Dans le cadre de leur projet de création de société d’exercice ou de restructuration de cette dernière, les Géomètres-Experts (GE) peuvent être amenés à opter pour la forme « par actions simplifiée », en raison notamment de sa grande souplesse juridique, de la protection ou du statut social du dirigeant, des possibilités d’émission d’actions de préférence, d’organisation des modes de gouvernance ou encore de contrôle de la gestion.
Au moment de réaliser un tel projet, ils se trouvent, en pratique, naturellement confrontés à un dilemme « pas toujours simple à résoudre », en l’occurrence, choisir entre la société par actions simplifiée (SAS) « classique » ou la société d’exercice libéral par actions simplifiée (SELAS), déterminer quelle est la forme juridique la plus appropriée en fonction de leurs besoins et objectifs actuels et/ou futurs (eux-mêmes pas toujours simples à circonscrire).
Les Géomètres-Experts peuvent effectivement exercer leur activité professionnelle au sein d’une société de capitaux de droit commun (type SARL/SAS/SA), et non pas uniquement au sein d’une SEL ou d’une SCP, contrairement à d’autres professions règlementées (médecins, biologistes, avocats).
Cette possibilité d’exercer son activité professionnelle libérale sous forme de sociétés de capitaux se retrouve également, parmi les autres professions libérales règlementées, chez les vétérinaires (depuis la loi Dadue du 16 juillet 2013), pharmaciens, experts-comptables et architectes.
Or, s’agissant des Géomètres-Experts, ces deux formes juridiques de sociétés, que sont la SAS et la SELAS, sont encadrées par des législations et règlementations différentes, pouvant ainsi donner lieu à des disparités de fonctionnement en terme de détention du capital, d’administration et de responsabilité professionnelle.
Les SELAS de Géomètres-Experts sont régies par les dispositions de la loi n°90-1258 du 31 décembre 1990, les décrets n° 92-618 du 6 juillet 1992, n° 96-478 du 31 mai 1996, n° 2010-561 du 27 mai 2010 et n°2012-1237 du 6 novembre 2012. Quant aux SAS de Géomètres-Experts, elles sont régies par la loi du 7 mai 1946 (modifiée par la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985). En outre, ces deux formes juridiques sont régies par les dispositions générales du Code de commerce, applicables aux sociétés par actions simplifiée, sous réserve des dérogations prévues par les dispositions spécifiques mentionnées ci-avant, applicables à chacune d’entre elles.
Ainsi, selon les objectifs, besoins et projets futurs (éventuels de développement) des GE associés, il peut être opportun de choisir une forme juridique plutôt qu’une autre.
Le présent article a vocation à exposer, d’un point de vue purement juridique, les différences, les avantages et les limites existantes entre la SELAS et la SAS de Géomètres-Experts, pouvant être pris en considération pour choisir, selon les cas, l’une de ces deux formes juridiques sociétaires d’exercice.
• En ce qui concerne la SELAS de GE
* Les avantages de la SELAS et ses attraits par rapport à la SAS
- Des GE personnes physiques n’exerçant pas leur profession au sein de la SELAS ou des sociétés de GE, dénommés « associés professionnels externes », peuvent détenir plus de la moitié du capital, sous réserve que la majorité des droits de vote soit détenue par des GE y exerçant leur profession, dénommés « associés professionnels internes ». Des GE ou des sociétés de GE peuvent ainsi détenir la majorité du capital d’une SELAS alors même qu’ils n’y exercent pas leur activité.
- Le capital de la SELAS peut être détenu majoritairement par une société de participations financières de professions libérales (SPFPL) de GE, étant rappelé que dans les SPFPL de GE d’autres professions libérales techniques autres que les GE (tels que par exemple les architectes) peuvent être associées dans limite de 49 % du capital - le capital de la SPFPL devant être majoritairement détenu par des GE (n’exerçant pas nécessairement leur profession dans la SEL détenue par la SPFPL).
A la différence, dans une SAS de GE, aucune personne morale (dont une SPFPL) ne peut y être associée.
- Une part du capital demeurant inférieure à la moitié du capital (49 % maximum) d’une SELAS de GE peut être détenue par une ou plusieurs personnes physiques (comme dans les SAS) et/ou morales (contrairement aux SAS) n’exerçant pas la profession de GE.
La SELAS est donc susceptible d’être la forme juridique la plus appropriée, si les GE envisagent ou souhaitent se réserver, dans le futur :
* la possibilité d’intégrer dans le capital de leur structure d’exercice des investisseurs extérieurs, personnes morales (SEL ou SPFPL de GE, sociétés non professionnelles), de créer des participations croisées, un groupe de sociétés, de filialiser des activités ou de favoriser un essaimage de leur entreprise.
