Rappel des faits
Au cours de l'année 2015, Monsieur X a été démarché par deux plateformes de trading frauduleuses en vue d'investir des fonds sur les options binaires et Forex avec d'une part, la promesse de gains importants et d'autre part, une rentabilité rapide et certaine de son investissement.
Depuis son compte bancaire Boursorama, Monsieur X a émis, à la demande des plateformes frauduleuses, neuf virements pour un montant total de 290.815,40 euros entre le 4 juin et le 10 septembre 2015 à destination de comptes ouverts à son nom auprès de la banque britannique Barclays Bank PLC.
Très rapidement, les plateformes frauduleuses sont devenues injoignables et Monsieur X n'a jamais pu récupérer ses fonds.
Dans ces circonstances et estimant que Boursorama n'avait pas respecté son devoir de vigilance à l'égard du fonctionnement manifestement inhabituel de son compte bancaire, Monsieur X a assigné sa banque, Boursorama, afin d'obtenir réparation de son préjudice financier.
Manquement de la banque à son devoir de vigilance et engagement de sa responsabilité contractuelle
1) Sur l'activité inhabituelle du compte bancaire
Sur le fondement de l'article 1231-1 du Code civil (anciennement 1147), le Tribunal judiciaire de Nanterre a, avant toute chose, rappelé que :
"dans le cadre de ses obligations contractuelles, pèse sur le banquier une obligation générale de vigilance qui l’oblige à tenter de déceler les irrégularités ou les anomalies apparentes, matérielles ou intellectuelles, sur les opérations de son client. Ces anomalies doivent être inhabituelles au regard du fonctionnement habituel du compte, mais le simple caractère inhabituel d’une opération n’implique pas nécessairement qu’elle soit illicite ou frauduleuse."
Les juges ont ensuite souligné que les relevés de compte produits par Monsieur X démontraient que l'activité du compte bancaire de ce dernier était très faible antérieurement à la période concernée par l'escroquerie financière.
En effet, Monsieur X avait pour habitude de recevoir essentiellement des virements provenant de "Pôle Emploi" avoisinant les 500 euros par mois et son compte bancaire Boursorama n'était débité que de très peu de dépenses pour des montants peu élevés.
L'exécution de plusieurs virements de montants élevés, vers l'étranger et sur une période très courte, ne correspondaient pas au fonctionnement habituel du compte bancaire de Monsieur X.
A ce titre, le Tribunal judiciaire de Nanterre a considéré que les neufs opérations réalisées entre juin et septembre 2015, pour un montant total de 290.815,40 euros, étaient "tout à fait inhabituelles par rapport au fonctionnement courant de ce compte".
2) Sur l'absence d'alerte de la banque en présence d'anomalies intellectuelles
Postérieurement aux deux premiers virements exécutés vers les comptes bancaires domiciliés au Royaume-Uni, Boursorama a contacté Monsieur X par courriel afin d'obtenir des justificatifs sur l'origine des fonds et des explications sur la détention d'un compte à l'étranger.
Monsieur X a alors expliqué la finalité de ses investissements, indiqué également le nom d'une deux plateformes frauduleuses et a transmis plusieurs justificatifs qui ont tous été déclarés irrecevables par Boursorama.
Toutefois, postérieurement à ces évènements, Monsieur X a poursuivi la réalisation de virements importants.
A ce titre, le Tribunal judiciaire de Nanterre retient que :
"Or, M. X a effectué d’autres virements importants au 13 juillet 2015 et jusqu’au 10 septembre 2015, et la banque, informée d’éléments inhabituels et inquiétants quant aux investissements de son client sur le marché du Forex via une société étrangère et disposant même du nom de la société « Option direct » identifiée par l’AMF comme une société de courtage non autorisée et inscrite sur la liste noire de l’AMF depuis mars 2015, aurait dû porter son attention sur ces virements etalerter M. X sur ces anomalies et le risque élevé de fraude."
En effet, une des deux plateformes frauduleuses, dont Monsieur X avait communiqué le nom à sa banque auparavant, figurait depuis plusieurs mois sur la liste noire de l'Autorité des Marchés Financiers (AMF).
Malgré la présence de plusieurs anomalies intellectuelles apparentes qui affectaient le fonctionnement du compte bancaire de son client, la banque n'a, à aucun moment, exercé son devoir de vigilance.
Condamnation de Boursorama à indemniser son client à hauteur de 30% du préjudice financier
Au regard de ces manquements, le Tribunal judiciaire de Nanterre a alors déclaré que Boursorama avait manqué à son devoir de vigilance.
Boursorama a été condamnée à indemniser son client à hauteur de 30% du préjudice financier subi, soit 87.244,62 euros.
Décision commentée : TJ Nanterre, 17 juin 2022, n°19/00559.
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Me Céline CHAPMAN / Me Gaël COLLIN
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