Qui n'a pas consulté pendant son temps de travail la méteo , les horaires d'un train ou d'un avion ou même sa banque ...?
La pénétration d'internet au sein des entreprises se développant, son utilisation par les salariés à des fins privées se développe également. ( étude en fin d'article ).
La Cour de Cassation complète sa jurisprudence en la matière par un arrêt du 12 mai 2010 rendu dans une affaire "amusante" sauf pour les protagoniste cela va sans dire.....
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Les faits :
Il était une fois un salarié prénommé Stéphane , manager de son état qui s'amusait pendant son temps de travail à envoyer à un de ses subordonnés prénommé François des courriels en se faisant passer pour....... une femme Irène.....
Le subordonné François qui ne savait pas qu'il échangeait avec son supérieur hiérarchique tomba follement amoureux d' Irène .
En un an sur la période du 13 septembre au 15 octobre 2004 plus de 3 000 messages furent échangés entre Irène et François... les messages démontrent que la fausse Irène qui est en fait Stéphane batifole sur le net durant son temps de travail, et par l'intermédiaire de son poste informatique de travail.
Nous apprenons des pièces du dossier que " Stéphane amène François son subordonné à entretenir une relation amoureuse virtuelle avec « Irène » à se déshabiller et à se « donner » devant la caméra ; que le scénario mis en scène par Stéphane pour tromper son subordonné a été d'autant plus efficace qu'il profitait de la proximité de ses liens professionnels avec François pour recevoir ses confidences et développer ainsi son emprise psychologique......."
François est tellement épris qu'il parlait d'Irène à son manager Stéphane « tous les jours »
Stéphane fait alors mourir « Irène » dans un accident de voiture en janvier 2005 alors que François commençait à chercher activement à remonter la trace de la messagerie d'Irène...
Le pot aux roses ayant été découvert Stéphane alias Irène est licencié pour faute grave c'est à dire sans indemnité ni préavis.
Je ne sais pas ce qu'il advint de François qui a fait preuve d'une naiveté sans borne et qui dans cette affaire n'était pas blanc comme neige !
Quant à Stéphane , notre Casanova du net qui ne manque pas d'air , il a contesté son Licenciement devant le Conseil de Prud'hommes. ( Conseil de Prud'hommes, puis Cour d'appel ont estimé que le licenciement pour faute grave était bien justifié ) ouf.....
Tenace , Stéphane a fait un pourvoi en Cassation au motif qu'un licenciement ne peut être justifié pour des faits relevant de la vie privée du salarié !
La décision de la cour de cassation
" Mais attendu que la cour d'appel, après avoir relevé que le salarié avait, sous des pseudonymes féminins, entretenu pendant plus d'un an avec un de ses subordonnés une correspondance soutenue, avec son ordinateur professionnel et pendant son temps de travail, consistant à le manipuler pour lui faire croire qu'il entretenait une relation amoureuse et sexuelle virtuelle avec successivement deux femmes afin de développer son emprise psychologique sur lui, a pu, sans méconnaître le respect dû à la vie privée du salarié, considérer que ces agissements constitutifs de violence morale justifiaient la rupture immédiate de son contrat de travail et constituaient une faute grave ;
Précisions complémentaires
Au fil des années les tribunaux ont fixé les droits et devoirs du salaré ainsi que les droits et pouvoirs de l’employeur en matière d’envoi de mails pendant le temps de travail.
Trois grands principes se sont dégagés :
- Les tribunaux admettent que le droit au respect de la vie privée du salarié demeure au sein de l’entreprise et tolèrent un usage raisonnable d'internet par le salarié à titre privé – s’appuyant sur les recommandations de la CNIL les tribunaux admettent qu’un salarié puisse utiliser internet à des fins privées et notamment envoyer pendant son temps de travail des mails privés. il doit le faire de manière modérée.
la CNIL considère que toute interdiction absolue d’utilisation à des fins non professionnelles de l’ordinateur, de la messagerie électronique et d’Internet est excessive et qu’un usage raisonnable doit être admis (rapports de la CNIL du 28 mars 2001 et du 5 février 2002).
- C’est sur le terrain de l’abus de droit qu’un licenciement peut être justifié
Les tribunaux jugent au cas par cas en fonction de l'organisation de l'entreprise, de la charte interne " internet " de l'entreprise si elle existe , des fonctions du salarié, du temps passé sur internet à des fins personnelles , etc...
En général la nature d'un site visité à des fins personnelles ne joue que dans la mesure où son contenu est contraire à la loi.
C'est l'usage en soi qui est sanctionné quand il outrepasse la tolérance admise
Le tribunal se doit de vérifier la proportionnalité entre la sanction émise par l'employeur et les faits reprochés au salarié.
C'est ce que rappelle la cour de cassation qui vient de déclarer abusif le licenciement d'un salarié qui avait sur son ordinateur de nombreuses photos pornographiques.
