ACQUISITION DE CONGÉS PAYÉS : UNE AVANCÉE POUR LES SALARIÉS, DES TEMPÉRAMENTS SOUS PRESSION

Publié le 09/07/2024 Vu 688 fois 0
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La réforme du 13 septembre 2023 aligne le droit français sur les normes européennes, permettant aux salariés en arrêt de travail d'acquérir des congés payés.

La réforme du 13 septembre 2023 aligne le droit français sur les normes européennes, permettant aux salariÃ

ACQUISITION DE CONGÉS PAYÉS : UNE AVANCÉE POUR LES SALARIÉS, DES TEMPÉRAMENTS SOUS PRESSION

Le droit a congés payés est d’ordre public, il est au nombre des obligations fondamentales incombant à l’employeur et représente un principe essentiel du droit social communautaire, applicable à tous les travailleurs de l’union européenne. Pourtant depuis des années, et malgré les alertes répétées de la Cour de cassation dans ses rapports annuels, le Code du travail français demeurait non-conforme, tout du moins en contradiction avec le droit de l’union européenne. 

En l’absence de prise en compte législative concrète, la Cour de cassation a opéré par cinq arrêts en date du 13 septembre 2023 un revirement de jurisprudence, actant de cette non-conformité latente et précisant le régime d’application du droit à congés payés des salariés sur plusieurs points, notamment sur la question de leur acquisition en pratique. 

Après cette formidable avancée, des pressions faites au gouvernement tendent à limiter la portée de ces décisions. 

Un projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne notamment en matière de droit social a été déposé fin 2023. Finalement la loi "DDADUE" du 22 avril 2024 est entrée en vigueur.

Sommaire 

1)       Avant les arrêts du 13 septembre 2023 – Le régime initial du droit à congés payés des salariés  

2)     Après les arrêts du 13 septembre 2023 – Le régime momentanément applicable du droit à congés payés  

3)     L’application successive de ces décisions par les Cours d'appel 

4)     La demande de décision préjudicielle auprès de la Cour de justice de l’union européenne  

5)     Les questions prioritaires de constitutionnalité soulevées devant la Cour de cassation  

6)     Le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne  

7)      Le dénouement : l’adoption et l’entrée en vigueur de la loi du 22 avril 2024

Avant les arrêts du 13 septembre 2023 - Le régime initial du droit à congés payés des salariés

Les dispositions du Code du travail 

 Tout d’abord l’article L.3141-1 du Code du travail consacre le droit, pour tout salarié, aux congés payés annuels. 

« Tout salarié a droit chaque année à un congé payé à la charge de l’employeur » 

(art. L.3141-1) 

Ledit Code en précise ensuite les conditions d’acquisition. L’acquisition des congés payés est subordonnée à un travail effectif, de sorte que les périodes de suspension du contrat de travail ne sont en principe pas retenue pour le calcul des congés payés, sauf pour les cas dérogatoires limitativement énumérés. 

« Le salarié qui, au cours de l’année de référence, justifie avoir travaillé chez le même employeur pendant un temps équivalent à un minimum d’un mois de travail effectif a droit à un congé de deux jours et demi ouvrables par mois de travail. La durée totale du congé exigible ne peut pas excéder trente jours ouvrables »

(art.L.3141-3)

 

 « Sont assimilées à un mois de travail effectif pour la détermination de la durée du congé les périodes équivalentes à quatre semaines ou vingt-quatre jours de travail »

(art.L.3141-4)

 

« Sont considérées comme périodes de travail effectif pour la détermination de la durée du congé : 1° Les périodes de congé payé (…) 5° Les périodes, dans la limite d’une durée ininterrompue d’un an, pendant lesquelles l’exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d’accident du travail ou de maladie professionnelle (…) »

(art.L.3141-5) 

Le Code du travail encadre également les indemnités dues au titre des congés payés. 

