Question n° 1 : Existe-t-il au Maroc un cadre juridique protecteur du cyber-consommateur ?
Réponse : Il va sans dire que les consommateurs sont de plus en plus nombreux à réaliser des achats en ligne sur divers sites marchands.
Conscients du fait qu’une protection juridique des cyberconsommateurs est à même de renforcer la confiance de ces derniers et faciliter leur adhésion au commerce électronique, le Maroc à mis en place un cadre juridique protecteur. On peut citer à cet égard la loi 53-05 sur l’échange électronique de données juridiques, la loi 09-08 sur la protection des personnes physiques contre les utilisations abusives de leurs données personnelles et surtout la loi 31-08 sur la protection du consommateur.
Question n° 2 : Toujours en matiere de protection du cyberconsommateur, qu’est-ce que vous pouvez nous dire sur les conditions générales de vente / d’utilisation figurants sur les sites marchands ?
Réponse : Vue les spécificités du commerce électronique ( Dématérialisation des échanges, éloignement des parties, internationalité… ) les contrats de vente ne font pas l’objet de négociations et sont rédigés et postés sur le site marchand sous forme de conditions générales de vente / d’utilisation (CGV/U ) applicables à l’ensemble des clients.
Ces dernières tracent le cadre juridique à la relation entre cybervendeurs et cyberacheteurs en fixant les responsabilités de chacune des parties.
Par conséquent, les dites CGV doivent respecter les exigences légales en matière de contrats à distance (loi 31-08) et de contrats de commerce électronique (loi 53-05).
Cela veut dire que la rédaction de ces conditions implique l’intervention d’un professionnel spécialisé dans le droit électronique.
Or, selon l’étude que nous avons effectuée au sein du Centre Marocain des Etudes sur l’Economie Numérique (CMEEN), 90% des sites marchands marocains reproduisent à l’identique les CGV de sites concurrents voire même de sites étrangers qui n’ont rien à voir avec la législation marocaine en la matière.
Par ailleurs nous avons constaté que les CGV sont souvent longues et utilisent une terminologie technique et juridique qui n’est pas forcément compréhensible pour le cyberconsommateur moyen.
Bref, le dispositif juridique visant la protection des cyberconsommateurs n’est absolument pas prises en considération par les cybermarchands au moment de la rédaction de leurs CGV. Ledit dispositif juridique prévoit entre autres une obligation d’information préalable des cyberclients, un droit de rétractation octroyé à ces derniers et un mécanisme juridique de lutte contre les clauses abusives.
Question n° 3 : A quoi consiste au juste cette fameuse obligation d’information préalable ?
Réponse : Par le truchement de la loi 31-08 précitée, le législateur à imposé aux cybervendeurs une obligation d’information préalable de leurs cyberclients.
Plus précisément, avant la conclusion du cybercontrat, l’e-commerçant doit informer le cyberacheteur sur son identité, sur les caractéristiques du produit ou service, sur les caractéristiques de l’offre elle-même et surtout sur les modalités de conclusion du contrat qui, on le sait maintenant, se conclut à distance et par des moyens électroniques qui sont le plus souvent difficilement maitrisables par les cyberconsommateurs.
Par ailleurs, ces informations doivent être communiquées au cyberconsommateur de manière claire et compréhensible, par tout moyen adapté à la technique de communication à distance utilisée.
Concrètement, les sites marchands sont donc invités à fournir les informations préalables à la conclusion du contrat de vente par un lien hypertexte placé sur la page de l’offre qui renverra l’internaute aux CGV.
Il faut également préciser que le cyberconsommateur devra par la suite recevoir par écrit, ou sur tout autre support durable, confirmation des informations précitées. Cette exigence sera considérée comme accomplie par l’envoi d’un simple e-mail stocké sur le disque dur de l’ordinateur du cyberconsommateur.
Question n° 4 : Mais comment cette obligation d’information préalable est-elle respectée dans le commerce électronique par Mobile ?
Réponse : Précisons d’abord que selon les statistiques de l’ANRT, le nombre de mobinautes au Maroc dépasse largement celui des internautes.
