce texte, qui avait commencé à courir à compter du 13 février 1998, date de la manifestation du dommage subi par l’enfant, était expiré au 16 juillet 2008, date de l’action.

 

Cass. 1re civ., 15 juin 2016, n° 15-20022

 

Le champ d’application personnel

La responsabilité du fait des produits défectueux s’applique au producteur du produit défectueux (article 1245 du Code civil).

Le producteur peut se définir comme, « lorsqu’il agit à titre professionnel, le fabricant d’un produit fini, le producteur d’une matière première, le fabricant d’une partie composante » (article 1245-5 du Code civil).

Par exemple, si vous subissiez un dommage du fait d’un défaut de votre smartphone, vous pourriez engager la responsabilité du producteur de votre smartphone. Admettons qu’il s’agisse d’un IPhone, vous pourriez alors agir en responsabilité contre Apple en tant que fabricant du produit fini.

Toutefois, un certain nombre de matières premières de l’IPhone proviennent d’Afrique ou de Chine. La responsabilité du fait des produits défectueux pourrait donc également s’appliquer à ces producteurs africains ou chinois en tant que producteurs d’une matière première.

Enfin, avant d’être assemblées dans les usines de Foxconn en Chine, les différentes pièces de l’IPhone sont produites un peu partout dans le monde et, notamment, en Europe, en Asie de l’Est et en Amérique du Nord. Vous pourriez donc aussi engager la responsabilité des fabricants de ces parties composantes au titre de la responsabilité du fait des produits défectueux.

« La victime du défaut de sécurité d'un produit ne peut pas fonder son action contre le producteur sur la responsabilité de droit commun du fait des choses. Elle doit invoquer la responsabilité du fait des produits défectueux, même si le dommage est causé à un bien à usage professionnel.


1. Un bâtiment agricole est détruit par un incendie en raison d’une surtension accidentelle sur le réseau électrique et de l’explosion d’un transformateur situé à proximité. Le propriétaire du bâtiment poursuit la société ERDF sur le fondement de la responsabilité du fait des choses (
C. civ. art. 1242, al. 1 ; ex-art. 1384, al. 1). Cette société considère au contraire que seul le régime de la responsabilité du fait des produits défectueux est applicable (C. civ. art. 1245 s. ; ex-art. 1386-1 s.), même s’agissant de dommages causés à un bien à usage professionnel, de sorte que l’action du propriétaire, engagée plus de 3 ans après la connaissance de l’origine du sinistre est prescrite (C. civ. art. 1245-16 prévoyant une prescription de 3 ans contre 5 ans en droit commun).

La Cour de cassation retient ces arguments et déclare l’action de la victime irrecevable car prescrite.

 

La victime ne peut pas invoquer la responsabilité du fait des choses

2. Si, selon l’article 1245-17 du Code civil, le régime de responsabilité du fait des produits défectueux ne porte pas atteinte aux droits dont la victime d’un dommage peut se prévaloir au titre du droit de la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle ou au titre d’un régime spécial de responsabilité, c’est à la condition que ceux-ci reposent sur des fondements différents, telles la garantie des vices cachés ou la faute (CJCE 25-4-2002, aff. C-183/00 point 31). Mais tel n’est pas le cas, juge la Cour de cassation, de l’action en responsabilité du fait des choses, prévue à l’article 1242, al. 1 du Code civil qui, lorsqu’elle est invoquée à l’encontre du producteur après la mise en circulation du produit, procède nécessairement d’un défaut de sécurité.

3. La Cour de cassation avait déjà jugé que le régime de la responsabilité du fait des produits défectueux n’exclut pas l’application d’autres régimes de responsabilité contractuelle ou extracontractuelle à la condition que ceux-ci reposent sur des fondements différents de celui d’un défaut de sécurité du produit litigieux, telles la garantie des vices cachés ou la faute ; ainsi, elle a exclu l'application de l’article 1240 (ex-art. 1382) du Code civil en l’absence de preuve d’une faute distincte (Cass. com. 26-5-2010 n° 07-11.744 FS-PB : RJDA 8-9/10 n° 894 et Cass. 1e civ. 10-12-2014 n° 13-14.314 F-PB : Bull. civ. I n° 209) ou la responsabilité contractuelle de droit commun fondée sur l’article 1231-1 (ex-art. 1147) ou l’article 1603 du Code civil (Cass. 1e civ. 17-3-2016 n° 13-18.876 F-PB : BRDA 8/16 inf. 20).

