A) Le renouvellement de la période de stabilité (obstacle à la mobilité atteinte à la liberté de
circulation phénomène amplifié : affaire Mexès)
En effet, la clause de stabilité triennale, censée permettre à un joueur de négocier son départ d’un club après 3 années en rachetant les mois de salaire dus, n’a pratiquement jamais été respectée. C’est l’exemple de la jurisprudence Philippe Mexès/AJ Auxerre, condamné par le TAS, qui contribua à installer un système inflationniste des salaires et une spéculation irrégulière monopolisée par les dirigeants et leurs clubs.
Aussi, le non respect du principe de réciprocité est en total déséquilibre au détriment du joueur. Ce dernier, décidant de quitter son club au bout de 3 ans (période de stabilité) alors qu’il a signé un contrat de 5 ans avec son club est lourdement condamné par la Chambre des Litiges de la FIFA : le paiement du « reste valu », le prorata temporis du transfert et une indemnité sur la base d’un joueur de remplacement de même valeur au même poste, ce qui a notre sens est utopique et discrétionnaire. Alors que dans l’autre sens, le club ne serai condamné à payer que le salaire restant dû, c'est-à-dire 24 mois restant du contrat du joueur moins le salaire que le joueur va trouver dans son nouveau club.
L’astuce trouvée par les dirigeants des clubs est de contraindre les joueurs à prolonger leur contrat contre une augmentation des salaires, ce qui augmente de facto la masse salariale et à moyen ou long terme l’endettement des clubs d’autant que cela ne facilite pas le « turn over » des joueurs pour plus de fluidité et de transparence dans les transferts.
Ceci va manifestement à l’encontre des principes du droit communautaire au sens des articles 101 et 102, c’est une jurisprudence constante de la Cour de Justice de l’Union Européenne.
Ainsi et à l’instar de l’arrêt Bernard du 16 Mars 2010, le principe de paiement des indemnités de formation devant se limiter aux remboursements des frais de formation n’est jamais respecté. Le principe de proportionnalité tourne toujours à l’avantage des clubs et de leurs dirigeants.
Il faut donc s’interroger sur l’application de la jurisprudence Bosman au cas où des footballeurs qui souhaitent changer de club au cours de l’exécution de leur contrat de travail et non pas simplement à l’expiration de celui-ci.
On peut considérer, que si le transfert avant le terme du contrat liant le joueur à son club est subordonné au paiement d’une indemnité, cette dernière affecte les possibilités des sportifs de trouver un emploi ainsi que les conditions auxquelles cet emploi est offert. Autrement dit, une telle indemnité de transfert constitue une entrave à la libre circulation des joueurs tout autant que celle qui était exigée en fin de contrat et dont la licéité a constitué une partie du contentieux à l’origine de l’arrêt Bosman. C’est un argument de fond justifiant la révision du système de transfert avec pour principal objectif de respecter les libertés fondamentales du droit communautaire, telles que la libre concurrence et la libre circulation des personnes.
B) Le développement de la multipropriété des droits économiques des joueurs
(atteinte à l’intégrité des compétitions, entente illicite ?)
En effet, cette pratique anglo-saxonne fausse indiscutablement l’intégrité et l’équilibre des compétitions et donc le principe de l’aléa sportif, puisque des sociétés ou des personnes étrangères se trouvent propriétaires de plusieurs joueurs appartenant aux mêmes clubs participant aux mêmes compétitions.
En conséquence et sur un plan strictement légal, les règles communautaires de concurrence sont prévues aux articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE). Le droit communautaire de la concurrence prohibe tous accords entre entreprises, toutes décisions d’associations d’entreprises et toutes pratiques concertées qui sont susceptibles d’affecter le commerce entre Etats membres et qui auraient pour effet de perturber le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché intérieur (Art 101, TFUE).
C) Une situation monopolistique (risque abus de position dominante_le marché
primaire supérieur : le marché des transferts, un marché segmenté).
En effet, la forte segmentation du marché du travail dans le football Européen fausse le principe de concurrence puisque ce marché est composé de trois principaux segments, structurés différemment et sur lesquels le pouvoir de marché des parties prenantes diffère :
- Le marché primaire supérieur, sur lequel un nombre limité de joueurs (les « superstars ») fait face à un nombre limité de clubs, se caractérise par une structure monopolistique. Sur ce marché, les joueurs (et leurs représentants) ont un pouvoir de marché très important. C’est sur ce segment que l’on retrouve les indemnités de transferts et les salaires les plus élevés.
- Le marché primaire inférieur, sur lequel un nombre limité de joueurs (les bons joueurs expérimentés) fait face à un grand nombre de clubs, se caractérise par une structure oligopolistique. Les joueurs (et leurs représentants) ont un pouvoir de marché moins important que celui des « superstars ».
- Le marché secondaire, sur lequel un grand nombre de joueurs fait face à un nombre limité de clubs, se caractérise quant à lui par une structure oligopsonistique. Sur ce segment, ce sont les clubs qui ont le plus grand pouvoir de marché afin de déterminer les prix (indemnités de transfert et salaires).
Cette segmentation créée de fait une situation d’abus de position dominante sur le marché des transferts, ce qui est en contradiction avec les dispositions de l’article 102 du TFUE.
Plusieurs procédures sont envisageables devant la Cour de Justice Européenne (CJUE) selon l’objectif poursuivi : annulation ou révision de la réglementation. A ce titre, il faut distinguer d’une part les recours directs destinés à sanctionner le non respect du droit communautaire par les institutions de la communauté, c’est le cas du recours en annulation prévu par l’article 263 du TFUE et du recours en carence permettant le contrôle de la légalité de l’action ou de l’inaction des institutions de l’Union (Art 265 du TFUE), ces actes peuvent aussi être mis en cause par la voie de l’exception d’illégalité prévue à l’article 277 du TFUE.
Il est également important de souligner le rôle de la DG concurrence qui dispose d’un large pouvoir de sanctions en la matière et dont les procédures sont plus rapides et plus efficaces que de saisir la CJUE.
Maître Karim Adyel
Docteur d'Etat Français en Droit
Master 2 Professionnel Droit du Sport - Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Avocat à la cour
Courriel : docteurkarimadyel@yahoo.fr