La Cour d’appel de Paris sanctionne lourdement des faits de typosquatting

Publié le 06/04/2013 Vu 4 131 fois 0
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Un affilié qui enregistre un nom de domaine similaire à celui d'un annonceur, dont il capte une partie du trafic afin de percevoir des commissions, met en cause sa responsabilité au titre du parasitisme et de la contrefaçon.

Un affilié qui enregistre un nom de domaine similaire à celui d'un annonceur, dont il capte une partie du tr

La Cour d’appel de Paris sanctionne lourdement des faits de typosquatting

Le typosquatting est une fraude consistant à enregistrer, sans intérêt légitime, un nom de domaine très proche d’un nom de domaine ou d’une marque connus afin de détourner le trafic du site officiel.

En l’espèce, la société Trokers avait constaté en 2006 que la société Web Vision avait enregistré des noms de domaine avec une graphie très proche de celle de sa place de marché 2xmoinscher.com. En pratique, lorsqu’un internaute voulant se rendre sur 2xmoinscher.com faisait une faute de frappe et saisissait 2xmoinschers.fr ou 2moinscher.fr, il était redirigé sur le site 2xmoinscher.com d’une matière transparente par l’intermédiaire de la régie publicitaire Cibleclick, que la société Trokers utilisait pour promouvoir son site internet, et à laquelle la société Web Vision était inscrite en tant qu’affiliée. Cela permettait à Web Vision de percevoir, à l’insu de Trokers, des commissions versées par Trokers via Cibleclick.

Suite à une mise en demeure de Trokers, Web Vision abandonnera ces noms de domaine, mais réitérera ces agissements en 2007 au travers, cette fois-ci, du nom de domaine 2xmoinscheres.com. La société Trokers saisira alors le Tribunal de grande instance de Paris.

Dans leur décision du 2 avril 2009, les juges de première instance n’entendent pas les arguments de Trokers relatifs à la contrefaçon de marques, de titre et de site internet (puisqu’au final les internautes se retrouvaient bien sur le site internet 2xmoinscher.com), mais seulement ceux relatifs au parasitisme. En effet, via l’atteinte aux noms de domaine de Trokers, Web Vision captait le trafic qui était destiné à Trokers et s’inscrivait dans son sillage, se contentant d’exploiter, sans son accord, la valeur économique que Trokers avait conférée à son site « par son savoir-faire et ses investissements. » Les juges en tirent donc les conséquences et sanctionnent Web Vision pour ce chef.

Web Vision ayant interjeté appel, la Cour d’appel de Paris a eu à son tour à se pencher sur cette question dans un arrêt rendu le 30 novembre 2011. L’arrêt se prononce en premier lieu sur l’atteinte au nom de domaine de Trokers, en constate l’exploitation déloyale et à but lucratif par Web Vision et confirme le jugement sur ce point. L’analyse est ensuite élargie et l’atteinte au nom commercial « 2xmoinscher.com » de Trokers reconnue.

Les particularités de l’espèce (réservation et exploitation de noms de domaine et redirection vers le site légitime moyennant rémunération) avaient incité les premiers juges à ne pas reconnaître la contrefaçon de marques et de site internet. La Cour d’appel innovera sur ces points. Elle observera en premier lieu que Web Vision a utilisé des imitations des marques de Trokers, sans l’autorisation de celle-ci, afin de tromper – à son profit – le public commettant des erreurs de saisie. La Cour prend acte du fait que ces agissements n’avaient « pas pour objet d’attirer finalement le public vers des produits concurrents de ceux couverts par les marques légitimes » mais rappelle que cet usage d’imitations des marques de Trokers « caractérise néanmoins une contrefaçon de ces marques dès lors qu’il concourt à désigner, ainsi que le prévoit l’article L.713-3, b, du Code de la propriété intellectuelle des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l’enregistrement. »

La Cour d’appel poursuit ensuite son analyse et reçoit l’argumentation de Trokers qualifiant son site internet d’œuvre collective. La Cour ne sanctionne pas Web Vision sur le terrain de la reproduction non autorisée, aucun acte de reproduction n’ayant eu lieu, mais sur celui de la représentation illicite, considérant que « Web Vision a communiqué ce site au public par un moyen non autorisé et ainsi procédé à une exploitation de ce site distincte de celle initialement souhaitée par son titulaire », agissement constituant une contrefaçon interdite par l’article L.122-4 du Code de la propriété intellectuelle. La Cour, enfin, ne retiendra pas le grief de contrefaçon du titre du site internet de Trokers, Web Vision ne l’ayant pas utilisé « pour individualiser une œuvre du même genre ».

Au final, la Cour d’appel de Paris condamne et sanctionne lourdement Web Vision pour atteinte aux noms de domaine et au nom commercial de Trokers, contrefaçon de ses marques et de son site internet. Il est à espérer que cet arrêt, désormais définitif, fera jurisprudence et que les prochains candidats au typosquatting réfléchiront à deux fois avant d’enregistrer frauduleusement des noms de domaine. De la même manière, cette décision devrait inciter les affiliés à la prudence et à agir dans le strict respect des droits des annonceurs.

Sources :


David FAYE, 17 février 2012

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Actuellement Juriste chez La Poste Mobile (La Poste Telecom).

Anciennement Responsable Juridique et Fraude chez 2xmoinscher.com (Trokers SA, Groupe 3 Suisses International), puis Juriste chez Bouygues Telecom.

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