Dans le droit-fil de cette jurisprudence, la Cour suprême affirme, pour la première fois à notre connaissance, que la responsabilité du fait des produits défectueux exclut l’application du régime de responsabilité extracontractuelle du fait des choses dès lors que les deux régimes ont le même fondement juridique : une responsabilité sans faute en cas de défaut de sécurité.

4. Cette solution ne vaut qu’après la mise en circulation du produit, puisque l’application du régime de responsabilité du fait des produits défectueux suppose un produit mis en circulation, c’est-à-dire un produit dont le producteur s’est dessaisi volontairement (C. civ. art. 1245-4). Avant cette mise en circulation, seul le régime de la responsabilité du fait des choses s’applique.

 

Les dommages causés à un bien à usage professionnel sont concernés

5. La Haute Juridiction juge qu’en l’absence de limitation du droit national, l’article 1245-1 du Code civil s’applique au dommage causé à un bien destiné à l’usage professionnel.

En effet, d'une part l’article 9 de la directive européenne 85/374 du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions des Etats membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux prévoit que les dispositions de celle-ci s’appliquent à la réparation du dommage causé par la mort ou par des lésions corporelles et au dommage causé à une chose ou la destruction d’une chose, autre que le produit défectueux lui-même, sous déduction d’une franchise, à condition que cette chose soit d’un type normalement destiné à l’usage ou à la consommation privés et ait été utilisée par la victime principalement pour son usage ou sa consommation privés ; d’autre part, l’article 1245-1 issu de la loi 98-389 du 19 mai 1998, transposant l’article 9 de cette directive, énonce que les dispositions relatives à la responsabilité du fait des produits défectueux s’appliquent à la réparation du dommage qui résulte d’une atteinte à la personne ainsi qu’à la réparation du dommage supérieur à un montant déterminé par décret qui résulte d’une atteinte à un bien autre que le produit défectueux lui-même.

Par suite, considère la Cour, le législateur national n’a pas limité le champ d’application de ce régime de responsabilité à la réparation du dommage causé à un bien destiné à l’usage ou à la consommation privés et utilisé à cette fin.

6. La Cour de cassation ajoute encore que, si, par une décision du 4 juin 2009 (aff. 285/08 : RJDA 8-9/09 n° 794), rendue sur une question préjudicielle renvoyée par la Cour de cassation (Cass. com. 24-6-2008 n° 07-11.744 F-PB : RJDA 11/08 n° 1199), la Cour de justice des Communautés européennes a dit que la réparation des dommages causés à une chose destinée à l’usage professionnel et utilisée pour cet usage ne relève pas du champ d’application de la directive précitée, elle a précisé que celle-ci doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas à l’interprétation d’un droit national ou à l’application d’une jurisprudence interne établie selon lesquelles la victime peut demander réparation du dommage causé à une chose destinée à l’usage professionnel et utilisée pour cet usage, dès lors que cette victime rapporte seulement la preuve du dommage, du défaut du produit et du lien de causalité entre ce défaut et le dommage.

7. La Cour de cassation clarifie ainsi sa position sur l’application du régime de responsabilité du fait des produits défectueux aux dommages causés à des biens professionnels. Après avoir jugé que la réparation des dommages causés à une chose destinée à l’usage professionnel et utilisée pour cet usage ne relève pas du champ d’application de la directive 85/374 du 25 juillet 1985 (CJCE 4-6-2009, précité) et qu’en conséquence les articles 1245 et suivants du Code civil, qui transposent en droit interne la directive, ne s’appliquent pas à la réparation des dommages causés aux produits destinés à l’usage professionnel, car ce n’est pas expressément prévu par le Code civil (Cass. com. 26-5-2010 n° 07-11.744 FS-PB : RJDA 8-9/10 n° 894), elle adopte la solution inverse en invoquant l’absence de limite expresse par le législateur français du champ d’application de ce régime. Autrement dit le silence de la loi sur les biens à usage professionnel, qui valait auparavant exclusion du régime, implique dorénavant applicabilité de celui-ci.

