Toute personne suspectée ou poursuivie - y compris pour des faits de conduite sous l'empire d'un état alcoolique - est présumée innocente tant que sa culpabilité n'a pas été établie : ceci est une considération juridique (article préliminaire du Code de procédure pénale).
Pourquoi alors les délinquants routiers ont-ils droit à un traitement souvent particulier, et, s'agissant de la CEEA, d'une jurisprudence contraire à la Loi ?
L'article L 234-4 du Code de la route dispose :
"Lorsque les épreuves de dépistage permettent de présumer l'existence d'un état alcoolique ou lorsque le conducteur ou l'accompagnateur de l'élève conducteur refuse de les subir, les officiers ou agents de police judiciaire font procéder aux vérifications destinées à établir la preuve de l'état alcoolique".
"Les opérations de dépistage de l'imprégnation alcoolique par l'air expiré, prévues par les articles L. 234-3 à L. 234-5 et L. 234-9 sont effectuées au moyen d'un appareil conforme à un type homologué selon des modalités définies par arrêté du ministre chargé de la santé publique, après avis du ministre chargé des transports, du ministre de l'intérieur et du ministre de la défense".
L'Arrêté du 14 octobre 2008 relatif à l'homologation des appareils de dépistage de l'imprégnation alcooliquepar l'air expiré (ou éthylotests de l'air expiré) utilisés par les forces de l'ordre et à l'agrément des laboratoires habilités à réaliser les essais, examens et contrôles de ces appareils indique bien que le dépistage (prévu aux articles L 234-3 et R 234-2 du Code de la route) est opéré avec un éthylotest.
Cet arrêté expose que ces éthylotests doivent être homologués (articles 1 à 7) et faire l'objet d'une vérification annuelle (article 8).
Par deux arrêts pour le moins singuliers, la Cour de cassation a jugé que : "pour écarter cette exception et confirmer le jugement, l'arrêt attaqué énonce que les dispositions des articles L. 234-4 et R. 234-2 du code de la route concernent exclusivement les éthylomètres et non les éthylotests ; Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors que seules les opérations destinées à établir la preuve de l'état alcoolique doivent être effectuées au moyen d'un appareil conforme à un type homologué, la cour d'appel a justifié sa décision, sans méconnaître les textes susvisés" (Crim. 27 mai 2014, n° 13-85436 ; Crim. 25 novembre 2014, n° 14-80236).
Ainsi la Cour de cassation a rendu deux arrêts qui violent curieusement la loi puisque :
- les articles L 234-4 et R 234-2 du Code de la route concernent aussi et principalement les éthylotests ;
- les éthylotests doivent être homologués et vérifiés (arrêté du 14 octobre 2008).
Peut-être en rappelant que la France est un pays de droit écrit dans lequel existe une hiérarchie des normes (la loi est supérieure à la jurisprudence). Trop souvent les Juges, dans la matière spécifique du droit pénal routier, appliquent la jurisprudence de la Cour de cassation alors qu'ils doivent ou devraient appliquer et faire appliquer la Loi : l'exemple du dépistage par éthylotest est particulièrement caractéristique.
Alors oui, j'en ai assez d'entendre les représentants du Ministère Public faire état de ces deux arrêts invraisemblables de la Cour de cassation lorsque j'évoque au stade des nullités la problématique des éthylotests qui permettent de présumer une conduite sous l'empire d'un état alcoolique.
Avocat expert en droit routier je ne fais que demander l'application stricte de la Loi quelque soit l'infraction reprochée à mon client, alors Mesdames, Messieurs (surtout Vous, Monsieur le Président qui n'avez pas apprécié mes commentaires cette semaine) les Magistrats du Siège ou du Parquet, relisez les textes, détachez vous de la jurisprudence et faites application de la Loi même si vous avez à juger une situation qui est moralement inadmissible, le droit y gagnera ce que la morale aura perdu.
Olivier Descamps
Avocat au Barreau de Rennes