Et la correction bordel !*
Il y a un an je relevais dans le courrier international le surprenant jugement d'un tribunal Catalan qui a ordonné la réintégration d'un salarié ayant insulté son employeur.
Selon le tribunal insulter son patron de "fils de p***" lors d’un échange houleux n'était pas suffisant pour justifier un licenciement au motif que "la dégradation sociale du langage fait que les expressions utilisées sont devenues couramment utilisées dans certaines circonstances, notamment lors de disputes".
Voici une décision qui laisse le champ libre à tous les habitués de langage imagé !!!!
Qu'en est il en France lorsque un salarié "dérape " sur le plan verbal tant à l'égard de ses supérieurs hiérarchiques de ses collègues de travail ou de ses subordonnés ?
D'une manière générale , un salarié ne doit exercer aucune violence ni verbale ni physique pendant l'exécution de son contrat de travail. cette obligation relève de la discipline générale de l'entreprise .
Selon la cour de cassation le salarié ne doit pas tenir de propos injurieux ou excessifs à l'égard d'un autre salarié ou de son employeur (cass. soc. 9 novembre 2004, n° 02-45830 D )
Bien plus l'employeur se doit de réagir et prendre toutes les mesures nécessaires lorsque, ces violences verbales sont susceptibles d'affecter la santé physique et mentale des salariés qui sont placés sous son autorité (c. trav. art. L. 4121-1).
Alors attention si vous avez la langue bien déliée le langage vert et facilement outrancier vos excès peuvent entrainer votre licenciement pour faute voir pour faute grave ;
Oui mais ....... le poids des mots et le choc de la sanction seront appréciés différemment par les tribunaux en fonction des circonstances .
En effet un dérapage verbal peut être atténué lorsqu'il constitue un fait isolé, lorsque le salarié répondait à la provocation, ou même lorsque les insultes, les sobriquets ou les propos familiers sont coutumiers dans le milieu professionnel concerné .
Selon un récent arrêt de la cour de cassation cass. soc. 19 janvier 2010, n° 09-40018 le fait de traiter de "petite vérole" son supérieur hiérarchique alors que ce sobriquet péjoratif était employé par toute l'équipe ne constitue pas une faute d'une suffisante gravité rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise....
Vous l'aurez compris dire à un collègue "fils de p....".. sur un chantier ou dans l'arrière cour d'un petit resto n'aura pas la même saveur que dans le bureau feutré d'un directeur de banque........
Un excellent article de Maître Eric Rocheblave, ( Avocat Spécialiste en Droit Social au barreau de Montpellier )publié en juin 2010 sur le site Intelligence RH faisait le point de la situation .
Si vous souhaitez vous divertir en cette journée grise de week -end je vous recommande la lecture de cet article dans lequel Maître Eric Rochelevade donne des exemples très concrets....
- On apprend par exemple que de traiter son boss de rigolo, charlot de première, vieux con, enculé allez vous faire foutre , connard salaud , « mou, froid, hypocrite, pervers, bavard comme une vielle femme et radoteur » constituent ou non selon les tribunaux et les circonstances de fait des motifs légitimes de licenciement.
- Et de citer également un jugement du tribunal de Limoges qui a considéré les propos suivants d'un salarié à son employeur : « sot, personne privée de tact aux méthodes surannées et qui utilise un vocabulaire pitoyable » « morceau de merde, hypocrite, menteur, faux cul impuissant » « longue vie dans le monde des hypocrites » « vous n'avez pas de couilles et était pédéraste » constituaient " à tout le moins une cause réelle et sérieuse de licenciement…
Deux arrêts de la Cour de Cassation et un arrêt de cour d'appel viennent récemment illustrer cette diversité !
Dans ce premier arrêt la Cour de Cassation considère que ne constitue pas une la tenue de agressifs par un salarié envers ses supérieurs hiérarchiques dans un
Il est vrai que dans cette espèce la salarié avait adressé des courriers à la direction qui selon la Cour Cassation " ne comportaient d'un point de vue strictement rédactionnel aucun terme .
En effet le contenu de la lettre que la salariée avait adressée à son directeur de publication induisait clairement que celui-ci liait la parution d'articles aux campagne publicitaires commandées par les sociétés.
Que cette allégation présente manifestement un caractère à l'encontre d'A....., directeur de la publication, mis en cause par sa subordonnée, pour ne pas respecter les règles de déontologie professionnelle des journalistes, alors que dans le même temps une charte déontologique et éditoriale était en cours d'élaboration et que cette charte comportait des dispositions relatives à l'indépendance des journalistes et de la rédaction ;
Décision de la Cour de cassation du 12/07/2010.
Dans ce deuxième arrêt la cour de cassation considère qu'un contexte physiquement éprouvant d'exécution du contrat de travail peut excuser partiellement la tenue de propos agressifs envers un supérieur
Quant à la cour d'appel de Paris dans un arrêt du 3.03.2010 , elle considère qu'une mise à pied de 3 mois avec privation de salaire est une sanction disproportionnée eu égard à la faute d'un facteur qui avait insulté en ces termes sa supérieure hiérarchique: 'Tu me fais chier avec tes demandes d'explications" .
Conclusion avant de vous laisser aller tourner sept fois votre langue dans votre bouche !
*clin d'oeil au film "Et la tendresse ? Bordel !" de 1979 de Patrick Schulmann