« Le congé annuel prévu par l’article L.3141-3 ouvre droit à une indemnité légale égale au dixième de la rémunération brute totale perçue par le salarié de la période de référence » 

(art.L.3141-22) 

 

« Lorsque le contrat de travail est rompu avant que le salarié ait pu bénéficier de la totalité du congé auquel il avait droit, il reçoit, pour la fraction de congé dont il n’a pas bénéficié, une indemnité compensatrice de congé (…) »

(art.L.3141-26) 

 

Exemple : Un salarié en arrêt de travail, pour une maladie d’origine non professionnelle ne pouvait pas acquérir ou cumuler de jours de congés payés durant la période concernée. 

Exemple : Un salarié en arrêt de travail suite à un accident de travail ou à une maladie professionnelle depuis plus de 3 ans ne pouvait cumuler des jours de congés payés que durant la première année, ininterrompue, de la période de suspension concernée. 

Néanmoins, la Cour de cassation, rappelle dans un arrêt du 22 septembre 2021 l’obligation de l’employeur de garantir, en pratique, le droit à congés payés des salariés. 

 

« L’employeur est notamment tenu de veiller concrètement et en toute transparence à ce que le travailleur soit effectivement en mesure de prendre ses congés payés annuels, en l’incitant, au besoin formellement, à le faire, tout en l’informant de manière précise et en temps utile pour garantir que lesdits congés soient encore propres à garantir à l’intéressé le repos et la détente auxquels ils sont censés contribuer, de ce que s’il ne prend pas ceux-ci ils seront perdus à la fin de la période de référence ou d’une période de report autorisée. La charge de la preuve incombe à l’employeur »

« Il appartient à l’employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à congé et en cas de contestation de justifier qu’il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent légalement »

 

Les dispositions du Droit de l’Union-Européenne

Le droit de l’union européenne est quant à lui plus protecteur du droit à congés payés des salariés. 

L’article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne consacre le droit à congés payés pour tout salarié européen, sans distinction inhérente à sa situation ou à la suspension de son contrat de travail. L’acquisition de congés payés n’est ici pas soumise à un travail effectif. 

« Tout travailleur a droit à des conditions de travail qui respectent sa santé, sa sécurité et sa dignité » 

« Tout travailleur a droit à une limitation de la durée maximale du travail et à des périodes de repos journalier et hebdomadaire, ainsi qu’à une période annuelle de congés payés »

L’article 7 de la directive 2003/88CE avait déjà mentionné ce droit. 

« Les états membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d’un congé annuel payé d’au moins quatre semaines, conformément aux conditions d’obtention et d’octroi prévues par les législations et/ou pratiques nationales. La période minimale de congés annuel payé ne peut être remplacée par une indemnité financière, sauf en cas de fin de relation de travail »

En outre, la Cour de justice a eu l’occasion de statuer sur l’applicabilité des normes européennes dans les arrêts du 6 novembre 2018. Selon la Cour, la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne a vocation à être appliquée dans toutes les situations régies par le droit de l’Union européenne et notamment dans les litiges opposant deux particuliers. En pratique incombe au juge national de laisser inappliquées la disposition de droit national contraire au droit de l’Union.  

Exemple : Un salarié en arrêt de travail suite à une maladie non professionnelle, professionnelle ou un accident du travail peut bénéficier d’un droit à congés payés couvrant l’intégralité de son arrêt de travail, puisque lorsque le salarié ne peut pas travailler en raison de son état de santé, situation indépendante de sa volonté, son absence ne doit pas avoir d’impact sur le calcul de ses droits à congés payés. 

Après les arrêts du 13 septembre 2023 - Le régime momentanément applicable du droit à congés payés des salariés

 La Cour de cassation par les arrêts du 13 septembre 2023 aborde plusieurs points relatifs au droit à congés payés des salariés. 

Pour en savoir plus consulter  le  Numéro spécial "Droit à congé payé du salarié"

  1. Présentation des règles relatives au droit à congé payé du salarié
  2. Décryptage de décisions du 13 septembre 2023.

Congés payés et accident du travail ou maladie professionnelle

 Par l’arrêt du 13 septembre 2023 n° 22-17.638, la Cour de cassation juge qu’en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle le calcul des droits à congés payés ne sera plus limité à la première année de l’arrêt de travail. 

La Cour de cassation écarte partiellement les dispositions du Code du travail et se met alors en conformité avec le droit de l’Union européenne selon lequel un salarié victime d’accident de travail doit bénéficier d’un droit à congés payés durant l’intégralité de la période de suspension de son contrat. 

