L’Equality Act 2010 est le texte législatif britannique qui définit les 9 types de caractéristiques protégées contre toute discrimination: âge, handicap, changement de sexe, mariage et partenariat civil, grossesse et maternité, ethnie, religion ou croyance, sexe et orientation sexuelle. Toute discrimination (directe ou indirecte) fondée sur ces caractéristiques est donc illégale.
Alors que bon nombre de ces caractéristiques protégées peuvent être visiblement établies (grossesse, race, sexe, âge, certains handicaps), certaines ne le sont pas – comme les croyances. Il existe beaucoup de jurisprudence sur la distinction entre les croyances non religieuses qui sont protégées par l'Equality Act, et celles qui ne le sont pas. Notez que cette loi prévoit qu’une croyance comprend également une absence de croyance.
Dans Grainger plc et autres v Nicholson, l'Employment Appeal Tribunal (EAT) a donné des indications sur la définition de la croyance philosophique (ou non religieuse), disant qu'une telle croyance:
• Doit être véritablement tenue;
• Ne doit pas être une opinion ou un point de vue;
• Doit concerner un aspect important et substantiel de la vie et du comportement humain;
• Doit atteindre un certain niveau de conviction, de sérieux, de cohésion et d'importance;
• Doit être digne d’être reconnue dans une société démocratique, ne pas être incompatible avec la dignité humaine et ne pas entrer en conflit avec les droits fondamentaux d'autrui;
• Doit avoir un statut ou une force probante similaire à une croyance religieuse; et
• N'a pas besoin d'être partagé par d'autres.
L'EAT a confirmé que l'adhésion à un parti politique ne constitue pas en soi une croyance philosophique, alors qu’une croyance en une doctrine ou une philosophie politique pourrait satisfaire cette définition.
Il existe pléthore de jurisprudence sur ce qui constitue ou non une croyance politique selon l’Equality Act. Par exemple, un tribunal a jugé que les croyances marxistes n'étaient pas protégées mais un autre tribunal a conclu que le socialisme démocratique devait bénéficier de cette protection. De même, dans Baggs v Fudge, un employé a soutenu que l'appartenance au British National Party (BNP) équivalait à une croyance mais sans succès. Un autre tribunal dans une affaire ultérieure a estimé que le nationalisme britannique n'impliquait pas un système de croyances défini et ne pouvait donc pas être une croyance philosophique. Dans Grainger, l'EAT a constaté qu'une croyance au changement climatique pouvait potentiellement être une croyance philosophique.
En octobre 2019, dans l'affaire Grey v Mulberry Company (Design) Limited, la Cour d'appel a jugé qu'une croyance en l'inviolabilité du droit d'auteur n'était pas une croyance protégée. Dans ce cas, une employée avait été invitée à céder à son employeur le droit d'auteur sur toutes les œuvres qu'elle avait créées au cours de son emploi (ce qui est souvent le cas dans les rôles créatifs). L'employée a refusé, a été licenciée et a déposé une plainte pour discrimination au motif qu'elle croyait au droit moral de posséder le droit d'auteur sur ses propres créations. La décision de la Cour d'appel a pris en compte le fait que l'employée était en fait davantage préoccupée par le phrasé de la clause en question, qui, selon elle, ne protégeait pas suffisamment ses intérêts, et a estimé qu'il s'agissait d'une préoccupation quant au phrasé plutôt qu'une véritable croyance.
La distinction entre une croyance protégée et une croyance qui ne l'est pas est encore plus compliquée lorsqu'il s’agit de choix quant aux modes de vie, plutôt que de choix politiques.
Un tribunal a déjà conclu qu'une croyance quant au caractère sacré de la vie (en particulier, les croyances anti-chasse) équivalait à une croyance philosophique.
Récemment, dans Conisbee v Crossley Farms Ltd, le demandeur a allégué qu'il faisait l'objet d'une discrimination parce qu'il était végétarien. Le tribunal a tenu une audience préliminaire pour déterminer si le végétarisme entrait dans la définition d'une croyance philosophique. Le tribunal a conclu que le végétarisme ne constituait pas une croyance philosophique, au motif qu'une croyance relative à un aspect important de la vie ou du comportement humain n'était pas suffisante en soi pour que le végétarisme ait un statut ou une force probante similaire à une croyance religieuse. Il n'était pas contesté que l'employé croyait sincèrement au végétarisme mais le tribunal a conclu que cette croyance n'était pas liée à un aspect assez important de la vie et du comportement humains. Une partie de la décision du tribunal semblait également reposer sur le fait que, bien qu'il existe de nombreux végétariens à travers le monde, aucune croyance commune ne sous-tend les raisons pour lesquelles ceux-ci deviennent végétarien: cela peut être pour des raisons de santé, d'alimentation, de religion, de coût, de souci du bien-être animal ou par préférence personnelle.
Dans Conisbee, le tribunal établit explicitement une distinction entre le végétarisme et le véganisme, laissant la porte ouverte à un autre tribunal pour constater qu'il existe un ensemble suffisamment cohérent de croyances qui sous-tendent le véganisme pour qu'il constitue une croyance philosophique.
Ce point exact a été examiné par un tribunal dans l'affaire Casamitjana v League Against Cruel Sports récemment. Dans ce dossier, le tribunal a reconnu que si les végétariens le sont pour différentes raisons, il y a généralement une seule croyance qui sous-tend le véganisme – à savoir le bien-être animal. Ainsi, le véganisme « éthique » est bien une croyance protégée selon l’Equality Act 2010, et les personnes adhérant à cette croyance pourront porter plainte pour toute discrimination fondée sur celle-ci.
La décision du tribunal dans Casamitjana reste une décision de première instance ; il se peut que la partie adverse fasse appel sur ce point, ou qu’une décision ultérieure change cette jurisprudence. Il sera donc intéressant de voir si cette question est revisitée.
Note : Ces quelques développements de portée générale ne sauraient constituer un conseil juridique. Nous vous invitons à nous consulter sur ces questions pour de plus amples précisions et pour des réponses spécifiquement adaptées à votre situation.
© Miller Rosenfalck LLP, Mars 2020
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