Histoire d'une aide exceptionnelle pour les chômeurs sans ressources en 2010 ou création d'une usine à gaz !
Le décret d'application de l'aide exceptionnelle aux chômeurs en fin de droit vient de paraître au journal officiel (n°2010-575) du 31 mai 2010.
Je crois utile de faire un rappel sur la genèse de la création de cette aide dont le nombre potentiel de bénéficiaires a été réduit au fur et à mesure à peau de chagrin et qui se révèle être une véritable usine à gaz.....
Certains ne manqueront pas de dire" notre juriste n'a de cesse de critiquer mais cette aide c'est mieux que rien "
Oui mais......
Petit rappel
- Coup de théatre fin 2009 selon pôle-emploi qui a distribué "une note" aux syndicats et patronat : un million de chômeurs devaient sortir de l'indemnisation et ne seraient donc plus indemnisés par l'assurance chômage en 2010.
Dans le même temps :
Christine Lagarde, estimait le 3 décembre dans un communiqué que la stabilité du chômage était : "encourageante" et se déclarait également satisfaite de "la hausse du taux d’emploi des seniors au 3ème trimestre ... / ... " - Source JDD
Laurent Wauquiez déclarait : "On a arrêté la hausse du chômage", "la France a le mieux amorti la crise sur le front de l’emploi et on a fait les bons choix"- Source AFP/Google
Selon les projections réalisées par Pôle emploi, environ un million de chômeurs devaient se retrouver en fin de droits en 2010, soit une hausse "d'environ 18%" par rapport à 2009. Sur ce million, 460.000 devaient se retrouver sans revenu, tous ne remplissant pas les conditions d'accès aux minima sociaux.
- Le chef de l'état confiait au secrétaire d'État à l'Emploi, Laurent Wauquiez, la tâche de mener la concertation avec les partenaires sociaux afin de trouver une solution d'ici à la fin mars pour les chômeurs qui se retrouveraient sans aucune ressource.
- Fin février Laurent Wauquiez, annonçait que l'Etat et l'Unedic débloqueraient "plusieurs centaines de millions d'euros" pour aider les chômeurs en fin de droits.
Fin février patronat et syndicats n'étaient parvenus à aucun accord sur le sujet .
- Début mars François-Xavier Selleret, directeur de cabinet du ministre animait une réunion avec les syndicats au cours de laquelle un point était fait sur le nombre et le profil de ces chômeurs.( leur durée de chômage, leur âge, leurs revenus complémentaires dont le RSA etc...)
- Après le diagnostic les remèdes :
Formations rémunérées , contrats aidés , exonérations de charges pour les employeurs embauchant un chômeur en fin de droit , élargissement des cas d'ouverture de l'ASS et du RSA etc... les solutions si elles ne brillaient pas par leur originalité ne manquaient pas .
Mais tous se renvoyaient la balle quant à la prise en charge de ces "sans droit" ( soit l’assurance chômage financée par les employeurs et les salariés, soit l’ASS et le RSA financés par la solidarité nationale, autrement dit par l’impôt.)
Un dossier brûlant surtout avant les régionales !
- Restriction budgétaire oblige le gouvernement avait revu le chiffre de 460 000 à la baisse.
D'après lui :
250 000 de ces chômeurs âgés de 26 ans et plus bénéficieraient en 2010 d'un revenu via leur conjoint.
Une partie des jeunes de moins de 25 ans pourrait percevoir le RSA pour la même raison, ou au titre d'un enfant à charge ou de leurs parents
15 000 pourraient bénéficier du RSA jeune cet été.
Pince mi et pince moi sont dans un bateau pince mi tombe à l'eau: qu'est ce qui reste ......145 000 chômeurs en fin de droits sans solution.
Chiffres contestés par les syndicats qui souhaitaient que soient prises en compte les ressources des individus et non celles des ménages. Finalement tous se sont accordés pour travailler sur un chiffre de 360 000 demandeurs d'emploi sans ressources
- Jeudi 15 avril, le Gouvernement et les partenaires sociaux trouvaient un accord destiné à apporter des réponses concrètes aux demandeurs d’emploi en fin de droits à l’assurance chômage.
Le plan prévoit notamment :
170 000 contrats aidés (50 000 contrats initiative emploi et 120 000 contrats d’accompagnement dans l’emploi) destinés en priorité aux publics en difficulté.