Exemple : Un salarié en arrêt de travail depuis plus de 3 ans à la suite d’un accident du travail puis licencié peut calculer ses droits à congés payés en incluant toute la période au cours de laquelle son contrat a été suspendu et non plus seulement prendre en compte uniquement la première année ininterrompue d’arrêt de travail. 

Congés payés et maladie non professionnelle 

 Par les arrêts du 13 septembre 2023 n°22-17.340 et n°22-17.342, la Cour de cassation juge que les salariés malades ou accidentés auront droit à des congés payés sur leur période d’absence, même si cette absence n’est pas liée à un accident du travail ou à une maladie professionnelle. 

C’est notamment le cas lorsque le salarié ne peut pas travailler en raison de son état de santé, situation indépendante de sa volonté. De sorte que son absence ne doit pas avoir d’impact sur le calcul de ses congés payés puisque cette période est assimilée à du travail effectif au même titre que la maladie professionnelle ou l’accident du travail. 

Exemple : Un salarié en arrêt de travail du fait d’une maladie non professionnelle est en droit de réclamer des droits à congés payés en intégrant dans son calcul la période au cours de laquelle il n’a pas pu travailler. 

Congés payés et prescription du droit à indemnité 

 Par les arrêts du 13 septembre 2023 n°22-10.529 et n°22-11.106, la Cour de cassation juge que la prescription du droit à congés payés, d’une durée de 3 ans, ne commence à courir que lorsque l’employeur a pris les mesures nécessaires pour permettre au salarié d’exercer effectivement son droit à congés, en temps utiles. 

Exemple : Une personne ayant réalisé une prestation de travail pendant 10 ans, requalifiée en contrat de travail doit être indemnisée des congés payés qui n’ont pas été pris durant l’intégralité de cette période. En effet, puisque l’employeur n’avait pas reconnu l’existence d’un contrat de travail, il n’avait pas pris de mesures pour permettre au salarié d’exercer son droit à congés, donc le délai de prescription ne pouvait pas commencer à courir, la demande de la salariée n’est alors pas prescrite. 

L'application succesive de ces décisions par les Cours d'appel  

Depuis le 13 septembre 2023, les juridictions appliquent ces décisions et font droit aux demandes des salariés. 

Exemple : Par un arrêt du 27 septembre 2023, la Cour d’appel de Paris accorde 6.000 € d’indemnités à une salariée pour la période de 2018 à novembre 2020. 

Exemple : Par un arrêt du 12 octobre 2023, la Cour d'appel de Paris accorde 7.000 € d'indemnités à une salariée pour une période de congés maladie étende sur 3 ans. 

La Cour d’appel de Bordeaux juge qu’un salarié peut obtenir en référé une provision sur l’indemnité compensatrice de congés payés, acquits durant ses périodes d’arrêt de travail (7 février 2024 n°23-04.292).

La Cour rappelle qu’aux termes de l’article R.1455-7 du Code du travail la formation de référé de la juridiction prud’hommale peut accorder une provision au créancier, dans le cas où l’existence d’une obligation n’est pas sérieusement contestable.

Elle fait ensuite application de la jurisprudence du 13 septembre 2023 de la Cour de cassation.

Elle expose pour cela qu’en vertu de l’article 31§2 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, tout travailleur a droit à une période annuelle de congés payés. Ce droit est également consacré par l’article L.3141-1 du Code du travail.

En outre elle rappelle que le droit de l’Union européenne n’opère aucune distinction inhérente à la situation du salarié ou à la suspension de son contrat de travail. De sorte que l’acquisition de congés payés n’est pas nécessairement soumise à un travail effectif.

La Cour d’appel relève que s’agissant d’un salarié dont le contrat est suspendu par l’effet d’un arrêt de travail pour cause d’accident de travail au-delà d’une période ininterrompue d’un an, le droit interne ne permet pas une interprétation conforme au droit de l’Union.  Elle écarte alors partiellement l’application de l’article L.3141-5 du Code du travail. La Cour de cassation avait jugé en ce sens qu’en cas d’accident du travail le calcul des droits à congés payés ne doit plus être limité à la première année de l’arrêt de travail.