* la possibilité de refinancer leur outil de travail, en cours de vie professionnelle, grâce à la transmission de ce dernier au profit d’une SPFPL (opération dite d’OBO (owner-buy-out)), soit de transformer ainsi le capital professionnel en liquidités. Ce type d’opération permet notamment de sécuriser sa situation patrimoniale professionnelle, de réaliser des investissements privés ou encore, comme c’est souvent le cas en pratique, d’intégrer indirectement au capital de la structure d’exercice des jeunes professionnels, à faible coût pour ces derniers (grâce notamment à la déduction des intérêts d'emprunt, aux bénéfices du règime mère-fille, de l'intégration fiscale et du régime IS, permettant une optimisation du financement de plus de 20 %).
* ou encore veulent favoriser la transmission de leur outil professionnel, dans la perspective d’un départ en retraite ou d’une cessation d’activité.
* Les limites de la SELAS par rapport à la SAS
- La loi interdit la détention directe ou indirecte du capital d’une SELAS aux personnes exerçant une activité dans les domaines de l'aménagement, de la construction, des travaux publics, de la gestion ou de l'exploitation de services publics ou de l'information géographique, ainsi qu’aux collectivités publiques et à leurs groupements, aux établissements publics et aux sociétés d'économie mixte.
- La responsabilité civile professionnelle individuelle (RCP) de chaque associé peut être mise en cause en cas de faute commise dans le cadre de l’activité professionnelle exercée au sein de la SELAS, avec une solidarité de la société. Chaque associé professionnel interne, répondant ainsi sur l’ensemble de son patrimoine des actes professionnels qu’il accomplit au sein de la SELAS, est dans l’obligation de souscrire personnellement une assurance RCP. Tandis que dans une SAS de GE, seule cette dernière est civilement responsable des actes professionnels accomplis pour son compte par l’intermédiaire de ses associés et se trouve dans l’obligation de souscrire une assurance RCP lui garantissant les conséquences de ceux-ci.
• En ce qui concerne la SAS de GE
* Les avantages de la SAS par rapport à la SELAS
- Plus de la moitié des droits de vote de la SAS peut être détenue par des GE n’y exerçant pas leur profession dits « externes ». Le pouvoir décisionnel dévolu aux associés peut être ainsi détenu dans une SAS par des professionnels externes, ce qui n’est pas admis en SELAS (comme indiqué ci-avant). Etant toutefois rappelé qu’aucune personne exerçant légalement la profession de GE ne peut être associée majoritaire de plusieurs sociétés de GE. Dès lors, un GE pourrait être associé minoritaire professionnel interne d’une SELAS ou SAS, tout en étant associé majoritaire non exerçant d’une SAS.
- Il est possible dans une SAS d’avoir des mandataires sociaux non GE, mais sous réserve qu’au moins la moitié des dirigeants de la SAS concernée soit composée de GE (sans pour autant qu’il soit exigé pour ces derniers qu’ils soient associés de la SAS). Tandis qu’en SELAS, tous les mandataires sociaux (Président, DG, DGD) doivent obligatoirement être des associés GE y exerçant leur profession. Des GE externes, des GE non associés, ou encore des non GE peuvent ainsi être dirigeants de SAS de GE ce qui n’est pas autorisé en SELAS.
* L’inconvénient principal de la SAS par rapport à la SELAS
- Seules des personnes physiques peuvent être associées au capital d’une SAS de GE (comme dans une SCP), limitation qui au demeurant n’existe pas en SELAS.
Sur le plan social, le traitement des GE dirigeants associés (rémunérations et dividendes), étant identique selon qu’ils exercent leur activité professionnelle en SAS ou en SELAS, n’est pas déterminant du choix de la forme juridique. Même si le statut TNS (au titre de l’activité libérale pour l’exercice des fonctions techniques) et/ou de salarié (pour l’exercice du mandat social) pour les associés dirigeants de SELAS, entériné par les juges et confirmé par la Circulaire ACOSS n°2010-001 du 4 janvier 2010, n’a pas été expressément étendu aux professionnels libéraux exerçant leur activité en qualité d’associé dirigeant dans le cadre de SAS, ces derniers, étant présumés comme les associés de SELAS exercer leur art de manière indépendante, devraient être en droit de se prévaloir de ces mêmes principes.
En tout état de cause, le choix, qui pourrait être opéré entre ces deux formes juridiques de sociétés, n’est absolument pas rédhibitoire. En cas de projet de changement d’organisation, de mode de direction, d’objectifs de développement ou encore de besoins financiers, une transformation de la SAS en SELAS (ou inversement) demeure toujours possible, opération nécessitant l’intervention d’un juriste (Etablissement d’un PV d’AGE de décision de transformation de forme juridique, rédaction de nouveaux statuts, relations avec le CROGE, publicité, formalités greffe).
Si vous souhaitez en savoir plus sur ce sujet ou échanger avec moi autour du droit des professions libérales, n'hésitez pas à me contacter via mon site web : avocat SEL, SELARL, professions libérales à Lyon.
Le 23 février 2015