Les caméras implantées dans certaines entreprises et l’utilisation des nouvelles technologies sont autant de modes de surveillance de l’activité des salariés.
Peuvent-ils librement servir à un employeur pour sanctionner un salarié ? Et plus largement, l’employeur peut-il utiliser tout mode de preuve, y compris une filature ou le recours à un stratagème, pour parvenir à ses fins ?
Depuis plus de vingt ans, la jurisprudence apporte une réponse jamais démentie : l'employeur a le droit de contrôler et de surveiller l'activité de ses salariés pendant le temps du travail, mais tout enregistrement, quels qu'en soient les motifs, d'images ou de paroles à l’insu des salariés constitue un mode de preuve illicite (arrêt Néocel, 20 nov. 1991, n° 88-43120).
La première affirmation, guère surprenante, prévoit que l’employeur a le droit de contrôler et de surveiller l’activité des salariés placés sous sa subordination.
Dans ce cadre, il s’est ainsi vu reconnaitre la faculté de vérifier le relevé des communications téléphoniques de salariés, qui lui avait été fourni par l’opérateur téléphonique, et de sanctionner les éventuels abus (Cass. soc 15 mai 2001, n° 99-42937).
En revanche, tant l’enregistrement d’images ou de paroles, que la mise en œuvre d’un dispositif clandestin ou celle d’un stratagème qui n’auraient pas été portés à la connaissance des intéressés, constituent des modes de preuve déloyaux et illicites.
Voici quelques illustrations qui condamnent de telles pratiques.
La plus récente concerne une factrice de la Poste, licenciée pour faute grave, pour avoir ouvert une lettre. La salariée avait été piégée par l’introduction de lettres piégées ayant la particularité de diffuser une encre bleue après leur ouverture. L’employeur avait agi ainsi alors que lui avait été signalé un nombre important de lettres ouvertes dans le centre de tri auquel était rattachée la préposée. Les hauts magistrats réprouvent la mise en œuvre de ce dispositif clandestin, et à ce titre déloyal, de sorte que le licenciement est injustifié (Cass. soc 4 juillet 2012, n° 11-30266).
Il avait précédemment été jugé que la filature faite par un supérieur hiérarchique, qui soupçonnait des faits de concurrence déloyale, constitue également un mode de preuve illicite et disproportionné, notamment en raison de l’atteinte qu’il porte à la vie privée du salarié (Cass. soc. 26 nov. 2002, n° 00-42401), quand bien même les faits litigieux seraient d’une particulière gravité.
Dans un registre identique, afin de confondre un salarié qui assurait le service dans le restaurant de son épouse, en partie pendant son temps de travail, un employeur avait demandé à des cadres de l'entreprise d'aller y prendre leur repas, en leur fournissant des photographies de l'intéressé, afin qu’ils établissent un rapport après s’être fait passer pour des clients.
Ce dispositif de surveillance clandestin a été jugé déloyal (Cass. soc 18 mars 2008, n° 06-45093).
La jurisprudence place donc la déloyauté de l’employeur au cœur des débats afin de circonscrire les modes de preuve admissibles.
http://www.francmuller-avocat.com/