Dès lors il incombe au juge national d’assurer la protection juridique du droit au repos.

En l’espèce la salariée a été placée en arrêt maladie suite un accident de travail pendant plusieurs années puis licenciée pour inaptitude. La société lui a réglé dans le cadre de son solde de tout compte la somme de 9600 euros pour 64.5 jours de congés payés.

La Cour juge que la demande provisionnelle formulée par la salariée correspondant à 67 jours n’était pas sérieusement contestable.

En conséquence, l’employeur a été condamné à verser 10 000 euros à titre de provision sur l’indemnité compensatrice de congés payés.

La demande de décision préjudicielle aurpès de la Cour de justice de l'Union européenne 

Le 9 novembre 2023, la CJUE a été saisie de demandes de décision préjudicielle introduites par le Conseil de prud’hommes d’Agen.

Cette procédure est notamment utilisée dans les cas où l’interprétation ou la validité du droit de l’Union européenne est remise en cause et lorsqu’une décision doit permettre à une juridiction nationale de rendre son jugement.

La Cour juge, au visa de l’article 31 paragraphe 2 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et l’article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, que ces dispositions doivent être interprétés en ce sens qu’un travailleur peut se prévaloir du droit au congé annuel payé, consacré par la première de ces dispositions et concrétisé par la seconde, à l’égard de son employeur. Elle précise que la circonstance que l’employeur soit une entreprise privée, titulaire d’une délégation de service public, est dépourvue de pertinence à cet égard.

La Cour juge également que l’article 7 de la directive 2003/88 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une législation nationale et /ou à une pratique nationale qui en l’absence de disposition nationale prévoyant une limite temporelle expresse au report de droits à congés annuel payé acquis et non exercés en raison d’un arrêt de travail pour maladie de longue durée, permet de faire droit à des demandes de congé annuel payé introduites par un travailleur moins de 15 mois après la fin de la période de référence ouvrant droit à ce congé et limitées à deux périodes de référence consécutives.

La Cour rappelle également que la fixation d’une période de report pour congés annuels non pris à la fin d’une période de référence fait partie des conditions d’exercice et de mise en œuvre du droit au congé annuel payé.

Les questions prioritaires de constitutionnalité soulevées devant la Cour de cassation 

Dans un arrêt du 15 novembre 2023 (n°23-14.806), une salariée entend soulever des questions prioritaires de constitutionnalité dites QPC, devant la Cour de cassation en matière de congés payés.  

En l’espèce une salariée a été placée en arrêt de travail pour maladie non professionnelle du 10 novembre 2014 au 30 décembre 2014 ; puis pour accident professionnel du 31 décembre 2014 au 13 novembre 2016 ; et à nouveau pour cause de maladie non professionnelle du 19 novembre 2016 au 17 novembre 2019.

La salariée a finalement été licenciée pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement.  

La salariée a saisi la juridiction prud’hommales de demandes au titre de l’exécution et de la rupture de son contrat de travail. A l’occasion du pourvoi formé contre l’arrêt de Cour d’appel, la salariée a demandé à renvoyer au Conseil constitutionnel des questions prioritaires de constitutionnalité concernant ses congés payés :

  • Les articles L.3141-3 et L.3141-5 du Code du travail portent-ils atteinte au droit à la santé et au repos garanti par l’alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 en ce qu’ils ont pour effet de priver, à défaut d’accomplissement de travail effectif, le salarié en congé pour une maladie d’origine non professionnelle de tout droit à l’acquisition de congés payés et le salarié en congé pour maladie d’origine professionnelle de tout droit à l’acquisition de congés au-delà d’une période d’un an ?
  • L’article L.3141-5 du Code du travail porte-t-il atteinte au principe d’égalité garanti par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et l’article 1er de la Constitution de 1958 en ce qu’il introduit, du point de vue de l’acquisition des droits à congés payés des salariés dont le contrat de travail est suspendu en raison de la maladie , une distinction selon l’origine professionnelle ou non professionnelle de la maladie, qui est sans rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit ?  

