Une jurisprudence qui me laisse perplexe ! arrêt de la cour de cassation du 19.05.2010
Les faits :
Une histoire à trois - un salarié et deux employeurs - DEUX licenciements et voilà un salarié à temps partiel devenant un chômeur à temps plein ! bad romance !
Apprenant qu'un de ses salariés à temps partiel travaillait pour un autre employeur, une entreprise a mis en demeure le salarié de justifier des horaires effectués chez cet autre employeur, afin de s'assurer qu'il n'était pas en infraction avec les dispositions légales sur le cumul d'emplois.
chronologie :
- le salarié travaille au sein de la société I.. depuis 2002 selon un contrat de travail de 15 heures par semaine;
- le 30 novembre 2005, apprenant que son salarié cumulait son emploi avec un autre travail, la société I.. l'a mis en demeure de justifier des horaires effectués chez l'autre employeur;
- le salarié n'ayant pas donné suite à cette mise en demeure, la société I.. l'a mis à pied à titre conservatoire le 9 janvier 2006 et l'a convoqué à un entretien préalable pour le 30 ;
- avant son entretien préalable à licenciement le salarié fait parvenir à la Société I... une attestation de son autre employeur, la société Eurocall, mentionnant qu'il faisait l'objet d'une procédure de licenciement et qu'il était convoqué à cet effet le 30 janvier 2006 à un entretien préalable à licenciement", ce dont il résultait que son contrat de travail avec cette société allait certainement prendre fin dans les jours suivants
- Malgré cette attestation la société I..... licencie le salarié pour faute grave le 2 février 2006.
Le droit et la jurisprudence :
En application du principe de la liberté du travail, un salarié peut être simultanément occupé par plusieurs employeurs à condition de respecter :
- la durée maximale du travail ;
- son obligation de loyauté ;
- éventuellement une clause d’exclusivité insérée dans le contrat de travail.( à condition qu'elle soit licite )
La durée maximale du travail : selon l' art. L. 8261-1 du code du travail , aucun salarié des professions industrielles, commerciales ou artisanales ne peut effectuer des travaux rémunérés relevant de ces professions au-delà de la durée maximale du travail en vigueur dans sa profession
Sont exclus de cette interdiction :
- les travaux d’ordre scientifique, littéraire ou artistique, les concours aux œuvres d’intérêt général, notamment d’enseignement, d’éducation ou de bienfaisance ;
- les travaux accomplis pour le propre compte du salarié ou à titre gratuit sous forme d’une entraide bénévole ;
- les travaux ménagers de peu d’importance chez des particuliers pour leurs besoins personnels ;
- les travaux d’extrême urgence dont l’exécution immédiate est nécessaire pour prévenir des accidents imminents ou organiser des mesures de sauvetage (c. trav. art. L. 8261-3).
Lorsque le salarié ne respecte pas la durée maximale du travail, l’employeur peut le licencier.
Selon une jurisprudence constante , l'employeur doit, , avant d’engager la procédure, mettre en demeure le salarié de choisir l’emploi qu’il souhaite conserver pour mettre fin au cumul irrégulier d’emplois (cass. soc. 10 décembre 2003, n° 01-45826 FD).
Dans l'affaire qui nous préoccupe cette exigence semble appartenir au passé !
En effet , le juge du fond déclare que le licenciement repose sur une faute grave, "fondée sur l'inertie du salarié à justifier de sa situation au regard de la législation sur le cumul d'emplois", peu importe que le salarié n'ait pas été mis en demeure de choisir entre les deux emplois.
Par un arrêt du 19 mai 2010, la Cour de cassation confirme qu'en application des articles L8261-1 et L8261-2 du Code du travail, aucun salarié ne peut accomplir des travaux rémunérés au-delà de la durée maximale du travail telle qu'elle ressort des dispositions légales de sa profession, de sorte qu'un employeur ne peut conserver à son service un salarié qui méconnait cette interdiction.
Une jurisprudence pour le moins étonnante lorsque des millions de salariés sont à temps partiel " non choisi "et qu'ils essaient tant bien que mal de cumuler plusieurs emplois pour se sortir de la pauvreté