70 000 formations de six à huit mois cofinancées par l’Unedic et le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels. - 20 000 formations supplémentaires financées par les régions
- action renforcée de l’ association pour l’ emploi des cadres (Apec) pour 15 000 cadres en fin de droits
- Pour toute personne ne pouvant pas prétendre à l’un de ces dispositifs, une aide exceptionnelle de crise cofinancée par l’Unedic et l’Etat.
Présentée par l'Elysée comme un "filet de sécurité exceptionnel" pour 70.000 à 110.000 personnes pour un coût maximal de 220 millions d'euros , cette aide exceptionnelle pour l'emploi s'élève au même montant que l'allocation spécifique de solidarité (460 euros) pour une durée maximum de 6 mois. Elle n'est versée qu'en bout de course c'est à dire lorsqu'aucun contrat ou formation n'a pu être proposée par Pôle Emploi".
Force est de constater que le nombre de chômeurs qui pourront percevoir cette aide soit entre 70 000 et 110000 personnes repose sur des hypothèses hasardeuses.
Pendant des mois on a assisté à une bataille des chiffres sur le nombre de personnes qui seraient sans revenu après avoir épuisé leurs droits à allocations de chômage.
Selon je journal l'Humanité "Les négociateurs ont estimé que sur le million de départs, 170 000 chômeurs auraient droit à l’allocation de solidarité spécifique (ASS), 220 000 au Revenu de solidarité active (RSA), et 10 000 iraient en préretraite. Ensuite, ils ont défalqué 15 000 bénéficiaires potentiels du RSA jeunes dont l’entrée en vigueur a été avancée à juillet, et environ 50 000 prétendants à l’allocation équivalent retraite (AER) et à l’allocation de formation (AFDEF), rétablies pour 2010. On en est donc à 535 000 personnes sans solution. Et c’est en supposant que 190 000 chômeurs vont retrouver un travail, même de courte durée, dans les six mois, que le chiffre a été ramené à 345 000 chômeurs. "
Maintenant examinons en pratique à la lueur des textes comment cela va se passer :
- Première phase : identification des fins de droits pouvant prétendre à "un parcours d'insertion professionnelle renforcé" proposé par Pôle emploi.
Deux conditions /
- Avoir épuisé ses droits entre le 1.01 et le 31.12.2010
- Ne pas prétendre au bénéfice d'une allocation de solidarité, de quelque nature que ce soit, du revenu de solidarité active versé à titre individuel ou au titre du foyer, du revenu minimum d'insertion versé à titre individuel ou au titre du foyer, de l'allocation de parent isolé ou d'une allocation spécifique d'indemnisation du chômage au titre de la solidarité nationale.
Ce sont donc bien les aides du foyer qui sont prises en compte.
Cette situation va créer de graves inégalités en effet heureux celui qui a un conjoint qui travaille et /ou a des revenus suffisants pour ne pas percevoir ni RSA ni RMI !
Force est de constater que non seulement le parcours renforcé lais l'aide financière exceptionnelle finale n'est pas attribuée à ceux qui ont le plus besoin c'est à dire aux plus pauvres !
- Deuxième phase : envoi d'un courrier par pôle emploi aux intéressés ( à partir du 7 juin normalement )
Dans le document de travail des négociateurs de l'accord, c'est Pôle emploi qui doit calculer chaque mois le nombre de personnes qui n'auront droit à aucun revenu à l'issue de leurs droits à chômage
Pôle emploi a commencé à identifier les bénéficiaires potentiels, qui devraient être automatiquement avisés par courrier "dans les premiers jours de juin". Ils devront retourner un talon-réponse pour bénéficier du plan
Selon le journal le Monde :" Les premiers courriers - 100 000 par mois en moyenne - seront envoyés à partir du 7 juin. Pôle emploi demandera à leurs destinataires de renvoyer leur demande d'ASS ou l'attestation de non-perception du RSA. Un rendez-vous sera pris ensuite, si nécessaire, pour monter les dossiers de contrat aidé, de formation rémunérée ou d'aide exceptionnelle."
