Aux termes de l'article 233 du Code civil, issu de la Loi n° 2004-439 du 26 mai 2004, "Le divorce peut être demandé par l'un ou l'autre des époux ou par les deux lorsqu'ils acceptent le principe de la rupture du mariage sans considération des faits à l'origine de celle-ci".
L'alinéa 2 ajoute : "Cette acceptation n'est pas susceptible de rétractation, même par la voie de l'appel".
Avant de s'intéresser à la portée de l'appel en matière de divorce accepté, nous en rappelerons brièvement la notion.
1°) Le divorce accepté dans la loi du 26 mai 2004.
a) Le principe du divorce accepté.
Ce type de divorce, désormais dénommé "divorce pour acceptation du principe de la rupture" ou encore "divorce accepté", est utilisé lorsque les époux sont d'accord pour divorcer mais ne parviennent pas à s'entendre sur les conséquences de la séparation.
Ce divorce diffère du divorce par consentement mutuel en ce que la dimension contentieuse demeure. En effet, il reviendra au juge de statuer sur les conséquences de la rupture.
Le juge n'exerce pas de controle sur les motifs de la rupture mais doit s'assurer que chacun des époux a donné librement son consentement (art. 234 du Code civil). C'est pourquoi chacun d'eux devra être assisté par un avocat (art. 253 du Code civil).
b) L'acceptation.
L'acceptation réciproque peut intervenir lors de l'audience de conciliation (art. 257-1 du Code civil). Dans cette hypothèse, le juge aux affaires familiales en dresse le procès-verbal et l'annexe à son ordonnance après l'avoir fait signé par les époux et leurs avocats respectifs. Dès lors, l'instance ne peut être engagée que sur le fondement de l'article 233 du Code civil.
Dans le souci du législateur de favoriser le passage d'un divorce contentieux vers le divorce accepté, l'acceptation des parties, lorsqu'elle n'aura pas été recueillie lors de l'audience de conciliation, pourra être formulée au moyen d'une déclaration signée par chacun des époux et annexée à la requête introductive d'instance. En outre, dans le cas où l'instance est déjà engagée, la déclaration d'acceptation sera annexée aux conclusions des parties dans une formulation expresse et concordante (art. 247-1 du Code civil et 1123 du Code de procédure civile). Enfin, le procès-verbal du juge conciliateur et les déclarations (annexées à la requête introductive d'instance, ou aux conclusions des parties) devront, à peine de nullité, rappeler les mentions du second alinéa de l'article 233 du Code civil.
Le principe du divorce ayant été accepté, le juge prononce le divorce et statue sur ses conséquences, sous réserve qu'il ait "acquis la conviction que chacun des époux a donné librement son accord" (art. 234 du Code civil).
2°) La procédure d'appel.
Si l'article 233 du code civil s'oppose à la rétractation de l'acceptation du principe du divorce, même par la voie de l'appel, l'article 546 du code de procédure civile dispose, quant à lui, que "le droit d'appel appartient à toute partie qui y a intérêt, si elle n'y a pas renoncé". Comprenez que la partie qui a obtenue gain de cause en première instance, est irrecevable en son appel.
On rappelera que l'ordonnance de non conciliation est susceptible d'appel dans les 15 jours de sa notification mais seulement quant à la compétence et aux mesures provisoires (art. 1112 du Code de procédure civile). Toutefois, si l'instance en divorce n'a pas été introduite dans les trente mois du prononcé de l'ordonnance, toutes ses dispositions ainsi que l'autorisation d'introduire l'instance, sont caduques (art. 1113 du Code de procédure civile).
Qu'en est-il de l'appel du jugement de divorce ?
Le code de procédure civile ne contient aucune disposition mentionnant que le jugement de divorce est susceptible d'appel. Cependant, ce recours reste évidemment ouvert dans les conditions de droit commun puisqu'aux termes de l'article 543 du code de procédure civile "La voie de l'appel est ouverte en toutes matières, même gracieuses, contre les jugements de première instance s'il n'en est autrement disposé".
