En pratique, le Pacte Dutreil permet au donataire, à l’héritier, ou au légataire, de bénéficier d’une exonération de 75% des droits de mutation (sans limitation de montant), lors de la transmission à titre gratuit des titres d’une société opérationnelle.
Il s'ensuit qu'en cas d’acquisition de titres d’une société familiale, - par voie de donation ou de succession -, seule 25% de la valeur de ces titres est soumise aux droits de mutation à titre gratuit.
Le Pacte Dutreil permet ainsi de bénéficier d’une substantielle économie fiscale lors de la transmission des titres d’une société.
A noter qu'il existe un dispositif similaire en cas de cession d'une entreprise individuelle familiale (article 787 C du code général des impôts).
1) Les conditions à respecter pour bénéficier du dispositif Dutreil en cas de cession des titres d'une société familiale
Tout d’abord, la société, - dont les parts sociales ou actions sont cédées -, doit exercer une activité opérationnelle, c’est-à-dire une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole.
Dans sa documentation administrative (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10), l’administration fiscale exige que le caractère opérationnel de l’activité soit maintenu durant toute la période de l’engagement de conservation des titres transmis.
Toutefois, la Cour de cassation a récemment adopté une position plus nuancée dans le cas d’une société holding (Cass. 1ère civ., 25 mai 2022, n° 19-25.513).
En second lieu, si la société dont les titres sont transmis n’est pas cotée, les signataires du Pacte Dutreil doivent s’engager à conserver pendant au moins deux ans, - à compter de l’enregistrement de l’acte de transmission (ou de la date de l’acte si celui-ci revêt une forme authentique) -, au moins 17% des droits financiers et 34% des droits de vote de la société (respectivement 10% et 20% si la société est cotée).
A noter que l’associé d’une société unipersonnelle peut prendre seul un engagement collectif de conservation (il s’agit alors d’un engagement unilatéral de conservation), à la fois pour lui-même, mais également pour ses ayants cause à titre gratuit.
En troisième lieu, si la société est soumise à l’impôt sur les sociétés, l’une des fonctions de direction, énumérée à l'article 975, III-1-1° du code général des impôts, doit être exercée par un signataire pendant toute la période de l’engagement collectif de conservation (sauf en cas d’engagement réputé acquis), et pendant trois ans à compter de la transmission à titre gratuit.
Si la société n’est pas soumise à l’impôt sur les sociétés, c’est « l’activité principale » qui doit être exercée au sein de la société.
A noter que l’engagement est réputé acquis, lorsque les seuils de détention du capital social et des droits de vote sont remplis, ainsi que l’exercice de la fonction de direction (ou de l’activité principale), avant la conclusion du Pacte Dutreil.
En cas d’engagement réputé acquis, les donataires ou les héritiers n’ont pas l’obligation de respecter l’engagement collectif de deux ans. Ils entrent en effet directement dans la phase de l’engagement individuel de conservation de quatre ans (cf. infra).
A noter qu’en cas de décès du chef d’entreprise, si aucun engagement de conservation n’avait été pris avant la transmission des parts sociales ou actions par voie de succession, il serait alors possible pour un ou plusieurs héritier(s) ou légataire(s) de conclure un engagement "post mortem" dans les six mois du décès.
Il conviendrait dans ce cas de respecter à la fois l’engagement collectif de conservation de deux ans, ainsi que l’engagement individuel de conservation de quatre ans (cf. infra).
En quatrième lieu, une fois la transmission des parts sociales ou actions réalisées, les héritiers, donataires ou légataires, sont tenus de souscrire un engagement individuel de conservation des titres pendant une durée minimale de quatre ans.
Cet engagement est pris dans la déclaration de succession ou dans l’acte de donation.
Cet engagement court à compter de l’expiration de l’engagement collectif de deux ans (ou à compter de la date de la transmission à titre gratuit en cas d’engagement réputé acquis).
Si la société est soumise à l’impôt sur les sociétés, l’un des signataires du Pacte Dutreil doit exercer l’une des fonctions de direction énumérée à l’article 975, III-1-1° du code général des impôts, pendant trois années à compter de la transmission à titre gratuit des parts sociales ou des actions de la société.
C’est « l’activité principale » qui doit être exercée, si la société n’est pas soumise à l’impôt sur les sociétés.
Si l’engagement individuel ou collectif de conservation n’est pas respecté, cela entraine la remise en cause de l’exonération partielle de 75% des droits de mutation à titre gratuit.
C’est le cas notamment si les seuils de détention cessent d’être respectés durant la durée de l’engagement de conservation.
En cas de remise en cause, les signataires du Pacte devront verser au Trésor Public la part des droits de mutation à titre gratuit non acquittée, ainsi que d’éventuels intérêts de retard.
2) Les obligations déclaratives pour bénéficier du dispositif Dutreil
Des obligations déclaratives doivent être respectées, afin d’éviter une remise en cause de l’exonération partielle de 75% des droits de mutation à titre gratuit.
Au moment de la transmission à titre gratuit des parts sociales ou des actions concernées, la société doit délivrer une attestation certifiant que les seuils de conservation précités (en droit financier et en droit de vote) ont bien été respectés à cette date. L’attestation mentionne également que l’engagement de conservation est en cours au moment de la transmission à titre gratuit.
L’acte de donation, ou la déclaration de succession, doit annexer la copie de cette attestation, ainsi que l’acte constatant l’engagement collectif de conservation des titres.
A noter que la société n’est pas tenue de fournir une attestation annuelle qui certifierait le respect de l’engagement de conservation.
En revanche, elle doit communiquer une attestation aux signataires du Pacte Dutreil s’ils en font la demande.
Cette attestation certifie que l’ensemble des conditions du Pacte Dutreil ont été respectées depuis la date de la cession à titre gratuit des titres.
Il sera fait observer qu’en cas de demande de l’administration fiscale, l’héritier, le donataire, ou le légataire, doit fournir cette attestation dans un délai de trois mois.
Lorsque l’engagement individuel de conservation de quatre ans prend fin, une attestation doit être adressée à l’administration fiscale qui certifie que les conditions d’application du Pacte Dutreil ont été respectés jusqu’au bout. Cette obligation déclarative pèse sur les héritiers, légataires ou donataires, signataires de l’engagement de conservation.
Il convient donc de faire très attention de bien respecter toutes les conditions requises lors de la conclusion d’un Pacte Dutreil, afin d’éviter toute remise en cause de l’exonération partielle de 75%.
A cet égard, il est vivement recommandé de se faire accompagner par un avocat fiscaliste, pour réaliser sereinement, - et dans les meilleures conditions possibles -, la transmission à titre gratuit des titres de sa société à ses enfants.
Si vous souhaitez en savoir plus sur ce sujet, n'hésitez pas à consulter cet article sur le Pacte Dutreil, ou à visionner cette vidéo qui fournit des informations utiles.