En effet, dans le très touffu et labyrinthique maquis de la législation fiscale, il existe un très sympathique texte dont bon nombre de contribuables malins profitent à bon escient chaque année.
C’est l’article L247 du Livre des procédures fiscales (LPF), bien connu des initiés sous le nom barbare de «recours gracieux» et dont le fisc se garde bien de faire la moindre publicité.
Qui peut bénéficier de l’article L247?
Peuvent bénéficier de l’article L247 du LPF tous ceux qui se trouvent dans l’impossibilité d’honorer leurs dettes à l’égard du Trésor public du fait d’un état de «gêne » (situation embarrassante due au manque d'argent) ou d’un état d’«indigence» (dénuement, détresse, misère, pauvreté).
L’état de gène ou d’indigence peut notamment se justifier dans les cas suivants :
- circonstances exceptionnelles (faillite, chômage, décès du conjoint, divorce, invalidité…) ;
- évènements ayant occasionné des dépenses anormalement élevées (maladie, accident, naissance…) ;
- disproportion entre l'importance de la dette fiscale et le niveau des revenus du contribuable (accumulation de dettes, redressements suite à un contrôle fiscal…).
L'appréciation de cette situation relève toujours d'un examen au cas par cas. L’administration prend en compte l'ensemble des particularités de votre dossier, votre comportement fiscal habituel ainsi que les efforts que vous avez éventuellement déjà entrepris pour vous libérer de vos dettes fiscales.
En pratique, vos capacités réelles de paiement seront appréciées en fonction des éléments suivants :
- l’état de votre patrimoine et celui de votre foyer fiscal ;
- l'ensemble des ressources des personnes vivant sous votre toit ;
- les dépenses indispensables à la vie courante de votre famille : nourriture, santé, assurance, loyer, électricité, gaz, transport...
L’administration vérifie notamment si vos dépenses sont en rapport avec vos ressources ainsi que les raisons pour lesquelles vos dépenses excéderaient vos capacités financières.
Elle tient aussi compte, le cas échéant, de l’importance, de la nature et de l'origine de vos autres dettes, notamment en cas de situation de surendettement.
Attention ! Même si le texte ne le dit pas explicitement, les redevables de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) sont systématiquement exclus du bénéfice de l’article L247, car le fisc estime, à tort ou à raison, qu’ils ne peuvent jamais se trouver dans un état de gêne ou d’indigence.
A quels impôts s’applique l’article L247?
L’article L247 peut s’appliquer aux impôts suivants :
- l’impôt sur le revenu,
- la taxe foncière,
- la taxe d’habitation,
- la contribution à l’audiovisuel public.
Cela peut concerner aussi bien des impôts proprement dits que des pénalités fiscales. A condition toutefois que vous ne les contestiez pas. Dans le cas contraire, il vaudrait mieux engager un recours contentieux pour optimiser vos chances de succès.
Il peut s’agir tant des impôts de l’année en cours que de ceux des années passées, même si les impôts en question ont déjà été payés par méconnaissance de l’article L247.
Comment obtenir le bénéfice de l’article L247?
Pour obtenir le bénéfice de l’article L247, il faut d’abord que vous en fassiez la demande, sinon le fisc ne prendrait jamais l’initiative de vous le proposer.
La demande peut se faire par tous moyens. Toutefois, il est plus prudent de la faire par écrit, en lettre recommandée avec accusé de réception, en précisant les motifs de votre demande et en y joignant les pièces justificatives correspondantes : relevés bancaires, fiches de salaires, justificatif des dépenses, acte de naissance ou de décès… Le tout afin de démontrer au fisc que vous avez bel et bien besoin de son aide sans laquelle il vous serait impossible de surmonter vos difficultés financières…
Votre demande doit en général être adressée au service territorialement compétent (centre des impôts, brigade de vérification…), mais elle peut aussi être transmise à des autorités supérieures (direction départementale ou régionale des impôts, ministère de l’Economie et des Finances, Président de la République…).
En outre, au cas où votre demande est adressée par erreur à un service incompétent, elle ne sera pas considérée comme irrecevable. Celui-ci la transmettra au service compétent et vous avisera de cette transmission.
Conseil d’ami : même si vous vous trouvez réellement dans une grande détresse, ne vous énervez pas et exprimez-vous poliment et gentiment si vous ne voulez pas que votre demande finisse directement dans la corbeille de l’agent des impôts qui l’aura reçue. Ayez toujours à l’esprit que c’est vous qui sollicitez la bienveillance du fisc…
Sous quel délai puis-je espérer une réponse ?
L’administration dispose d’une large liberté pour traiter votre demande. Elle a en principe deux mois pour vous répondre. Le défaut de réponse dans ce délai doit être interprété comme un refus implicite.
Ce délai est porté à quatre mois si votre dossier est particulièrement complexe. L’administration doit, dans ce cas, vous informer de l’allongement du délai de réponse avant la fin du délai de deux mois.
A l'issue de l'examen de votre demande, celle-ci peut donner lieu à :
- soit une décision implicite de rejet, en cas d’absence de réponse dans les délais ;
- soit une décision explicite de rejet ;
- soit une décision de remise totale ou partielle pure et simple ;
- soit une décision de remise totale ou partielle soumise à conditions.
Ainsi, dans ce dernier cas, l’octroi de la remise totale ou partielle peut-il être subordonné, par exemple, au paiement préalable des sommes restant à la charge du demandeur et/ou au dépôt d’une déclaration si le demandeur n’est pas totalement à jour de ses obligations déclaratives.
Puis-je contester la décision du fisc en cas de refus?
En principe, l’administration dispose d’un pouvoir discrétionnaire en matière de recours gracieux.
Ainsi les décisions prises en l’application de l’article L247 ne sont-elles pas nécessairement motivées. En d’autres termes, l’administration n’est pas obligée de vous expliquer les raisons de son refus.
Mais cela ne veut pas dire pour autant qu’elle peut décider n’importe comment!
La décision de rejet total ou partiel, explicite ou implicite, peut en effet faire l’objet d’une contestation par voie de recours amiable auprès du supérieur hiérarchique de l’agent qui a pris la décision de rejet et, le cas échéant, de l’interlocuteur fiscal départemental ou du Défenseur des droits (ex-Médiateur de la République), et en saisissant, le cas échéant, le tribunal administratif, dans le cadre d’un recours contentieux pour excès de pouvoir. Mais veillez, dans tous les cas, à ce que les délais de recours soient bien respectés.
Si vous n’êtes pas friand de procédures contre le fisc, sachez que dans la plupart des cas, vous n’aurez pas à en arriver jusque là. Pour vous en convaincre, il me suffit de vous citer les chiffres officiels de Bercy, déjà cités par d’autres avant moi, qui font état pour l’année 2008 d’un taux de réponse positive de 63% sur un total des 900 000 demandes et d’une remise unitaire moyenne de 970 euros. C’est tentant, n’est-ce pas?
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