Par ailleurs, l’arrivé de la 4G, l’explosion des ventes de Smartphones et des tablettes, le m-commerce (pour commerce sur mobile) ne tardera pas à devenir le commerce électronique de demain.
Bien évidemment, l’obligation d’information précitée s’applique aussi au commerce par téléphones portables.
Toutefois, la multiplication d’informations à afficher par le cybervendeur pose des problèmes pratiques considérables dans le cas du commerce par téléphonie mobile car les portables ne sont pas conçus pour afficher autant de données à l’écran.
Sur ce chef, déjà certains pays ont amendé leurs législations afin de préciser les modalités de transmission des informations et conditions contractuelles lorsqu’il est fait usage d’équipements terminaux de radiocommunication mobile.
Il est alors temps pour le législateur marocain de faire évoluer les textes juridiques en la matière pour tenir compte de cette nouvelle réalité.
Question n° 5 : Vous avez dit que le cyberconsommateur dispose d’un droit de rétractation ?
Réponse : Précisons d’abord que le droit de rétractation est l’une des pièces maitresses du dispositif de protection du cyberconsommateur contactant à distance par voie électronique.
Il est clair que les contrats de commerce électronique se concluent sans la présence physique des parties. Cela veut dire que le cyberconsommateur achète sur internet sans avoir la possibilité d’apprécier le produit ou le service objet du contrat.
C’est la raison pour laquelle le législateur lui à accordé un droit de rétractation, c'est-à-dire la possibilité de revenir sur sa décision d’achat.
En effet, le cyberconsommateur dispose d’un délai de 7 jours pour exercer ce droit d’une manière discrétionnaire et sans justifications.
Or, la plus part des sites marchands au Maroc mettent des limites à l’exercice de ce droit et même lorsqu’ils le prévoient, le cyberconsommateur trouve des difficultés à entrer en contact avec le cybervendeur faute d’identification de ce dernier comme l’impose la loi.
Question n° 6 : Qu’en est – il des clauses abusives ?
Réponse : Nous avons vu auparavant que les CGV dans le e-commerce sont rédigées unilatéralement par le cybervendeur sans possibilité de négociation aucune du cyberacheteur.
Cela explique pourquoi les CGV dans ce domaine sont pleines de clauses abusives ou même illicites qui sont de nature à créer un climat de méfiance à l’égard du e-commerce.
C’est pourquoi le législateur à prévu des dispositions juridiques protectrices du cyberconsommateur en cette matière. En effet, de par la loi le cyberconsommateur peut demander l’annulation de toute clause abusive du moment où elle porte atteinte à ses intérêts.
Par conséquent, la clause jugée abusive est réputée non écrite et ne peut par conséquent pas lui être opposée.
Question n° 7 : les sites marchands marocains respectent- ils toutes ces exigences légales ?
Réponse : Beaucoup de gens considèrent à tort qu’il existe un vide juridique en ce qui concerne le commerce électronique d’une manière générale et la protection du cyberconsommateur en particulier.
Le droit applicable en la matière et peut être encore incomplet, mais il existe et se développe continuellement.
Or, les sites marchands au Maroc ne respectent absolument pas cette exigence et nous pouvons même dire sans risque de se tromper qu’ils ignorent dans leur quasi-totalité l’existence de cet arsenal juridique.
Question n° 8 : Dernier mot ?
Réponse : Il va sans dire que les consommateurs ont besoin d’associations qui défendent leur intérêt, or nous avons relevé l’absence au Maroc d’associations spécialisées dans la défense des intérêts des cyberconsommateurs.
Il est alors temps de créer des associations de ce genre dotées de ressources humaines spécialisées dans le domaine du droit électronique afin de défendre cette nouvelle couche de consommateurs en développement continu.
Seule une prise de conscience à ce niveau est à même de permettre d’instaurer la confiance des cyberconsommateurs en le commerce électronique et permettre à ce dernier de se développer dans les conditions les plus bonnes.
Docteur Fouad BENSEGHIR
Expert en Droit Electronique