Souhaitons que ceux qui ne recevront pas de talon réponse puissent déposer une demande !
ce dispositif laisse de coté les chômeurs qui ont épuisé leur droit avant le 1er janvier 2010 et qui sont en situation dramatique ce que reconnait le secrétaire d'Etat, "il y a des gens arrivés en fin de droits en 2005, 2006, 2007, 2008, etc." et pas concernés.
il se console en ajoutant , "mais c'est la première fois qu'on a un système d'aide aussi massif pour des fins de droits" et "déjà très généreux : on prend les gens à partir du 1er janvier, pas seulement du 1er juin".
Troisième phase : Réception des réponses et vérification par pôle emploi des conditions " financières " ( non perception rsa...)
Les dossiers devraient être examinés "avant et pendant les grandes vacances", précise le Pôle emploi.
Toujours selon le Monde "Compte tenu de ce que sont les délais des différentes institutions parties prenantes à cette opération, ce n'est vraisemblablement qu'à la rentrée, dans le courant du mois de septembre, que le plan Rebond deviendra une réalité concrète pour les chômeurs concernés. Il est quasiment impossible de débuter une formation ou un contrat aidé au mois d'août.
- Quatrième phase : recherche par pôle emploi d' un contrat aidé ou une formation rémunérée
Selon le décret "Pôle emploi propose une formation rémunérée ou un contrat aidé correspondant au projet personnalisé d'accès à l'emploi."
Pôle emploi se dit prêt, malgré un climat tendu avec des conseillers surchargés de travail.
Selon le directeur général, Christian Charpy, le plan est "compliqué" et "constitue une charge d'indemnisation et d'accompagnement non négligeable, mais c'est le moins que nous puissions faire en faveur de concitoyens vivant dans des situations extrêmement difficiles".
De plus, tout n'est pas encore réglé. Les régions se font tirer l'oreille pour financer au total 20 000 places de formation supplémentaires. Selon une source proche du dossier, elles ne seraient que deux à s'être engagées.
Les départements, de leur côté, s'inquiètent de n'avoir aucune visibilité sur le nombre des fin-de-droits susceptibles de bénéficier du RSA. Ils redoutent de voir ce poste de dépenses exploser, sans pouvoir compter sur l'aide de l'Etat.
Déjà les difficultés apparaissent au sein de pôle emploi qui réclame plus de moyens :
FSU et CFTC réclament plus de moyens pour Pôle Emploi afin de mettre en oeuvre les mesures pour les fins de droits.
Pour la FSU aussi, des "renforts en effectifs constants et stables" sont nécessaires.
Pôle Emploi "devra adresser plus d'un million de courriers aux personnes, concernées, engendrant réponses, traitement des courriers et rendez-vous si besoin dans ses services", rappelle le syndicat.
Une préavis de grève a d'ailleurs été lancé à Pôle Emploi pour le 8 juin à l'appel de l'intersyndicale (CGT, SNAP, Snu-FSU et Sud), afin de protester contre les réorganisations en cours et les suppressions de postes.
Conseillers surchargés , période de congés, bref c'est une course cahotique qui commence pour trouver aux interessés une formation ou un contrat aidé !
Par ailleurs les contrats aidés appelés "contrats de rebond ": une innovation de pure forme qui risque de marginaliser les chômeurs !
170 000 contrats aidés annoncés dans le plan.
Ces contrats sont bien connus il s'agit de CIE (50 000) et de CAE (120 000) : des contrats en général à temps partiel, payés au SMIC , non pérennes et ouvrant droit à des allègements de charges sociales et/ou à un financement quasi total du salaire par l’État .
Selon le journal l'Humanité " les 120 000 CAE se font « dans le cadre des moyens déjà budgétés », pour un surcoût de zéro euro !
Pôle emploi va simplement bousculer la file d’attente et réserver ces contrats aux chômeurs en fin de droits, même s’ils ne correspondent pas au public cible. Au risque de marginaliser encore plus les chômeurs les plus en difficulté d’insertion, souligne le syndicat SNU-Pôle emploi.
Quant aux CIE, le gouvernement débloque le financement de 50 000 contrats, mais encore faut-il que les entreprises créent ces emplois"
Des formations "croupion "
Dans un premier temps, les " fins de droit " seront orientés vers les places de formations disponibles achetées par Pôle emploi au titre des outils de formation « Action de formation conventionnée » et Contrat d’accompagnement formation.