Récemment, la Cour de cassation avait déjà jugé que le régime de responsabilité du fait des produits défectueux s’applique au producteur d’un produit affecté d’un défaut, même si la destination de l’usage de ce produit est professionnelle (Cass. 1e civ. 11-1-2017 n° 16-11.726 FS-PBI : BRDA 3/17 inf. 10).

Cass. 1e civ. 11-7-2018 n° 17-20.154 FS-PBI »

 

 Le champ d’application matériel

En ce qui concerne les dommages : la responsabilité du fait des produits défectueux s’applique aussi bien aux dommages aux personnes qu’aux dommages aux biens.

Un produit défectueux peut en effet causer un dommage tant à une personne qu’à un bien.

Toutefois, elle ne s’applique qu’aux biens qui ont subi un dommage dont le montant est supérieur à 500 euros (décret du 11 février 2005). Sont donc exclus, les petits dommages aux biens !

Par ailleurs, elle ne s’applique pas non plus aux dommages que les produits défectueux causent à eux-mêmes (article 1245-1 du Code civil).

En ce qui concerne les produits : la responsabilité du fait des produits défectueux s’applique aux dommages causés par les produits défectueux mis en circulation.

Un produit s’entend de « tout bien meuble, même s’il est incorporé dans un immeuble » (article 1245-2 du Code civil).

En outre, le produit doit être mis en circulation, dans le sens où le producteur doit s’en être dessaisi volontairement (article 1245-4 du Code civil). La mise en circulation correspond à la mise sur le marché du produit, à sa commercialisation.

Enfin, le produit doit être défectueux. Un produit est considéré comme défectueux « lorsqu’il n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre » (article 1245-3 al. 1 du Code civil).

La défectuosité du produit est donc appréciée in abstracto, en prenant pour référence le public en général.

La défectuosité est également appréciée en tenant compte de toutes les circonstances et notamment de :

La présentation du produit. Par exemple, si les informations et mises en garde relatives à l’utilisation du produit sont insuffisantes, le produit pourra être considéré comme défectueux (Cass. Civ. 1ère, 7 nov. 2006).

« Il a été récemment jugé, qu’est responsable sur le fondement du régime spécial de l’indemnisation des victimes de produits défectueux, la société fabricante d’un produit toxique qui, ayant fait l’objet d’un étiquetage insuffisant ne respectant pas la réglementation applicable, n’offrait pas la sécurité à laquelle l’acheteur pouvait légitimement s’attendre ce qui constitue un défaut ; produit toxique dont le défaut est à l’origine directe des dommages subis par la victime.

Cass. Civ 1°, 28/11/18

 

L’usage qui peut en être raisonnablement attendu. 

 

Par exemple, si les risques inhérents au produit sont trop importants par rapport aux bénéfices, alors le produit est défectueux (Cass. Civ. 1ère, 24 janv. 2006).

 

Le moment de sa mise en circulation (article 1245-3 al. 2 du Code civil).

 

II - La responsabilité du fait des produits défectueux : régime juridique

A - Les conditions de la responsabilité du fait des produits défectueux

Trois conditions sont exigées pour engager la responsabilité du producteur du fait d’un produit défectueux :

·         Un dommage

·         Un défaut du produit

·         Un lien de causalité entre le défaut et le dommage

 

B - Les effets conditions d’exonération

La responsabilité du fait des produits défectueux est une responsabilité de plein droit, sans exigence de faute.

Le producteur ne pourra donc s’exonérer que dans certaines hypothèses (article 1245-10 du Code civil).

Ces hypothèses d’exonération peuvent être divisées en deux catégories.

Certaines sont spécifiques à la responsabilité du fait des produits défectueux.

Ainsi le producteur peut s’exonérer en prouvant que :

Le produit n’était pas mis en circulation ;

Le défaut est né postérieurement à la mise en circulation du produit ;

Le produit n’était pas destiné à être vendu ou distribué ;

 

L’état des connaissances scientifiques et techniques, au moment où le produit a été mis en circulation, n’a pas permis de déceler l’existence du défaut.

