Le droit à l'image du tennisman professionnel

Publié le Modifié le 29/10/2013 Vu 7 004 fois 0
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La protection du Droit à l'image du tennisman professionnel, frontière entre vie privée et vie publique.

La protection du Droit à l'image du tennisman professionnel, frontière entre vie privée et vie publique.

Le droit à l'image du tennisman professionnel

 

A une époque où le message publicitaire revêt une importance considérable dans le cadre du lancement d’un produit, l’image de champion de tennis, plus encore que celles des autres personnages publics, représente du pain béni pour la communication des grandes entreprises. Les stars de la petite balle jaune véhiculent des valeurs sûres comme la quête de l’excellence, la volonté, le dépassement de soi, le courage. Le plus souvent, les meilleurs tennismans font rêver, lorsque ce n’est pas toute une génération qui s’identifie à eux.

Les enjeux liés au droit de l’image du champion de tennis, recouvrent donc essentiellement la question de l’exploitation commerciale de son image, puisque le tennisman professionnel à une valeur patrimoniale de cette image (plus ou moins importante selon son classement et sa notoriété) et qu’il tire de celle-ci une part importante de ses revenus. Deux grands thèmes sont à regrouper lorsque l’on évoque cette question : d’un côté l’exploitation commerciale de l’image que le tennisman maîtrise et monnaye (conclusions de contrats d’image, création de société d’image) et de l’autre celle qui est utilisée contre son gré à des fins commerciales par des firmes peu scrupuleuses. On laissera de côté les problématiques liées à la première catégorie, qui, pour les tennismen, n’ont pas les mêmes enjeux que les sportifs professionnels salariés d’un club.

En effet, le champion de tennis, indépendant par nature, va faire fructifier son image ponctuellement par la conclusion de contrats d’image, sans objectif particulier d’optimiser un aspect fiscal et social pour son cocontractant. Tous les montages juridiques (discutables et discutés par l’URSAFF) visant à faire passer pour les clubs employeurs (ou/et les annonceurs) une partie de la rémunération du joueur en prestations liées au droit de l’image, et donc non assujettie à charges sociales, n’ont pas lieu d’être pour le champion de tennis. Seule se pose donc véritablement pour le tennisman la question de l’usurpation de son image et il convient de s’interroger brièvement sur les moyens de contrôle dont il dispose pour la protéger.

Auparavant, il est à rappeler quel joueur est véritablement concerné par le droit à l’image sur le plan du tennis national et international.

Quelles sont les grandes règles en matière de protection de l’image : qu’est ce que le tennisman peut autoriser ? Qu’est ce qu’il peut interdire ?

Il convient d’opérer une distinction entre sa vie privée et sa vie publique pour y répondre. Concernant sa vie privée, il faut l’accord du tennisman pour une diffusion de son image, y compris dans un but informatif. S’agissant de sa vie publique, c'est-à-dire pour le tennisman professionnel, essentiellement les matchs en compétition, les exhibitions, les entraînements, les réceptions officielles, les campagnes de promotion du club, les conférences de presse …, la règle est fort simple, son application l’est beaucoup moins. Le tennisman donne un consentement tacite à une utilisation de son image lors de ses activités publiques, mais uniquement dans un but informatif. Cette règle comporte deux limites : la première est logique : il faut une autorisation du sportif pour une utilisation de son image prise lors de son activité publique et la seconde est plus rare, car il s’agit du cas où c’est un aspect privé de l’activité publique qui ressort lors de la publication (jurisprudence XUEREB/L’équipe : TGI PARIS - 3 Mai 1989 ; cas des photographies des petites culottes des championnes en pleine action). L’application de la règle évoquée ci-dessus ne va pas sans poser un certain nombre de problèmes sur le plan juridique : difficulté de tracer la frontière entre activité publique et privée et difficulté de déterminer jusqu’où doit s’étendre la notion d’intérêt légitime du public, droit collectif, face au respect du droit à l’image du joueur, droit subjectif de l’individu : à titre d’exemple, les obsèques d’un membre de la famille d’un joueur de tennis (jurisprudence NOAH : TGI PARIS – 21 Décembre 1983 : Noah/Société française de revues Team, Cour d’Appel de Paris : 13 Mars 1986).

Aussi, quels peuvent être les différents types d’usurpation de l’image ?

Deux grandes catégories d’usurpation peuvent être regroupées. La première, c’est une violation criante de l’image, voire grossière, et pourtant très répandue : c’est le cas déjà évoqué de la firme qui va utiliser sciemment l’image du champion de tennis pour une campagne publicitaire sans autorisation de celui-ci (C’est l’exemple d’Andre Agassi à Wimbledon en 2002). Quelles sont les raisons de telles dérives ? Le spectre d’une condamnation judiciaire n’effraie pas les firmes, puisque la plupart du temps, le montant des sanctions pécuniaires restent inférieur au profit retiré par la campagne publicitaire litigieuse. La seconde catégorie est beaucoup plus subtile et promise à un « grand avenir » : ce sont toutes les violations de l’image par le biais des nouvelles technologies : comme internet.

