Depuis la loi de finance de 2010 les indemnités journalières d’accident du travail versées à partir du 1.01.2010 sont imposables à hauteur de 50 % de leur montant (CGI art. 80 duodecies).
Jusqu’à cette date, les indemnités étaient en totalité exonérées d’impôt sur le revenu.
Dans un précédant billet j'exposais les raisons pour lesquelles soumettre les indemnités journalières à l'impôt sur le revenu constituait non seulement une injustice sociale mais également une négation de la valeur du travail.
En effet :
lorsque le salarié est victime d'un accident du travail la réparation de son préjudice est forfaitaire et limitée.
Sauf le cas de faute de caractère exceptionnel de la part de l'employeur et faute intentionnelle , le salarié ne peut pas le poursuivre dans les conditions de droit commun pour se faire dédommager de son entier préjudice.
La cour de cassation lui dénie la possibilité de saisir le Fonds de Garantie des Victimes d'infractions .
Exonérer d'impôt sur le revenu les indemnités journalières c'est leur reconnaître leur caractère indemnitaire . Ce principe participe à compenser en quelque sorte le fait que le salarié ne puisse pas se retourner contre son employeur et que la réparation de son préjudice ne soit pas entier.
Fiscaliser les indemnités journalières c'est ignorer leur caractère indemnitaire, c'est minimiser la réparation du préjudice subi par le fait ou à l'occasion du travail .
C'est également réduire la responsabilité de l'entreprise et du chef d'entreprise qui détenteur du pouvoir d'organisation du travail et de la discipline interne doit rester le garant de la prévention des risques professionnels.
En fin d'année 2009 le groupe CRC-SPG, proposait d'abroger la mesure de fiscalisation partielle des indemnités journalières versées aux accidentés du travail, adoptée par l'article 85 de la loi de finances pour 2010.
Les articles 2, 3, 4 et 5 proposaient également la réparation intégrale des différents préjudices subis par les accidentés du travail.
la FNATH demandait à l’ensemble des parlementaires de soutenir massivement cette proposition de loi.
"Sondage Ipsos Public Affairs réalisé pour la FNATH entre les 27 et 28 novembre 2009 auprès de 950 personnes selon la méthode des quotas (sexe, âge, profession du chef de famille). Sondage publié dans le journal Le Parisien.
65% des personnes interrogées se sont déclarées opposées à cette fiscalisation. Ce pourcentage monte même à 71% pour les salariés.
Les cadres supérieurs sont autant opposés à cette mesure que les ouvriers (respectivement 71.3% et 71,6%), alors que le pourcentage des personnes opposées montent à 75,1% dans les professions intermédiaires.
63% des salariés se déclarent favorables à ce que les employeurs soient mis à contribution afin d’augmenter les indemnités journalières pour compenser la baisse de pouvoir d’achat induite par cette fiscalisation pour les victimes du travail.
A la dernière question posée par la FNATH sur l’amélioration de la réparation des victimes du travail, 96% des personnes sondées sont favorables à ce que la législation soit modifiée afin de permettre la réparation intégrale des victimes du travail (93,1% chez les sympathisants de l’UMP)"
Le texte était rejeté par le Sénat le 11 février 2010
Le conseil constitutionnel vient de battre en brèche la position du sénat ( et du gouvernement qui avait présenté un avis défavorable au texte ).
Saisi le 10 mai par la Cour de cassation d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), posée par un couple dont la femme avait été victime d'un accident du travail l'ayant laissée tétraplégique, dans une décision du 18 juin 2010 le Conseil vient de juger qu'en cas de faute inexcusable de l'employeur la victime peut demander devant les juridictions de sécurité sociale la réparation de l'intégralité de son préjudice".
". Considérant, en outre, qu'indépendamment de cette majoration, la victime ou, en cas de décès, ses ayants droit peuvent, devant la juridiction de sécurité sociale, demander à l'employeur la réparation de certains chefs de préjudice énumérés par l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale ; qu'en présence d'une faute inexcusable de l'employeur, les dispositions de ce texte ne sauraient toutefois, sans porter une atteinte disproportionnée au droit des victimes d'actes fautifs, faire obstacle à ce que ces mêmes personnes, devant les mêmes juridictions, puissent demander à l'employeur réparation de l'ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale "
Dans un communiqué diffusé le 18 juin, la FNATH s'est félicitée de cette décision qualifiée d'historique" pour les victimes et leurs familles. L'association des accidentés du travail attend "une réaction du gouvernement qui a opposé systématiquement une fin de non recevoir à toutes ses propositions d'amélioration de l'indemnisation des victimes du travail avec le plus grand cynisme" et appelle les parlementaires à présenter une proposition de loi visant à affirmer le principe de la réparation intégrale en cas de faute inexcusable de l'employeur.
Elle veillera à l'application immédiate de ce nouveau principe à toutes les affaires non jugées définitivement à ce jour conformément à la décision du Conseil constitutionnel.
Pour aller plus loin:
Texte n° 194 (2009-2010) de Mme Annie DAVID et plusieurs de ses collègues, déposé au Sénat le 23 décembre 2009
Travaux de commission
Amendements déposés en vue de l'élaboration du texte de la commission
Comptes rendus des réunions de la commission des affaires sociales
Rapport n° 256 (2009-2010) de Mme Annie DAVID, fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 3 février 2010
Séance publique
Compte rendu intégral des débats en séance publique (11 février 2010) - scrutins publics
Texte rejeté par le Sénat le 11 février 2010