La sanction de la fraude maritime et de la fraude documentaire

Publié le 16/01/2014 Vu 6 785 fois 0
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Quels sont les aspects de la sanction en matière maritime et en matière documentaire?

Quels sont les aspects de la sanction en matière maritime et en matière documentaire?

La sanction de la fraude maritime et de la fraude documentaire

             Pour une meilleure compréhension, il est nécessaire de revenir d’abord sur la distinction entre fraude maritime et fraude documentaire.

           La fraude maritime se caractérise par une atteinte aux conditions de réalisation du contrat commercial. C’est donc la vente maritime en tant que telle qui est concernée à l’exclusion de l’opération de crédit. Ce sera le cas d’une cargaison présentant au débarquement une qualité ou une quantité inférieure que celle prévue dans le contrat initial, le cas d’une marchandise vendue plusieurs fois au cours du même voyage et toutes autres manœuvres rendues possibles par le temps nécessaire à l’acheminement de la marchandise.

           La fraude documentaire, stricto sensu, prend, elle, le contre-pied de la définition qui vient d’être donnée. Comme nous l’avons précédemment expliqué, ce sont les conditions du crédit qui sont touchées par la fraude, indépendamment du devenir du contrat de vente.

           Dans le cas d’espèce, les documents qui en forment la base sont des faux (soit fraude intellectuelle soit matérielle)  qui ne devraient pas être acceptés par le banquier vérificateur lors de leur présentation.

           Ainsi, un banquier ne s’engageant à payer qu’après présentation des documents conformes, devra refuser de payer, en cas de présentation de titres non conformes, alors même que la cargaison livrée satisfait entièrement à l’acquéreur. La fraude documentaire sera retenue alors que la fraude maritime n’est pas caractérisée.

                Les sanctions

            1 : L’impraticabilité de la saisie-arrêt fondée sur la fraude                                                    maritime

           Lorsque la fraude maritime est découverte, le premier réflexe de l’acheteur lésé va être de procéder à la saisie des sommes destinées au paiement du prix entre les mains de la banque émettrice. Malgré qu’il soit compréhensible, ce réflexe n’est pas en accord avec les principes de base de l’institution.

            En effet, en prenant l’engagement de payer, la banque s’oblige à fournir au vendeur un droit personnel et direct qui ne doit pas être remis en cause par le fait du donneur d’ordre. Aussi, la question qui se pose à ce niveau est de savoir si le donneur d’ordre d’un crédit documentaire ouvert au profit d’un vendeur, peut faire obstacle par une saisie-arrêt à l’exécution de celui-ci, même en cas de fraude maritime.

           La jurisprudence tant Marocaine et Française qu’étrangère semble avoir, sur la question, une position très tranchée. Le tribunal régional de Dakar (Sénégal) a, d’ailleurs, rendu sur le sujet une décision conforme à la position dominante dans un arrêt du 16 Septembre 1988.[1]

            Dans cette affaire, une société Sénégalaise a conclu un contrat de vente avec une firme Allemande installée à Munich. La vente étant financée par un crédit documentaire au près de la BIAO Sénégal, crédit confirmé par la BIOA Hambourg. La cargaison bien que correctement embarquée, le connaissement ne portant à ce propos aucune réserve, ne parvint jamais à son port de destination.

            Après diverses péripéties, l’acheteur fit procéder à une saisie-arrêt entre les mains de la banque sénégalaise et de son correspondant allemand, puis en demanda la validation au près des tribunaux.

            Les juges Sénégalais, confrontés à la question de la validité de cette saisie adoptèrent une position classique en énonçant dans un attendu principal que : « Le crédit documentaire constitue un engagement cambiaire autonome, indépendant de la bonne ou mauvaise exécution du contrat de base ».

            Cette solution extrêmement pénalisante pour l’acheteur (qui en l’espèce n’avait plus, comme le chroniqueur[2] l’écrit « que ses yeux pour pleurer », s’explique par le faite que le donneur d’ordre ne peut valablement se fonder sur les conditions d’exécution du contrat pour demander au banquier de refuser de payer. La mise en place et l’acceptation du recours au crédit documentaire le lui sont interdites.

          Par ailleurs, la découverte de la fraude par l’acheteur avant paiement du crédit, permet de bloquer le paiement par le biais de la saisie arrêt en attendant que le juge du fond statue sur le fond du litige.

            

              2 : La sanction pour fraude documentaire manifeste.

