Le 30 mai 2024, le député Eric Woerth rend un rapport de 160 pages consacré à la décentralisation. Ce rapport s’inscrit dans une tendance de recherche et d’analyse de la réforme territoriale voulue par Emmanuel Macron.
Se voulant général, ce rapport est complémentaire d’autres travaux à l’instar de celui rendu par Boris Ravignon le 29 mai. Eric Woerth est le député de la 4e circonscription de l’Oise depuis 2010, sous l’étiquette UMP, LR puis Renaissance. Depuis juin 2022, il est questeur de l’Assemblée nationale. Dans son rapport, Woerth cherche à donner un nouveau souffle à la décentralisation. Il part en effet du constat que depuis une vingtaine d’années, et en dépit des textes comme la loi NOTRe (2015), la décentralisation est moribonde. Il est nécessaire de la réformer sans toutefois remettre en question l’intégralité de l’organisation territoriale. Woerth se prononce en effet contre un « big bang » institutionnel et souhaite réorganiser l’organisation territoriale en partant de ce qui existe déjà.
Nous verrons d’abord le contenu et les différentes mesures prônées par le rapport Woerth. Nous étudierons ensuite les débats que suscitent ce rapport.
LE CONTENU
Tout d’abord, le rapport Woerth s’inscrit pleinement dans une volonté de réformer l’organisation territoriale française afin de donner un nouveau souffle à la décentralisation.
La répartition des compétences
Ainsi, le rapport prône une répartition des compétences plus précise et adaptée aux nouveaux enjeux. Selon Eric Woerth, chaque échelon a un rôle : « le bloc communal est celui des services publics de proximité, le département celui des solidarités et de la résilience des territoires, et la région celui du développement économique et de la planification active ».
D’une part par rapport aux départements, ils se voient confortés dans certains domaines. Ainsi, Woerth propose de leurs confier l’intégralité des routes non-communales. Ils devraient également intervenir davantage en soutien des communes, notamment par rapport à l’eau. Cependant, le rapport mentionne également que les départements devraient être dessaisis de certains domaines, notamment l’aide aux entreprises.
D’autre part concernant les régions, le rapport souhaite leurs redonner un rôle de chef de file dans la mise en œuvre des politiques publiques. Par ailleurs, le rapport conforte les régions dans plusieurs domaines comme l’enseignement supérieur. Par ailleurs, le rapport s’oppose à la création d’une région Alsace.
En outre, le rapport préconise l’instauration d’un statut unique d’EPCI. Leurs domaines d’action seraient alors les compétences actuelles des communautés de communes, en plus des transports et de l’habitat. Les EPCI pourraient également se saisir de toute autre compétence. Le souhait de Woerth est avant tout de mieux intégrer les EPCI dans l’organisation territoriale, notamment en les liant davantage aux départements (contractualisation entre les deux échelons obligatoires dans certains domaines). Enfin, le rapport propose que la CLECT pourrait être présidée par un magistrat de la chambre régionale des comptes. De plus, par rapport à des cas plus spécifiques, le rapport préconise de supprimer le Grand Paris.
Enfin, le rapport Woerth propose un nouveau schéma fiscal qui toucherait tous les échelons territoriaux, au principal profit des EPCI (parts d'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux, droits de mutation à titre onéreux).
Le renouveau démocratique
Le rapport Woerth cherche également à renouveler la confiance et la proximité des citoyens avec les différents échelons territoriaux. Il préconise ainsi de réinstaurer les conseillers territoriaux, élus par binôme à l’échelon cantonal. Ces conseillers permettraient de mieux articuler les compétences de la région et des départements.
En outre, le rapport préconise la réduction des effectifs des conseillers municipaux. Cela permettrait au maire d’être plus efficace, en plus d’augmenter les rémunérations des conseillers, ce qui aurait pour effet de répondre à la baisse d’attractivité de la fonction d’élu local.
Par ailleurs, Woerth se prononce en faveur de la création d’un statut d’élu local. Il souhaite également autoriser le cumul de mandats entre maire et parlementaire, tout en interdisant celui de Président d’EPCI et de région ou département.
Ainsi, le rapport Woerth s’inscrit pleinement dans une volonté de renouveau de la décentralisation, en clarifiant la répartition des compétences tout en proposant des mesures visant à rapprocher les citoyens des élus. Ces mesures sont accueillies différemment selon les acteurs.
LES DEBATS
Plusieurs débats naissent à la suite du rapport Woerth.
Accueil par le Président et les élus.
Le rapport suscite des réactions d’une multitude d’acteurs.
D’autre part, certains élus critiquent le rapport Woerth. Ainsi, le sénateur Fabien Genet, Vice-Président de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, énonce certaines remarques. Il critique ainsi la proposition visant à réduire le nombre d’élus municipaux. Il explique notamment que la plupart des élus sont bénévoles, ce qui ne permettrait pas de dégager plus de fonds pour les élus. Par ailleurs, il dénonce la mise sous tutelle des EPCI par la chambre régionale des comptes.
Accueil par les collectivités territoriales
D’une part, les maires semblent plutôt satisfaits du rapport, bien qu’ils trouvent assez timides les réformes annoncées ainsi que les revalorisations des rémunérations.
D’autre part, Intercommunalités de France juge le rapport peu décentralisateur. De plus, la fusion des 4 statuts des EPCI est vue comme un affaiblissement des intercommunalités. L’uniformisation de la répartition des compétences fait craindre une diminution de la mutualisation entre les communes.
Concernant les départements, on critique la répartition des compétences et les pertes fiscales. Les critiques fusent également concernant le refus de la création d’une région Alsace.
Par ailleurs, les régions se prononcent contre la fonction de conseiller territorial. Jean-François Vigier critique les faibles réformes mais se dit satisfait de la recommandation sur le cumul des mandats.