DROIT A L’IMAGE
Floutage partiel : droit à l’image non respecté
TGI de Paris, ordonnance des référés 16 novembre 2018
Dans cette affaire, un film publicitaire dans lequel figurait un mannequin avait été diffusé au-delà du terme de la durée prévue au contrat, rapporte la juriste Claire Sambuc. En septembre 2013, le mannequin avait signé un contrat autorisant l’exploitation de son image dans un film publicitaire pendant une durée de deux ans. Le mannequin avait constaté que la vidéo était toujours accessible sur le site de la marque et sur Youtube après l’expiration du contrat.
L’exploitation du film ayant commencé un an après la signature du contrat, le site estimait que l’image du mannequin avait été exploitée pendant la durée de deux ans prévue au contrat. Or, le contrat ne précisait pas le point de départ de la durée de la cession du droit à l’image. Le tribunal a tranché en estimant que le contrat commençait à produire ses effets à compter de sa date de signature.
Le tribunal a ainsi jugé que le droit à l’image n’était pas respecté « Peu importe que le visage du demandeur soit « flouté » ou non le jour de l’audience, dès lors que le reste de son corps, attribut du droit à l’image, apparaît ». Les faits sont relatés par la juriste marseillaise, C. Sambuc, spécialisée en droit des nouvelles technologies.
Atteinte au droit à l’image en l’absence d’autorisation
TGI de Paris, 21 novembre 2018
Le TGI de Paris a condamné une société pour avoir diffusé sur internet les photos représentant un modèle sans son autorisation écrite. Une femme avait posé pour une marque de vêtements pour un montant de 300 euros par séance puis sans rémunération lorsque cette personne est devenue salariée de l’entreprise.
Les images étaient diffusées sur le site internet de l’entreprise ainsi que sur les réseaux sociaux. La salariée/modèle ne s’attendait pas à une diffusion de telle ampleur. Aucun document n’avait été conclu pour autoriser l’exploitation de son image. Son contrat de travail ne contenait pas davantage de dispositions sur ce point.
Il n’est pas non plus démontré que la salariée aurait consenti une autorisation implicite. Le tribunal précise que « la société ne démontre pas qu’implicitement, M. X. aurait donné son accord à l’utilisation de son image sur les multiples supports en cause, le simple fait d’accepter des séances photo n’impliquant pas un tel accord ; qu’au demeurant, ne serait pas valable une autorisation, illimitée dans le temps, sur tout support, s’agissant d’un attribut de la personnalité et compte tenu des règles régissant le droit des contrats ».
VIE PRIVEE
Revenge Porn : condamnation pour atteinte à la vie privée
TGI de Bobigny 20 novembre 2018
Le tribunal de Bobigny a condamné l’ex-maitresse d’un homme marié pour avoir envoyé, sur les téléphones portables de sa femme, sa sœur et de lui-même des photographies le montrant dans son intimité, des photographies de son sexe ainsi que des messages échangés entre les amants.
Le tribunal a considéré que l’atteinte à la vie privée était caractérisée en constatant qu’il s’agissait de correspondances privées et d’images portant sur sa vie sexuelle et sentimentale et ce sans pouvoir démontrer que l’homme en cause en avait autorisé la diffusion à des tiers.
La maîtresse a été condamnée à verser 800 € de dommages-intérêts, la somme ayant été réduite du fait que la relation extra-conjugale était connue de la femme et de l’entourage du couple antérieurement à la révélation des messages et des photos, atténuant ainsi l’importance du préjudice subi.
Le tribunal a cependant rejeté la demande d’interdiction faite auprès de l’ex-maitresse de diffuser tout contenu représentant son ex-amant ou toute correspondance échangée avec lui sur tout support et à quelque personne que ce soit, la jugeant trop générale et imprécise.
DROIT DES MARQUES
Risque de confusion entre les marques Canal + et Canal internet
Cour d’appel de Versailles, 9 octobre 2018
Le directeur de l’INPI avait rejeté l’opposition du groupe Canal + à l’enregistrement de la marque Canal Internet. La Cour d’appel a annulé cette décision.
Pour la Cour d’appel il existe un risque de confusion entre les signes Canal + et Canal Internet du fait de leur similitudes, de l’absence de distinctivité du terme « internet » et de la notoriété de la marque « Canal + » qui aggrave le risque de confusion.