En terme de réparation, l’avocat du joueur pourra plaider plusieurs préjudices et les cumuler :

  • Le manque à gagner consécutif à l’usurpation. Pour ce faire, il faut démontrer que le préjudice corresponde à ce que le champion aurait réclamé s’il avait consenti à l’opération commerciale, c'est-à-dire de démontrer la valeur commerciale de l’image, en produisant notamment au juge des contrats similaires signés dans un passé proche de l’usurpation ;
  • Le manque à gagner relatif aux conséquences nuisibles de l’usurpation qui découle du fait que le joueur s’est vu imposer un choix non voulu et qui peut s’avérer particulière préjudiciable sur le plan du marketing de son image et sur sa carrière (Affaire Myriam Bédard) ;
  • Le préjudice moral (stress, anxiété, voire humiliation ressentie du fait de la publication illicite de l’image) c’est l’exemple des photos de Laure Manaudou ;
  • La possibilité de saisir le juge des référés afin de voir cesser rapidement l’atteinte dont il est l’objet.

Le montant des dommages et intérêts octroyés par les juges ne sont jamais à la hauteur du préjudice réellement subi par le joueur. Par conséquent, au regard du droit positif et de la manne financière mise en jeu, mieux vaut pour le champion de tennis monnayer son image que de se la voir usurper.

A ce titre, l’autorisation donnée par le sportif est subordonnée aux respects des principes suivants :

  • Les droits du prestataire ou de la société exploitant la renommée d’un sportif doivent être définis et délimités dans la durée, dans les supports de publicité (articles de sport, produits, prestations…), voire dans les supports de communication utilisés (presse, radio, télévision) ;
  • Les droits de publicité ne doivent pas porter sur des droits que le tennisman a déjà cédés soit à sa fédération, soit à un autre sponsor (clause d’exclusivité) ; Dans ce cas d’ailleurs, sauf mauvaise foi de la société, le contrat n’est pas nul mais oblige nécessairement le sportif à dédommager celui qui a été victime du non respect du contrat ;
  • Le produit commercialisé ne doit pas atteindre la réputation du sportif comme c’est l’exemple d’une société qui vend des produits sous le nom d’un sportif alors que les articles de sport sont en fait impropre à la consommation ;
  • Les obligations mises à la charge du sportif ne doivent pas porter atteinte à une liberté fondamentale (interdiction de pratiquer une religion ou d’exprimer une opinion religieuse) ;
  • La rémunération doit être clairement définie même si les parties au contrat disposent d’une entière liberté pour mettre en place soit une rémunération forfaitaire, soit une rémunération proportionnelle, calculée sur le chiffre généré par les ventes. Ce type de rémunération est plus aléatoire puisque dépendant aussi de la qualité du produit, du réseau de distribution et de l’effort de promotion. Il est nécessaire de définir tous ces paramètres contractuellement.

Par ailleurs, il existe en droit un monopole d’exploitation, un droit de tirer profit des supports et des éléments de sa vie privée, de son image, de son nom, de sa notoriété. Ce droit est protégé par l’article 12 de la déclaration Universelle des droits de l’homme et l’article 8 de la convention Européenne des droits de l’homme. Pourtant, l’image du sportif peut être utilisée à son insu :

  • Pour la promotion d’une prestation ou d’un produit : c’est le cas le plus évident de violation du droit à l’image et par conséquent de publicités illicites ; la situation mérite une réaction immédiate permettent l’arrêt d’une production, de la commercialisation et la saisie des stocks par le biais de la saisie contrefaçon ;
  • Comme nous l’avons souligné plus haut, dans le cadre d’un article de presse portant atteinte à sa vie privée : la frontière entre vie publique et vie privée est alors tenue même si les tribunaux, traditionnellement, protègent fermement la vie privée ;
  • Aussi  et comme nous l’avons vu, la publicité peut être aussi indirecte en ce sens qu’il est fait référence à l’image du sportif  pour illustrer un événement alors même que l’autorisation du sportif n’a pas été sollicitée.

En résumé, l’action en justice peut avoir, dés lors, deux intérêts : réparer préjudice et prévenir à l’avenir l’exploitation de l’image à des fins publicitaires.

Maître Karim Adyel

Docteur d'Etat Français en Droit

Master 2 Professionnel Droit du Sport Université Panthéon-Sorbonne Paris 1

Avocat à la Cour

Courriel : docteurkarimadyel@yahoo.fr

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