Par une décision du 8 février 2024 (QPC n°2023-1079), le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur la QPC transmise par la Cour de cassation le 15 novembre 2023.

Le conseil constitutionnel a jugé conformes, à la Constitution, les dispositions du Code du travail limitant l’acquisition de congés payés pendant les périodes d’arrêt maladie.

Le Conseil constitutionnel rappelle tout d’abord que « le principe d’un congé payé annuel est l’une des garanties du droit au repos ainsi reconnu aux salariés ». Il juge cependant qu’il était « loisible au législateur d’assimiler à des périodes de travail effectif les seules périodes d’absence du salarié pour cause d’accident du travail ou de maladie professionnelle, sans étendre le bénéfice d’une telle assimilation aux périodes d’absence pour cause de maladie non-professionnelle. Il lui est également loisible de limiter cette mesure à une durée ininterrompue d’un an ». De sorte que le grief tiré de la méconnaissance du droit à la santé par les articles L.3141-5 et L.3141-5 5° doivent être écartés.

De plus, le Conseil constitutionnelle expose que « le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que dans l’un et l’autre des cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi établit ». Ainsi « la maladie professionnelle et l’accident du travail qui trouvent leur origine dans l’exécution même du contrat se distinguent des autres maladies ou accidents pouvant affecter le salarié ».  Il en ressort que « le législateur qui a pu prévoir des règles différentes d’acquisition des droits à congés payés pour les salariés en arrêt maladie selon le motif de la suspension de leur contrat de travail ». De sorte que le grief tiré de la méconnaissance du principe d’égalité devant la loi devant être écarté.

Enfin, le Conseil constitutionnel précise que les dispositions du Code du travail contestées ne méconnaissent pas le droit à la protection de la santé ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit.

En conséquence, le Conseil constitutionnel a jugé dans sa décision du 8 février 2024 que les dispositions contestées à savoir les articles L.3141-5 et L.3141-5 5° du Code du travail, doivent être déclarées conformes à la Constitution.

Après l’application de la jurisprudence de la Cour de cassation par les juridictions françaises, et une question prioritaire de constitutionnalité le législateur intervient pour limiter la portée des avantages acquis au profit des salariés, et diminue d’autant l’adaptation du droit internet au droit de l’Union européenne

Le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne (DDADUE) 

Un projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne, notamment en matière de droit social a été déposé le 15 novembre 2023. Le Gouvernement souhaite proposer un amendement permettant de rendre le droit du travail conforme au droit de l’UE, mais vise paradoxalement à limiter la portée des décisions du 15 septembre 2023.

Le gouvernement a sollicité l’avis du Conseil d’Etat au projet de loi le 11 mars 2024, examiné en première lecture à l’Assemblée nationale en mars 2024 après avoir été adopté par le Sénat en décembre 2023.

Des modifications ont par la suite été apportées à l’amendement sur les congés payés par la Commission mixte paritaire le 4 avril 2024.  

La CMP est une commission composée de sept députés et sept sénateurs pouvant être réunis à l’initiative du Premier ministre, ou depuis 2008 à celle des présidents des deux assemblées conjointement, en cas de désaccord persistant entre les assemblées sur un projet ou une proposition de loi. Elle a pour mission d’aboutir à la conciliation des deux assemblées sur un texte commun.

Le dénouement : l'adoption et l'entrée en vigueur de la loi du 22 avril 2024

Le 10 avril 2024, après avoir été adopté par le Sénat, le projet de loi d’adaptation au droit de l’Union européenne portant notamment sur l’acquisition des congés payés pendant les périodes d’arrêt de travail a définitivement été adopté par l’Assemblée nationale

Le 23 avril 2024, la loi « DDADUE » n°2024-364 a été publiée au Journal Officiel.

Finalement la loi est entrée en vigueur le 24 avril 2024.

Plusieurs dispositions du Code du travail ont été modifiées (art. L.3141-5 ; L.3141-5-1 ; L.3141-19-1 ; L.3141-19-2 ; L.3141-19-3 ; L.3141-20 ; L.3141-21-1 ; L.3141-22 ; L.3141-24 ; L.3142-54-1 ; L.3142-131)

Que faut-il en retenir ?

