Non ! La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) vient de répondre solennellement.
La décision de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE)
Par un arrêt du 28 avril 2011 (affaire n° C‑61/11 PPU), la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), saisie par une cour d’appel italienne, a en effet jugé que le droit européen s’oppose à toute réglementation nationale infligeant une peine d’emprisonnement systématique à un ressortissant étranger en situation irrégulière, au seul motif que celui-ci ne se conforme pas à un ordre de quitter le territoire national.
Selon la Cour, une telle peine serait contraire à la directive européenne du 16 décembre 2008, dite « directive retour », aux termes de laquelle la détention d’un sans-papiers ne pourra être autorisée que s’il existe un risque de rébellion ou de disparition de l’étranger avant son expulsion et si d’autres mesures moins sévères ont échouées (non respect de l’obligation de se présenter régulièrement aux autorités, de déposer une garantie financière, de demeurer dans un lieu particulier …).
Une telle réglementation, poursuit la Cour, en raison notamment de ses conditions et modalités d’application, risquerait de compromettre la réalisation de l’objectif poursuivi par ladite directive, à savoir l’instauration d’une politique efficace d’éloignement et de rapatriement des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier dans le respect des droits fondamentaux.
En clair, la CJUE déclare illégal et contre-productif tout emprisonnement automatique d’un sans-papiers refusant de quitter un pays membre de l’Union européenne.
La réaction du ministère de l’Intérieur
Dans un communiqué de presse publié le 3 mai 2011, le ministère de l’Intérieur affirme que la France n’est pas concernée par cette décision de justice européenne et qu’elle pourra continuer d’incarcérer un étranger en cas de refus d’éloignement car selon ledit ministère, la loi française est différente de la loi italienne en ce que la seconde punit de peine d’emprisonnement le simple fait de rester sur le territoire en séjour irrégulier tandis que la première ne viserait que le refus d’être reconduit à la frontière.
N'en déplaise au ministre de l'Intérieur, une telle affirmation est évidemment fausse. Pour le vérifier, nul besoin d’être un fin juriste, il suffit de lire l’alinéa 1er de l’article L621-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :
« L'étranger qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 211-1 et L. 311-1 ou qui s'est maintenu en France au-delà de la durée autorisée par son visa sera puni d'un emprisonnement d'un an et d'une amende de 3 750 Euros.»
Ou encore l'article L624-1 de ce même code qui dispose explicitement que tout étranger qui se sera soustrait ou qui aura tenté de se soustraire à l'exécution d'une mesure de refus d'entrée en France, d'un arrêté d'expulsion, d'une mesure de reconduite à la frontière ou d'une obligation de quitter le territoire français sera puni d'une peine de trois ans d'emprisonnement.
Les réactions du ministère de la Justice et de la Cour d’appel de Nîmes
La prise de position hâtive du ministère de l’Intérieur a heureusement été tempérée par la circulaire diffusée le 12 mai 2011 par le Ministère de la Justice. Aux termes de celle-ci, la Chancellerie demande aux parquets de ne placer en garde à vue et de ne poursuivre un étranger qu'en cas de "comportements de violence envers les personnes dépositaires de l'autorité publique ou de fraudes avérées (faux documents administratifs) » et de s'attacher à «caractériser un défaut manifeste de coopération dans la phase d'identification se déroulant pendant la rétention administrative ou de résistance à l'exécution de la procédure forcée d'éloignement".
Prenant le contrepied de la position de la place Beauvau, la Cour d’appel de Nîmes a décidé d’appliquer, dès le 6 mai 2011, cette toute nouvelle jurisprudence européenne en annulant la procédure de garde à vue d’un ressortissant tchétchène placé en rétention. D’après mes informations, des arrêts similaires ont également été rendus à Rennes et Toulouse.
Espérons que d’autres juridictions leur emboîteront le pas et que soit enfin redoré le blason d’une France terre d’accueil dont la réputation est depuis quelques années fortement ternie par une politique politicienne de l’immigration aussi populiste qu’inefficace…
Pour en savoir plus, rendez-vous sur http://www.droitissimo.com.