25 000 places de formations pourront être mobilisées pour ce public. Ces formations pourront être proposées dans 15 domaines d’activité très différents (transport-logistique, BTP, commerce, information et communication, services à la personne, services aux collectivités….). D’une durée pouvant aller jusqu’à plusieurs mois, offrant l’équivalent du statut de stagiaire de la formation professionnelle, elles se fondent, dans une logique d’alternance, sur des actions de formation aux métiers porteurs. Des actions de remise à niveau sur des savoirs de base sont également possibles dans ce cadre.
Dans un seçond temps de nouveaux moyens seront dégagés . Sur la base d’un bilan de cette première étape, pourrait être lancé un marché public de la formation complémentaire afin d’adapter, le cas échéant, les outils (AFC, CAF, contrat de professionnalisation, Préparation opérationnelle à l’emploi) aux problématiques spécifiques auxquelles pourraient être confrontés les demandeurs d’emploi en fin de droits. Pour cette deuxième étape, serait recherchée la mutualisation des financements entre l’Unedic et le FPSPP pour 45 000 actions de formation.
- Cinquième phase : l'aide exceptionnelle dite "aide exceptionnelle pour l'emploi."
A défaut de bénéficier d'une des mesures prévues ci dessus le demandeur d'emploi peut percevoir une aide exceptionnelle pour l'emploi.
Deux conditions pour en bénéficier:
- l’aide « ne sera attribuée qu’en dernier recours », « à défaut de proposition de mesures actives » (formation ou contrat aidé )
L'intéressé ne devra pas avoir refusé sans motif légitime la formation ou le contrat aidé qui lui sera proposé.
Traduisons : ceux qui refuseront un contrat ou une formation seront écartés de l’allocation, le texte ne précise pas quels sont les motifs légitimes de refus ! ( en clair c'est la porte ouverte à tous les abus : proposition de contrats et /ou de formations inadaptés par rapport au parcours professionnel du chômeur, trop éloignés du domicile , difficultés pour se déplacer etc...).
- le demandeur d'emploi doit respecter un plafond de ressources mensuelles inférieur ou égal à 2 119,60 euros pour une personne seule et à 3 330,80 euros pour une personne vivant en couple.
Les ressources sont déterminées selon les règles définies aux articles R. 5423-2, R. 5423-3, R. 5423-4 et R. 5423-5 du code du travail.
Situation incongrue car on aura des chômeurs sans droit mariés ou en concubinage avec des personnes sans emploi ou travaillant à temps partiel qui percevront donc au titre du couple le RSA et qui se verront écartés du parcours renforcé et de l'aide...
R. 5423-2
"Les ressources prises en considération comprennent l'allocation de solidarité ainsi que les autres ressources de l'intéressé et, le cas échéant, de son conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou concubin, telles qu'elles doivent être déclarées à l'administration fiscale pour le calcul de l'impôt sur le revenu avant déduction des divers abattements. Toutefois ces dispositions ne s'appliquent pas lorsque le conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou concubin du demandeur est dirigeant d'une entreprise entrant dans le champ d'application de l'article 50-0 du code général des impôts.
Le montant pris en compte est le douzième du total des ressources perçues pendant les douze mois précédant celui au cours duquel la demande a été présentée."
Selon les textes ce sont les revenus des 12 mois précédant la demande qui seront pris en compte...
Les situations changent rapidement et les personnes ayant des revenus dans les 12 mois antérieurs peuvent les perdre .... les couples risquent de s'être séparés etc..... pourquoi ne pas prendre les revenus des 3 mois précédant le versement de l'allocation....
On risque de voir naître des situations forts injustes et inadaptées aux besoins des intéressés.
Le montant journalier maximum de l'aide exceptionnelle pour l'emploi est de 15,14 euros.
L'aide est versée par Pôle emploi pendant une durée maximale de 182 jours à compter du jour de l'adhésion du demandeur d'emploi au parcours d'insertion professionnelle renforcé, le cas échéant, jusqu'au jour du début de la formation ou du contrat aidé. La durée de la formation ou du contrat aidé s'impute sur la durée maximale de versement de l'aide.
L'aide est versée sur une période ne pouvant excéder douze mois à compter de la date de la fin des droits à l'assurance chômage. Pour les demandeurs d'emploi qui ont épuisé leurs droits à l'assurance chômage avant le 1er juin, cette période court à compter de cette date.
vous touchez du doigt l'usine à gaz que devront gérer les agents de pôle emploi....
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