Et si nous reparlions de la rupture conventionnelle du contrat de travail ?
Depuis de nombreux mois je ne cesse de dénoncer les risques de détournement et de dévoiement du dispositif de la rupture conventionnelle porté sur les fonts baptismaux par Laurence Parisot .
Aujourd'hui et je ne m'en réjouis pas force est de constater que mes craintes étaient fondées car les chiffres publiés par le ministère du Travail sont inquiétants :
- juin 2010 niveau historique du nombre de ruptures conventionnelles : 24.194 ( 19.502 en mai 2010, 20.293 en avril 2010 et 20.553 en mars 2010)
- soit une hausse du nombre de rupture de 24% sur un an
- plus de 350.000 ruptures conventionnelles ont été validées depuis la mise en place du dispositif
- 70% des salariés ayant signé une convention de rupture conventionnelle n'ont pas d'autre emploi ou solution de rechange et s'inscrivent à Pôle Emploi !
Selon une étude de la DARES cette forme de rupture du contrat de travail est "dans 3 cas sur 4 utilisée par les petits établissements, notamment ceux du commerce.
Au cours du premier semestre 2009, 75% des 80.000 ruptures conventionnelles ont été signées dans les établissements de moins de 50 salariés, alors que ceux-ci représentent moins de la moitié de l'emploi total.
Les +58 ans sont principalement concernés par cette forme de rupture du contrat de travail
Dans le dossier de mai 2010 des Liaisons Sociales intitulé « Les départs anticipés ne battent pas en retraite », où il est question de ces providentielles ruptures conventionnelles – entre guillemets dans le texte – la direction Champagne-Ardenne de Pôle emploi pointe qu'« en 2009, 23 % des chômeurs inscrits à l'issue d'une rupture conventionnelle étaient âgés de cinquante ans et plus alors que, tous motifs d'inscription confondus, les seniors représentent seulement 10 % de la demande d'emploi enregistrée au cours de la même période. »
Dans ces conditions peut- on encore affirmer que les ruptures conventionnelles sont "librement" consenties par les salariés ?
Dans la période de crise que nous connaissons, les cas où les salariés souhaitent quitter volontairement leur emploi parce qu'ils ont un autre emploi en perspective sont rares.
Dans la majorité des cas, la rupture conventionnelle se fait à la demande et sous la pression de l'employeur en lieu et place d'une procédure pour licenciement pour faute ou d'un licenciement économique.
Le professeur Emmanuel Dockès voit dans la rupture conventionnelle « un puissant moyen d'écarter le droit du licenciement». « À la réflexion», dit-il, « cette évolution juridique est peut-être la plus dangereuse de toutes… la rupture conventionnelle pourrait marginaliser la pratique du licenciement à l'ancienne. L'exigence d'une cause réelle et sérieuse deviendrait alors, en pratique, une sorte d'exception, un cas marginal légèrement désuet ».
Dans le même temps, le ministère de l'emploi indique que la part des CDD dans les embauches représente environ 80% des embauches ! soit une augmentation de 10 points en un an au détriment des offres d'emploi en CDI.
L'intérim poursuit également sa progression.