Traiter la question des influences culturelles du droit chinois des contrats suppose d’analyser tout d’abord l’impact de la philosophie confucéenne et notamment ses « Analactes » qui constituent une première source écrite de commentaires sur le gouvernement et le droit en Chine. Il est d’autant plus pertinent de réfléchir à la pensée confucéenne que Confucius fut lui-même ministre de la justice pénale dans l’Etat du Lu. Selon Confucius et ses disciples et comme expliqué par Guillaume Rougier-Brierre, « la règle de droit n’a vocation à s’appliquer que lorsque les individus agissent en dehors du rôle qui leur a été assigné par la société. Or, la vision confucéenne de la société est celle d’une hiérarchie rigide au sein de laquelle le rôle de chaque personne est défini en référence au rôle d’autrui ». Autant dire que cette conception est diamétralement opposée au fondement ou du moins élément dynamique du droit des contrats français à savoir l’autonomie de volonté qui repose sur cette liberté « naturelle » des hommes choisir ce à quoi ils s’obligent. Dans la conception confucéenne, le contrat n’aurait de sens qu’a partir du moment où l’individu sortirait du rôle qui lui a été attribué au sein de la société. Paradoxalement, la liberté contractuelle a été consacrée dans la loi de 1999…
Lao Tsu a lui aussi contribué lui à la conception du contrat en Chine. On retrouve dans sa philosophie l’aspect secondaire du contrat qui n’aurait de raison d’être que lorsque les hommes ont perdu leurs vertus et que règne le désordre, l’ordre naturel des choses n’ayant pu être établi. On remarquera que cette philosophie va a contre courant des relations commerciales d’aujourd’hui qui montrent un regain de vitalité du contrat non pas comme un recours ultime mais plutôt comme un postulat de départ.
L’occident et la Chine ont un rapport différent à la temporalité. On retrouve ici l’influence du bouddhisme qui considère le temps de manière cyclique et non linéaire. Concrètement, le contrat va ainsi être modifiable, il peut en quelque sorte se réincarner perpétuellement et n’est donc pas figé. La différence avec la conception occidentale du contrat est frappante, les occidentaux envisageant eux le contrat comme le moment ou la volonté des parties va figer le temps. Cela met en lumière également ce qui est primordial pour les occidentaux, à savoir la lettre du contrat, et ce qui l’en est pour les chinois qui eux vont se concentrer sur l’esprit du contrat manifestant ainsi une vision évolutive de ce dernier.
Le communisme enfin, dont l’influence ne peut se résumer en quelques lignes mais nous pouvons toutefois souligner l’ascendant de la société sur l’individu qui expliqua pourquoi la finalité des contrats a longtemps été la réalisation du plan alors que la conception occidentale envisage la finalité du contrat comme devant servir les parties concernées.
Ces influences sont réelles mais il convient d’admettre les évolutions majeures (voire révolutionnaires) qu’a connu le droit chinois des contrats via la loi sur les contrats de 1999. Liberté contractuelle, bonne foi, principe d’égalité sont présents et manifestent l’influence des droits de traditions civilistes, de Common law mais aussi uniformes tel que les principes Unidroit. En résumé et en paraphrasant Charles de Gaulle, à la question « quelle est l’essence de ce contrat ? » la réponse est la suivante « Dites moi d’abord de quel peuple et de quelle époque il s’agit ? ».
Bibliographie
▪Spécificité de la négociation et de la pratique contractuelle en Chine, Guillaume ROUGIER-BRIERRE, RDAI/IBLJ,n°2,2007.
▪Droit civil, les obligations : l’acte juridique, Jacques FLOUR, Jean-Luc AUBERT, Eric SAVAUX, Sirey Université, 2006.
▪Réflexions générales sur la nouvelle sur les contrats, Pierre BORRA, Gazette du Palais, 04 juillet 2000 n°186, P.52
▪ Contract law of the People’s Républic of China, China Legal System Publishing House, 1999. Cette loi est disponible à l’adresse suivante : www.cclaw.net
▪http://www.usinenouvelle.com/article/16-milliards-d-euros-de-contrats-signes-avec-la-chine.N141123