« La seule conservation sur son poste informatique de trois fichiers contenant des photos à caractère pornographique sans caractère délictueux ne constituait pas, en l'absence de constatation d'un usage abusif affectant son travail, un manquement du salarié aux obligations résultant de son contrat susceptible de justifier son licenciement »Cour de cassation 8 décembre 2009, N° 08-42097.
Ce principe a été rappelé par un arrêt de la cour d’appel de DOUAI
Extrait de l'arrêt
« Attendu que, si l’utilisation par le salarié à des fins non professionnelles de l’ordinateur mis à sa disposition par l’employeur peut être admise, sauf disposition contraire du règlement intérieur, dans des limites raisonnables, la Cour constate qu’en l’espèce, cette utilisation par M. N. dépasse manifestement ces limites dans la mesure où l’ensemble des connexions à des fins privées est de plus de 8 heures sur un mois alors même que M. N. passait environ la moitié de son temps de travail dans des interventions extérieures et dès lors que les sites visités sont pour certains d’entre eux des sites de nature pédophile […] dont la consultation est de nature à constituer le cas échéant l’infraction de l’article 227-23 du code pénal, infraction dont l’employeur pourrait être pénalement responsable ;
Que l’ampleur des connexions et leur fréquence étaient de nature à affecter l’accomplissement par le salarié des obligations découlant de son contrat de travail, comme en témoignent les attestations des collègues de M. N. qui font état de sa démotivation et des répercussions qu’elle produisait sur les autres salariés de l’Institut ;"
- l’employeur ne peut pas, sous peine de violer le secret des correspondances, prendre connaissance des messages personnels émis par le salarié et reçus par lui grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail.
Il peut le faire en demandant l’autorisation au juge et l’intervention d’un huissier.
Pour la Cour de cassation, le respect de la vie personnelle du salarié ne constitue pas en lui-même un obstacle à l’application de l’article 145 du nouveau code de procédure civile, dès lors que le juge constate que la mesure qu’il ordonne :
- procède d’un motif légitime,
- est nécessaire à la protection des droits de l’employeur (cass. soc. 23 mai 2007, n° 05-17 818, BC V n° 84).
L’huissier doit conduire sa mission en présence du salarié.
Le principe du secret des correspondances appliqué aux mails privés des salariés doit donc se concilier avec les moyens procéduraux dont dispose l’employeur via l’article 145 du NCPC.
Ce principe a été plusieurs confirmé par la cour de cassation suite à l’arrêt Nikon
Voici un extrait du site droit et internet
« Une salariée utilise la messagerie électronique fournie par son employeur pour échanger des courriers électroniques privés avec une ex-salariée de l’entreprise dans laquelle elle travaille, pendant son temps de travail. Après avoir consulté les messages personnels de ladite salariée, l’employeur décide sa mise à pied disciplinaire.
La Cour d’appel de Besançon, dans un arrêt du 20 novembre 2001, considère que la mise à pied disciplinaire prise à l’encontre de la salariée est justifiée.
La Cour de cassation, dans un arrêt du 12 octobre 2004 reprenant les principes de l’arrêt Nikon, casse l’arrêt de la cour d’appel au visa des articles 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 9 du Code civil, 9 du nouveau Code de procédure civile et L. 120-2 du Code du travail. Elle considère que « le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l’intimité de sa vie privée ; que celle-ci implique en particulier le secret des correspondances ; que l’employeur ne peut dès lors sans violation de cette liberté fondamentale prendre connaissance des messages personnels émis par le salarié et reçus par lui grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail et ceci même au cas où l’employeur aurait interdit une utilisation non professionnelle de l’ordinateur »
Selon la société Olféo, les salariés français passent une heure par jour en moyenne à consulter Internet pour des motifs autres que professionnels.
Selon sa dernière étude : ( téléchargement de l'étude)
- En 2009, le temps passé sur Internet au bureau est de 86 minutes, soit une augmentation de 77% depuis 2004.
- Sur ces 86 minutes, 58 minutes sont à usage non professionnel et 28 minutes à usage professionnel, soit une diminution globale de 4 minutes entre 2008 et 2009.
- L'utilisation non professionnelle du web représente 4 h 48 par semaine soit 12% de moins qu’en 2008 ou 29 jours par an contre 33 en 2007.
- Le temps perdu sur Internet représente aujourd’hui une perte de productivité de 13.8% contre 15.7% en 2008.
- L'utilisation à des fins personnelles d’Internet coûte 2.82 fois le salaire d’un collaborateur par an contre 2 fois en 2008
- Aujourd’hui l’usage incontrôlé d’Internet coûte à l’entreprise en moyenne 5 semaines de congés payés en plus et 2 mois de salaire par an et par employé.
Je cite cette étude à titre purement informatif car la perte de productivité des salariés qui surfent sur le net de manière modérée mériterait un large débat.
Mais ceci est une autre histoire................