Pourquoi défendez-vous les “chauffards”?
Combien de fois ai-je pu entendre cette question depuis que je suis avocat en droit routier ? 100 ? 1000 ?
Dès que ma volonté d’être avocat était déterminée, je savais que je voulais être en défense. Etre aux côtés de celui qui est attaqué. Etre l’épaule de celui que le système accable. Etre le porte-parole de celui que l’on ne veut pas entendre.
J’avais donc décidé de ne pas me poser quotidiennement la question morale que me posent tous ces gens. Je souhaitais défendre. Peu importe qui. Peu importe l’infraction reprochée. Peu importe l’atrocité du délit ou du crime.
De fil en aiguilles, j’ai découvert le droit routier. Petit droit pour la majorité de mes Confrères qui ne savent pas combien les procédures regorgent de vices de procédures. Mais ce « petit droit » révèle tous les abus qu’une société démocratique doit déplorer.
En effet, en matière contraventionnelle, grande partie du droit routier, le législateur énonce le principe que la constatation du policier ou du gendarme fait foi jusqu’à preuve du contraire. Aussi, la parole policière est-elle parole divine. Bel exemple de société démocratique…
Peu importe ce que vous direz, peu importe les explications que vous donnerez, peu importe la contestation sincère que vous formulerez, vous serez condamné si aucun vice de forme n’est plaidé.
Cela est absolument révoltant. Certes, il est laissé l’opportunité à la défense de rapporter la preuve contraire de ces énonciations. Cependant, cette preuve est si réglementée, si formalisée que cela devient impossible de se défendre sans invoquer des vices de forme.
En matière délictuelle (conduite malgré alcool ou stupéfiants), la parole du policier n’a plus force divine… en principe. Après des dizaines d’audiences, j’ai entendu plus de 100 fois le Procureur me dire : « Peu importe vos explications, vos contestations, le taux est là et il est incontestable ».
Alors, oui, le citoyen que je suis ne peut que regretter que certains se mettent en danger, et les autres avec.
Mais ce qui m’est encore plus insupportable, encore plus insoutenable, comme citoyen, comme « rebelle » et comme auxiliaire de justice, c’est ce procès en sorcellerie qui est fait aux « délinquants de la route ». C’est cette impossibilité de fournir des explications valables. C’est cette parole policière quasi-divine.
Voilà pourquoi je prends plaisir à défendre ceux qui sont attaqués en droit routier.
Il est plus important, dans une société libre et démocratique, d’accorder plus de droits à ceux qui sont attaqués qu’à ceux qui attaquent.
Maître Antoine Régley
Avocat au Barreau de Lille
Partenaire du Cabinet d'Avocats Renaissance
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