Le jugement de divorce est donc susceptible d'appel dans le mois qui suit sa notification. Il est interjeté par déclaration unilatérale ou par requête conjointe au greffe de la cour d'appel.
Si l'acceptation du principe du divorce ne peut plus être rétractée, l'appel ne devrait concerner que les conséquences du divorce, celui-ci étant définitivement acquis, il a mis fin au devoir de secours entre époux.
Toutefois, ce serait faire fi de la remise en cause de l'acceptation du principe de la rupture du mariage pour vice du consentement. En effet, l'époux appelant, bien que ne pouvant plus rétracter son acceptation par cette voie, conserve néanmoins le droit de contester s'être exprimé librement.
Le droit de contester l'intégrité de son propre consentement suppose, à tout le moins, le droit d'interjeter un appel général de la décision ayant prononcé le divorce.
C'est à cette question qu'a répondu la Cour de cassation don son avis n° 0080004P du 9 juin 2008. Pour les juges du quai de l'horloge, l'appel général d'un jugement prononçant un divorce sur le fondement des articles 233 et 234 du code civil, s'il ne remet pas en cause l'acceptation du principe du divorce, sauf vice du consentement, ne met pas pour autant fin au devoir de secours, la décision n'acquérant force de chose jugée qu'après épuisement des voies de recours.
La recevabilité de l'appel général devient alors en ce domaine une arme stratégique.
3°) L'appel comme stratégie procédurale.
Les dispositions prises par le premier juge, notamment dans l'ordonnace de non conciliation, en ce qui concerne les mesures provisoires (pensions alimentaires pour le conjoint et les enfants) demeureront pendant toute la durée de la procédure d'appel.
Le jugement de divorce est, quant à lui, rendu avec fixation de prestation compensatoire. Toutefois, celle-ci n'est exigible qu'après épuisement des voies de recours, sauf si elle est assortie de l'exécution provisoire.
Dès lors, il peut être intéressant d'interjeter appel et retarder le moment ou le divorce devient irrévocable, perpétuant ou non le devoir de secours.
En effet, l'époux débiteur de la prestation compensatoire peut avoir intérêt à former un appel général du jugement de divorce afin de continuer à bénéficier des effets attachés à la persistance du lien conjugal. En la matière, la fixation d'une prestation compensatoire est grande pourvoyeuse d'appel.
L'époux débiteur de la prestation compensatoire dont les ressources ont sensiblement diminuées depuis le jugement pourra utilement interjeter appel général de la décision, obligeant les juges d'appel à apprécier la situation respective des parties au jour où ils statuent, et ce conformément à l'article 271 du code civil. L'époux débiteur procèdera également ainsi en cas d'augmentation des ressources de l'époux créancier depuis le jugement de divorce. Dans ce cas, l'appelant aura intérêt à saisir le juge de la mise en état d'une demande de réduction du montant de la pension alimentaire allouée au titre du devoir de secours (article 771 du code de procédure civile).
Si la prestation compensatoire, versée sous forme de rente viagère, est assortie de l'exécution provisoire, l'époux débiteur aura également intérêt à faire un appel pour le tout, si son montant est supérieur à celui de la pension alimentaire.
Dans les hypothèses inverses, l'époux débiteur limitera son appel à la prestation compensatoire afin de mettre un terme au devoir de secours et donc au versement de la pension alimentaire. La pension alimentaire de l'ordonnance de non conciliation cesse donc d'être due le jour de la déclaration d'appel limité, le divorce étant devenu irrévocable par suite de l'acquiescement de fait de l'appelant. La Cour d'Appel se placera donc au jour du jugement pour apprécier le droit à prestation compensatoire et en fixer le montant.
Toutefois, le caractère irrévocable du prononcé du divorce pourra être remis en cause par l'intimé au moyen d'un appel incident (article 550 du code de procédure civile). La pension alimentaire continuera d'être due pendant la procédure d'appel.
Dès lors, et selon la situation respective des époux, l'appel en matière de divorce apparaît comme une véritable stratégie procédurale qui mérite réflexion et conseils d'un véritable professionnel du droit.
Votre bien dévoué.