Les signes n’étant pas identiques, les juges se sont fondés sur le risque de confusion générée par l’impression globale produite. La cour ajoute que « la notoriété d’une marque est de nature à en renforcer la distinctivité et aggraver le risque de confusion ; qu’en l’espèce ce risque est accru par la connaissance dont bénéficie la marque Canal + auprès du public ».
DROIT D’AUTEUR
Pas de protection par le droit d’auteur pour « La saveur d’un produit alimentaire »
CJUE 13 novembre 2018
Une société néerlandaise considérait que la production et la vente d’un produit alimentaire similaire au sien par une société concurrente portait atteinte à son droit d’auteur.
Interrogée sur la notion d’œuvre au sens de la directive 2001/29, la CJUE a rappelé que cette notion impliquait "nécessairement une expression de l’objet de la protection au titre du droit d’auteur qui le rende identifiable avec suffisamment de précision et d’objectivité"
Or, pour la Cour : « l’identification de la saveur d’un produit alimentaire repose essentiellement sur des sensations et des expériences gustatives qui sont subjectives et variables" de sorte qu’il est impossible de procéder à "une identification précise et objective de la saveur d’un produit alimentaire, qui permette de la distinguer de la saveur d’autres produits de même nature". La Cour en a donc conclu que "la saveur d’un produit alimentaire ne saurait être qualifiée d’"œuvre"", excluant ainsi une protection par le droit d’auteur.
DROIT DES CONTRATS
Violation des termes d’un contrat de licence de logiciel : contrefaçon ou responsabilité contractuelle ?
CA Paris 16 octobre 2018
Un opérateur de téléphonie proposant des forfaits mobiles avait fait appel à un prestataire et conclu avec lui des contrats de licence et de maintenance sur un progiciel.
Le prestataire estimait qu’il y avait eu une violation des termes du contrat de licence du fait de modifications apportées par l’opérateur téléphonique au progiciel.
Par un arrêt du 16 octobre 2018 la Cour d’appel de Paris a sursis à statuer et a posé une question préjudicielle à la Cour de Justice de l’Union Européenne afin de savoir si "le fait pour un licencié de logiciel de ne pas respecter les termes d’un contrat de licence de logiciel (par expiration d’une période d’essai, dépassement du nombre d’utilisateurs autorisés ou d’une autre unité de mesure, comme les processeurs pouvant être utilisés pour faire exécuter les instructions du logiciel, ou par modification du code-source du logiciel lorsque la licence réserve ce droit au titulaire initial) constitu[ait] (…) une contrefaçon (…) subie par le titulaire du droit d’auteur du logiciel (…) ou [pouvait] obéir à un régime juridique distinct, comme le régime de la responsabilité contractuelle de droit commun".
Légalité du site demanderjustice.com confirmée en appel
Cour d’appel de Paris, 6 novembre 2018
Ce site, destiné à faciliter l’élaboration de lettres de mises en demeure et la saisine de tribunaux par internet avait été jugé par le TGI de Paris comme légal. Selon les juges, il avait été considéré en première instance que le directeur de la publication n’exerçait pas de manière illégale le métier d’avocat.
La Cour vient confirmer cette position selon laquelle le site DemanderJustice n’offre pas d’activité d’assistance juridique, réservée aux avocats selon laquelle il s’agit d’appliquer une règle de droit abstraite à une situation de fait personnelle. Le site n'effectue qu’une prestation matérielle de mise à disposition d’une bibliothèque documentaire. Sur la question de représentation juridique de l’internaute, qui serait interdit, la cour rappelle qu’il n’est donné à l’internaute aucun mandat et que le site se borne à faire envoyer par un prestataire une impression papier de la déclaration de saisine, signée électroniquement au préalable par le requérant.
INCITATION A LA HAINE : BLOCAGE DEFINITIF DES SITES
TGI de Paris, 27 novembre 2018
Le TGI de Paris a enjoint neuf fournisseurs d’accès à internet de bloquer, de manière définitive et illimitée dans le temps, l’accès au site Democratieparticipative.biz à partir de la France.
La mesure de blocage ayant été considérée comme proportionnée à la menace à l’ordre public que représentent les publications haineuses de ce site.
Le tribunal a prononcé ces mesures en vertu de l’article 6-I-8 de la loi LCEN qui l’autorise à prendre toutes mesures propres à prévenir ou à faire cesser un dommage, occasionné par le contenu d’un service de communication au public en ligne.
Le site étant dépourvu de mentions légales permettant d’identifier le directeur de publication, le nom de domaine étant enregistré auprès d’une société américaine et le titulaire du site avait son identité masquée dans le répertoire whois, il était donc impossible de pouvoir agir contre l’hébergeur, l’éditeur ou l’auteur des propos. Le procureur de la république a donc assigné les FAI.