           La saisie-arrêt ou la défense de payer formulée par le donneur d’ordre dans ce cas est recevable. Encore faut-il, nous l’avons vu, que la preuve manifeste et indéniable de la fraude soit apportée. Celle-ci est la seule exception qui puisse faire obstacle au libre jeu des mécanismes du crédit.

           Elle va, et c’est là tout son intérêt, faire obstacle au paiement de documents qui ont l’apparence de la régularité. Dans ce cas, l’adage « Fraus omnia corrumpit » jouera  pleinement.

            Bien entendu, l’exception de fraude ne pourra recevoir application que si celle-ci est découverte avant l’exécution par la banque de ses obligations. Selon que la fraude est découverte avant ou après l’exécution du crédit, les décisions prises par les tribunaux varieront selon :

  • Si la fraude est découverte avant le paiement par la banque, le donneur d’ordre peut obtenir du juge qu’il fasse, à la banque émettrice ou confirmatrice défense de payer.

  • Si la banque confirmatrice a payé par anticipation par rapport à la date prévue. Il s’agit dans ce cas d’une simple avance et non de la réalisation du crédit. Le donneur d’ordre peut donc obtenir des tribunaux que la banque émettrice ne rembourse pas la banque confirmatrice, sauf si la convention du crédit prévoyait cette possibilité de paiement anticipé.

  • Si la fraude est découverte postérieurement à la réalisation du crédit (cas par exemple d’un crédit réalisable par négociation), la jurisprudence estime que ce fait ne doit pas être constitutif d’un obstacle à la négociation. Ce que la cour d’appel d’Aix en Provence a refusé dans un arrêt du 28 Janvier 1988[3], appliquant ainsi l’exception de fraude même lorsque celle-ci est découverte postérieurement.

           Il conviendra sans doute de noter ici que la banque qui procède au paiement sur présentation de documents apparemment conformes ne peut être tenue pour responsable s’il advient par la suite que la preuve de leur caractère apocryphe est faite.

           Inversement, la banque qui paierait le vendeur alors que la fraude est manifeste s’exposerait à devoir rembourser le donneur d’ordre.[4] A plus forte raison, la solution serait identique si la banque faisait l’objet d’une interdiction judiciaire de payer.

           Il convient également de souligner qu’une obligation d’information incombe à la banque émettrice qui est tenue, une fois la preuve de la fraude ou le caractère manifeste  de celle-ci établi, d’avertir la banque notificatrice ou confirmatrice du crédit.

          La portée de cette obligation va varier selon que la banque correspondante est simplement mandatrice (notificatrice) ou que son engagement est autonome (confirmatrice)  de celui contracté par le banquier émetteur.

  • Dans le premier cas, l’émetteur doit uniquement transmettre l’interdiction de payer. En tant que mandataire, la banque correspondante engagerait sa responsabilité si elle venait à payer.

  • Dans le second cas, l’émetteur doit, en plus, fournir la preuve incontestable de la fraude. Dans le cas contraire, son refus de procéder au paiement serait fautif.

                     3 : Les sanctions pénales

           Le droit maritime a recours, sur ce point, aux délits classiques de droit commun : Faux (Article 441-1 du code pénal Français et les articles 351 et 357 du code pénal Marocain, usage de faux (Article 359 du code pénal Marocain), Escroquerie (article 313-1 du code pénal Français et l’article 540 du code pénal Marocain, Abus de confiance (Article 314-1 du code pénal Français et l’article 547 du code pénal Marocain). Ils correspondent, dans la pratique, à l’usage d’un connaissement frauduleux ou falsifié, à un détournement d’un document qui n’avait été remis à un mandataire, dépositaire ou agent qu’à charge de le restituer, présenter ou d’en faire un usage déterminé, etc.…… .

            La mise en œuvre devant les juridictions Françaises et Marocaines de ces textes de droit interne est possible, quand bien même l’infraction aurait été commise à l’étranger, en vertu du Titre X de l’actuel code de procédure pénale Français et des articles 704 et suivants du code de procédure pénale Marocain, dés lors, cependant, que l’un des éléments constitutifs du délit à été commis en France ou au Maroc.

 

[1]              Tribunal Régional hors classe de Dakar, 16 Sept 1988, Revue Scapel, 1988 N°4, p 71

[2]              ABOUBACAR Fall, arrêt Trib, Dakar, 16 Septembre 1988, op. Cité (annexe p. XX et s)

[3]              CA Aix, 28 Janvier 1988 D 1989

[4]              CA Agen, 27 Juin 1988, D. 1990,, Note STOUFFLET

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