Le nouvel article L.3141-5 dispose : 

Le nouvel article L.3141-5 dispose :   « Sont considérées comme périodes de travail effectif pour la détermination de la durée du congé : les périodes de congé payé, les périodes de congé maternité, paternité et d’accueil de l’enfant et d’adoption, les contreparties obligatoires sous forme de repos, les jours de repos, les jours de repos accordés au titre de l’accord collectif , les périodes pendant lesquelles l’exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d’accident de travail ou de maladie professionnelle, les périodes pendant lesquelles un salarié se trouve maintenu ou rappelé au service national à titre quelconque, les périodes pendant lesquelles l’exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d’arrêt de travail lié à un accident ou une maladie n’ayant pas un caractère professionnel  »

Concernant l’acquisition des congés payés : Une limite de 4 semaines de congés « maladie » par an pour les salariés en arrêt de travail pour maladie non professionnelle. En effet, les salariés en arrêt pour maladie non-professionnelle acquièrent 2 jours ouvrables de congés payés par mois, avec une limite annuelle de 24 jours, et une rémunération prise en compte à hauteur de 80% pour le calcul de l’indemnité de congés payés selon la règle du dixième.  Les salariés en AT/MP acquièrent 2.5 jours de congés payés, la limite d’un an est supprimée pour les arrêts de travail d’origine professionnelle.

Par exemple : un salarié en arrêt de travail en raison d’une maladie non professionnelle durant 1 mois pourra acquérir 30 jours (ouvrables) de congés payés.

Concernant le report des congés payés : les congés payés acquis avant et durant un arrêt maladie ou accident du travail peuvent être reportés jusqu’à 15 mois. A l’issue de cette période, les congés payés non pris seront perdus. Cette période de 15 mois débute lorsque le salarié reçoit de son employeur les informations sur ses droits à congés payés après sa reprise. Par exception, si le salarié est absent pendant la période de référence d’acquisition des congés payés (soit au moins 12 mois), le délai de report de 15 mois débute à la fin de la période de référence applicable. Attention, une période de report supérieure peut être prévue par accord d’entreprise, accord de branche etc.

Concernant l’information des salariés : l’employeur doit informer le salarié sur le nombre de congés « maladie » acquis et sur la date limite de prise de ces jours, par tout moyen, à l’issue de l’arrêt du salarié, dans un délai de 1 mois suivant sa reprise du travail.

Concernant la limitation des actions en justice : les salariés en poste ont 2 ans, à partir de la publication de la loi pour réclamer leurs droits. Les salariés partis ont quant à eux 3 ans pour formuler leur demande. Un salarié en poste pourra bénéficier de l’octroi de congés payés, un salarié ayant quitté l’entreprise pourra bénéficier d’une indemnité compensatrice de congés payés. 

Concernant les salariés temporaires : les congés paternité et d’accueil de l’enfant comptent comme période de mission pour le calcul de l’indemnité compensatrice.

La loi est rétroactive, c’est-à-dire qu’elle s’applique aux situations passées, actuelles et futures. Pour être plus précis il convient d’indiquer que les nouvelles dispositions légales, concernant notamment l’acquisition et le report des congés payés, s’appliquent depuis le 1 décembre 2009, la période de rétroactivité est donc de 15 ans. Attention cependant, il n’y a pas de rétroactivité pour la mesure qui supprime la limite d’un an pour l’acquisition des congés payés durant un AT/MP.

Ainsi sont désormais assimilées à du temps de travail effectif pour déterminer la durée des congés payés :  

-         les périodes de suspension du contrat de travail pour accident ou maladie professionnelle au-delà de 12 mois.

-         les périodes de suspension du contrat de travail pour accident ou maladie à caractère non-professionnel.

Aucune saisine du Conseil constitutionnel n’a été envisagée à ce jour, la piste d’une QPC reste ouverte.

La question des congés payés concerne tous les salariés, à tel point qu’elle peut être considérée comme un sujet sociétal qui a donné lieu à de nombreuses controverses et qui a été par la même occasion extrêmement débattue. Elle a fait l’objet de multiples péripéties depuis le 13 septembre 2023 et il est probable que d’autres évolutions suivent dans les années à venir.

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