L’affaire fait grand bruit.
Et pour cause ! Une fois de plus, les automobilistes et autres titulaires du permis de conduire sont stigmatisés.
On savait la volonté gouvernementale, affichée déjà par d’autres majorités, de lutter contre la délinquance routière. On connaissait le désir de taper fort sur les automobilistes qui bravaient (oh quelle horreur !!!) le Code de la route. On savait, nous pratiquants de ce droit au quotidien, que bien des procédures policières étaient irrégulières, cachant de nombreux vices de forme. Ce qu’on ne savait pas, c’est que le pouvoir réglementaire allait prendre un Décret illégal et discriminatoire.
Pour lutter contre cette répression à tout-va, plusieurs procédures permettaient aux avocats du permis de conduire, de récupérer des points et permis pourtant invalidés devant le Tribunal Administratif. Il arrivait que certains de ces Tribunaux ne soient pas convaincus par nos arguments. Nous avions alors la possibilité (que dis-je, le Droit) de faire appel, et de soumettre notre dossier à d’autres Magistrats, plus expérimentés, à la Cour d’Appel.
Le droit de faire appel est la preuve d’un Etat de droit. Le droit d’être jugé par différents Magistrats que les premiers est un Droit Fondamental de l’Homme inscrit dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen.
Pourtant, dans certains cas très spécifiques, le législateur avait déjà prévu que l’appel serait interdit. Et une fois de plus, cette exception concernait, sans que cela ne soit dit explicitement, les automobilistes.
En effet, la très grande majorité des infractions routières est jugée par des juridictions de proximité (appelées à disparaître). Or, la loi dispose qu’il est impossible de faire appel d’un jugement d’une telle juridiction dès lors que la peine d’amende prononcée est inférieure ou égale à 150 euros.
Toutefois, ce système n’a pas été jugé comme illégal ou contraire à la Convention Européenne des Droits de l’Homme puisqu’un recours existe contre cette décision : c’est le pourvoi en Cassation. Mais cette juridiction ne rejuge pas les faits. Elle vérifie seulement que le Tribunal n’a pas fait une mauvaise application de la loi.
C’est oublier bien vite que le principe du double degré de juridiction impose que les faits puissent être appréciés par deux juridictions différentes, ce qui n’est pas le cas devant la Cour de Cassation.
Le Décret du 13 août 2013 prévoit le même régime pour les automobilistes et autres titulaires du permis de conduire se prévalant de droits devant le Tribunal administratif. Cependant, contrairement à l’exemple de la juridiction de proximité où le législateur a restreint l’impossibilité de faire appel par un critère objectif (la peine), le pouvoir interdit désormais à TOUT automobiliste ou titulaire du permis prétendument infondé, de faire appel.
Comme dans l’hypothèse de la juridiction de proximité, un recours est possible. Ce sera devant le Conseil d’Etat, pendant de la Cour de cassation en matière administrative. Désormais, seule une violation de la loi par le Tribunal pourrait donner gain de cause à l’automobiliste.
La situation prévue par le décret du 13 août 2013 ne serait donc pas plus scandaleuse que celle prévue pour les juridictions de proximité, déclarée conforme à la Constitution et aux Grands textes.
Cependant, deux éléments nous permettent de penser que ce Décret est illégal et contraire au grand principe d’Egalité, reconnu par le Droit Administratif :
1)Un recours au Conseil d’Etat nécessite d’avoir un Avocat au Conseil, spécialisé dans ces recours et ayant le monopole de la représentation. Il est donc impossible d’assurer sa défense seul, comme la loi en offre la possibilité en matière pénale, devant la Cour de Cassation. Concrètement, si l’automobiliste n’est pas content du jugement du Tribunal, il devra payer l’un de ces avocats dont les honoraires sont très souvent inaccessibles. Premier effet collatéral du Décret de 2013 : les riches pourront se défendre, les autres NON. C’est une rupture scandaleuse du principe de l’égalité des Citoyens devant la Justice.
2)Le Décret prive du droit à un second degré de juridiction certaines personnes explicitement visées dont font partie les automobilistes. En effet, le Décret ne prive pas d’un droit tous les citoyens ayant perdu devant le Tribunal Administratif mais seules les personnes exerçant un contentieux relatif au permis de conduire (quelques autres matières sont également concernées). Priver une partie de la population d’un droit essentiel n’est pas légal. Tout le monde doit être logé à la même enseigne. Le Décret viole le principe de l’égalité des citoyens devant la loi.
Ces deux arguments doivent être exploités pour faire annuler ce Décret. Cependant, demeure un dernier problème. La juridiction compétente pour juger de ce Décret n’est autre que …le Conseil d’Etat.