Le tribunal a jugé que les écrits étaient constitutifs d’injure, de provocation à la haine raciale et à la violence envers un groupe de personne en raison de son origine ou de sa religion, de provocation à la haine et à la violence ou d’injure publique envers un groupe de personnes à raison du sexe ou de l’orientation sexuelle, et d’apologie de crimes contre l’humanité.
ACTUALITES JURIDIQUES
Un père porte plainte contre WhastApp, Youtube et l’Etat après la mort de son fils qu’il estime victime du « Momo Challenge »
Un jeune garçon de 14 ans a été retrouvé pendu dans sa chambre mi-octobre. Une enquête est en cours pour déterminer les raisons de son acte et savoir s’il y a été poussé par une personne extérieure. Pour son père, ce n’est pas un suicide mais une victime du défi « momo challenge ». Le père de la victime a donc décidé de porter plainte contre WhatsApp, Youtube et l’Etat.
Données personnelles : action de groupe contre Facebook en France
Une association, L’Internet Society France, a mis en demeure le réseau social pour manquements à la législation sur les données personnelles et a lancé une action de groupe afin de faire cesser les infractions au droit sur les données personnelles des utilisateurs Facebook.
L’association entend également obtenir des dommages et intérêts et appelle tous les utilisateurs Facebook intéressés à se joindre à cette plainte collective.
La possibilité de réclamer des dommages et intérêts par le biais d’une action collective portant sur les données personnelles a été introduite dans la loin récemment, en juin.
Internet Society France espère réunir 100 000 usagers afin de porter les dommages et intérêts à 100 millions d’euros.
Dans sa mise en demeure, l’association liste un certain nombre de manquements de la part de Facebook fondés sur le RGPD et notamment :
- Facebook n’a pas suffisamment protégé les données de ses utilisateurs contre les piratages
- Facebook ne respecte pas le droit en matière de cookies qui peuvent viser des individus non membres du réseau social
- Le réseau social collecte des informations sensibles
- Facebook ne recueille pas convenablement le consentement des utilisateurs
Série de plaintes contre des entreprises collectant des données en ligne
L’ONG Privacy International qui défend le droit à la vie privée a déposé des recours auprès des régulateurs de la vie privée anglais, irlandais et français visant sept sociétés. Il s’agit d’entreprises spécialisées dans la publicité en ligne et des data brokers.
Selon l’association, ces entreprises ne respectent pas le RGPD et notamment le recueil du consentement qui doit être « libre, spécifique, éclairé et univoque ». Or, selon l’association, aucune de ces entreprises n’est en mesure d’apporter la preuve que ce consentement respecte ces critères.
Depuis l’entrée en vigueur du RGPD, le nombre de plaintes contre les collectes de données sur des sites français est en forte hausse.
Entre mai et juillet 2018 la CNIL a reçu 2770 plaintes contre 1780 sur la même période en 2017.
La CNIL met en demeure la start-up Vectaury, une entreprise de ciblage publicitaire
Il s’agit de la quatrième société de ciblage publicitaire visée par la CNIL depuis l’entrée en vigueur du RGPD.
La plupart des applis mobiles intègrent des « trackers » : des petits mouchards collectant des informations sur le téléphone, en général à des fins publicitaires.
Vendredi 9 novembre la CNIL a rendu publique sa mise en demeure d’un éditeur français de ces trackers, la société Vectaury et lui reproche d’exploiter les données d’utilisateurs de smartphones sans avoir recueilli un consentement clair de leur part. En effet, les vérifications de la CNIL ont permis de constater que le consentement n’avait pas été valablement recueilli.
La startup dispose de trois mois pour se mettre en conformité et mettre en place des demandes de consentement valables et supprimer les données indûment collectées.
Les trackers permettent de collecter des données même lorsque les applications ne fonctionnent pas et permettent de lier l’activité en ligne et l’activité hors ligne en proposant des publicités ciblées basées sur les déplacements de l’utilisateur.
Le fisc pourra bientôt surveiller la vie des contribuables sur les réseaux sociaux
Les services de lutte contre la fraude fiscale vont pouvoir à partir de début 2019 surveiller les contenus publiés par les français sur les réseaux sociaux et trouver des contribuables dont le niveau de vie ne correspond pas au revenu déclaré. Les réseaux sociaux seraient utilisés afin de détecter les cas de fraudes.