 

A noter que ce défaut de connaissances s’apprécie objectivement, et non par rapport aux connaissances du producteur.

 

Le défaut est dû au respect de normes impératives ;

 

Il existe également d’autres hypothèses d’exonération, fondées sur le droit commun.

Il s’agit de :

o   la faute de la victime (article 1245-12 du Code civil). Si le dommage qu’a subi la victime est dû à sa faute, alors le producteur ne peut pas être tenu responsable.

o   Par exemple, si vous vous brûlez avec votre fer à repasser, vous ne pourrez pas engager la responsabilité du producteur du fer à repasser car le dommage que vous avez subi est dû à une faute de maladresse de votre part.

 

o   Le fait de la nature. Une catastrophe naturelle par exemple.

 

A noter que le fait du tiers n’est pas une cause d’exonération en matière de responsabilité du fait des produits défectueux (1245-13 du Code civil).

 

Ainsi, même si un tiers a concouru à la réalisation du dommage, le producteur reste pleinement responsable.

 

 Un arrêt récent a posé ce principe : Cass. 1re civ., 28 nov. 2018, n° 17-14.356, P+B :

« À la suite d’un crash aérien en mer, les proches des victimes ont assigné en référé, sur le fondement de l’article 809, alinéa 2, du Code de procédure civile, le fabricant de l’aéronef ainsi que le fabricant du module électronique RTLU équipant l’aéronef accidenté, en paiement d’indemnités provisionnelles.

Afin de retenir que l’obligation des fabricants de l’aéronef et du module électronique RTLU à indemniser les demandeurs était sérieusement contestable, la cour d’appel d’Angers (CA Angers, 10 janv. 2017, n° 16/01396) relève que la simple implication d’un composant dans la réalisation du dommage est insuffisante, dès lors que doivent être appréciées la rigueur et la qualité des opérations de maintenance de l’appareil, lesquelles incombent aux compagnies aériennes et non aux fabricants.

Fort du rapport d’enquête, l’arrêt retenait que bien que le dysfonctionnement du module RTLU était le premier facteur dans le temps ayant pu contribuer à l’accident, les opérations de maintenance avaient été inadaptées et non conformes.

Elle soulignait également que le simple fait que le fabricant de l’aéronef ait amélioré le module RTLU à plusieurs reprises avant la construction de l’avion concerné ne permettait pas de considérer que cette société avait connaissance d’une absence de fiabilité de ce dernier.

Au visa des articles 1386-1 et 1386-14, devenus
 1245 et 1245-13 du Code civil, ensemble l’article 809, alinéa 2, du Code de procédure civile, la Cour de cassation rappelle, dans un attendu de principe, qu’il résulte du premier de ces textes que le producteur est responsable de plein droit du dommage causé par un défaut de son produit ; qu’aux termes du deuxième, la responsabilité du producteur envers la victime n’est pas réduite par le fait d’un tiers ayant concouru à la réalisation du dommage.

Ainsi, la Haute juridiction retient que le fait de tiers ayant concouru à la réalisation d’un dommage et le défaut de connaissance, par les producteurs de l’avion et du module litigieux, de l’absence de fiabilité de ce dernier, sont impropres à caractériser l’absence d’une obligation non sérieusement contestable à la charge de ces producteurs, alors qu’un défaut de module avait été constaté ».

 

III - La prescription applicable en matière de responsabilité du fait des produits défectueux

L’action de la victime à l’encontre du producteur est encadrée par deux délais.

D’abord, la victime ne peut plus agir contre le producteur après l’écoulement d’un délai de 10 ans à compter de la mise en circulation du produit (article 1245-15 du Code civil). Ainsi, si le produit a été commercialisé, il y a plus de 10 ans, il n’est plus possible d’agir contre le producteur.

Ensuite, si le dommage survient dans le délai de 10 ans susvisé, alors l’action en réparation fondée sur la responsabilité du fait des produits défectueux se prescrit dans un délai de trois ans à compter de la date à laquelle le demandeur a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l’identité du producteur (article 1245-16 du Code civil).

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