Le cadre juridique des paris sportifs et le cas du tennis
La loi du 12 Mai 2010, relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne, a imposé aux fédérations délégataires de prendre des dispositions ayant pour objet de prévenir des conflits d’intérêt en matière de paris sportifs. La loi du 1er Février 2012 visant à renforcer l’éthique du sport et les droits des sportifs a complété l’article
L.131-16 du Code du sport qui prévoit désormais que les fédérations délégataires doivent édicter des règles ayant pour objet d’interdire aux acteurs de compétitions sportives :
- De réaliser des prestations de pronostics sportifs sur ces compétitions lorsque ces acteurs de la compétition sont contractuellement liés à un opérateur de paris sportifs titulaire de l’agrément prévu à l’article 21 de la loi N°2010-476 du 12 Mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne ou lorsque ces prestations sont effectuées dans le cadre de programmes parrainés par un tel opérateur ;
- De détenir une participation au sein d’un opérateur de paris sportifs titulaire de l’agrément prévu au même article 21 qui propose des paris sur la discipline sportive concernée ;
- D’engager, directement ou par personne interposée, des mises sur des paris reposant sur la compétition à laquelle ils participent et de communiquer à des tiers des informations privilégiées, obtenues à l’occasion de leur profession ou de leurs fonctions, et qui sont inconnues du public.
Les infractions éventuellement constatées feront naître des contentieux, qui, en fonction de la qualité de leurs auteurs, relèveront du champ disciplinaire mais également du champ commercial.
L’existence d’un droit de propriété au profit de l’organisateur sportif, s’agissant de l’activité de prestations de services de paris sportifs est en effet consacrée par l’article L.333-1-2 du Code du sport, issu de la loi précitée du 12 Mai 2010, qui dispose que « lorsque le droit d’organiser des paris est consenti par une fédération sportive ou par un organisateur de manifestations sportives mentionné au premier alinéa de l’article L.331-5 à des opérateurs de paris en ligne (…), les fédérations sportives et organisateurs de manifestations sportives ne peuvent ni attribuer à un opérateur le droit exclusif d’organiser des paris ni exercer une discrimination entre les opérateurs agrées pour une même catégorie de paris ».
Notons par ailleurs que la loi du 1er Février 2012 a inséré au Code du sport un article L.131-16-1 qui donne aux fédérations sportives délégataires un accès aux informations personnelles de l’Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL) relatives à des opérations de jeux enregistrées par un opérateur de jeux ou de paris en ligne titulaire de l’agrément, facilitant ainsi les contrôles et le cas échéant, la mise en œuvre d’une procédure disciplinaire[1].
Le cas le plus frappant dans les paris truqués en matière de tennis est celui de Nikolay Davydenko qui fût accusé par d’autres joueurs d’avoir perdu sciemment en 2008 mais n’a jamais été inquiété par les instances internationales ni la justice. Dans les faits, le 2 Août 2008 au tournoi de Sopot (Pologne), le russe Nicolay Davydenko, 4ème joueur mondial de l’époque, gagnait le premier set logiquement 6-2 face à l’Argentin Martin Vassallo Arguello (107ème). Mais la côte de paris sur sa défaite s’envolait finissant par éveiller les soupçons lorsque Davydenko perdit le second set et finit par abandonner sur blessure. Devant les témoignages de certains joueurs expliquant avoir été parfois contactés pour truquer un match, l’ATP a diligenté une enquête. Un an plus tard, l’instance affirmait n’avoir « trouvé aucune preuve de violation du règlement de la part de Messieurs Davydenko et Vassallo Arguello ou de qui que ce soit ayant eu un rapport avec ce match ».
A noter que le tennisman serbe David Savic, 659ème mondial, et l’Autrichien Daniel Koellerer, ancien 55ème mondial ont été suspendus à vie de toutes compétitions professionnelles par le Tribunal Arbitral du Sport (TAS) pour leur implication dans des matchs truqués[2].
Un autre cas plus récent, révélé le 5 Juin 2013, concerne actuellement un arbitre officiant lors des Internationaux de tennis de Saint-Raphaël (18-24 Mars) qui est soupçonné d’avoir tenté de truquer des matchs pour ensuite parier et qui a été exclu du tournoi et suspendu jusqu’à nouvel ordre. La Fédération Française de Tennis a ordonné des investigations internes et a demandé à la Tennis Integrity Agency de déclencher des investigations. Les résultats de l’enquête devraient être connus dans les prochains mois. La FFT, tout en respectant la présomption d’innocence, se réserve le droit de saisir la justice. Cet arbitre risque la radiation à vie et une lourde amende. A ce titre, la FFT, a déclenché avant Roland-Garros un vaste plan de « prévention de risque liée aux paris sportifs mais le problème est que les gros parieurs ont trouvé l’astuce de multiplier les mises inférieures à 5000 Euros sur plusieurs sites pour ne pas être repérés, ce qui constitue un autre problème à solutionner[3]. La logique voudrait que le contrôle puisse être exercé même sur de paris inférieurs à 5000 Euros, la somme minimale restant à délimiter.
Maître Karim ADYEL
Docteur d'Etat Français en Droit
Avocat à la cour
[1] Laurence Chevé, La justice sportive, Gualino Lextenso Editions, 2012, p.72
[2] http://www.lemonde.fr/sport/article/2012/09/27/sport-et-paris-truques-une-longue-histoire-d-inceste_1766647_3242.html
[3] http://www.varmatin.com/article/paris-en-ligne-le-match-de-tennis-a-saint-raphael-etait-il-truque.1261619.html