Introduction
Les premières sociétés structurées eurent pour habitude face à une catastrophe, face à un évènement dramatique et imprévisible affectant un ou plusieurs de leurs membres, de collecter dans un élan de solidarité les aides et contributions des membres épargnés, afin de faire face aux conséquences survenues et soutenir les victimes.
La solidarité, tel est le premier fondement de l’assurance contemporaine, qui se matérialise et se déploie aujourd’hui au sein de sociétés modernes, grâce à la théorie des grands nombres.
L’assurance est alors de nos jours un domaine d’activités à deux dimensions essentielles, la dimension commerciale en front office, et la dimension service après-vente ou back office.
Le service après-vente ou back office fais notamment référence à la gestion des sinistres, c’est-à-dire la satisfaction par l’assureur de son obligation, de son engagement, de répondre des conséquences du risque garantis, lorsque ce dernier fini par se réaliser.
La gestion des sinistres revêt une importance capitale pour les sociétés d’assurances :
- Tout d’abord, parce que le traitement d’un sinistre est le moyen essentiel dont dispose l’assuré pour vérifier de la qualité de la prestation qu’il a achetée. C’est donc un instrument de fidélisation de la clientèle ;
- Ensuite, parce que la gestion des sinistres représente le principal facteur de coût pour les entreprises. En effet, elle implique à un moment ou à un autre, non pas seulement la dimension back office, mais également le compartiment commercial.
La gestion des sinistres on le constate donc, peut constituer un avantage concurrentiel déterminant, si tant est que tous les métiers qui en nourrissent l’existence sont efficacement exercés. L’un de ces métiers est justement le sujet de la rédaction de cette rubrique, il s’agit du métier de « rédacteur sinistre ».
I- DEFINITION
L’expression « rédacteur sinistre » est constitué de deux termes, en l’occurrence rédacteur et sinistre.
Rédacteur se dit de façon simple, de celui-là qui effectue l’action de rédiger, c’est-à-dire d’écrire un texte ou un document. Dans le cadre des médias, c’est la personne qui a pour profession la rédaction d’article, de rubrique, en vue de leur publication. Vocable notamment identifiable dans plusieurs secteurs d’activités, il loisible d’entendre parler de rédacteur littéraire, rédacteur parlementaire, rédacteur sportif, rédacteur publicitaire ou encore de rédacteur en chef pour ne citer que ceux-là.
Le mot sinistre pour sa part, draine une connotation essentiellement péjorative. En effet, il ressort de plusieurs dictionnaires de langue française, une référence directe à ce qui est mauvais, malheureux, ennuyeux, triste, d’où les expressions du genre « sinistres présages », « sinistre canaille », « visage sinistre », ou des phrases comme « la soirée a été sinistre », « l’ambiance est terriblement sinistre ».
On le constate donc, il semble difficile pour ne pas dire presque impossible, de trouver dans les définitions étymologiques de ces deux termes l’élément ou les éléments de concordance qui donnent à l’expression sa raison d’être. C’est sans doute qu’il faut ici opter pour une approche purement contextuelle, c’est-à-dire rechercher la définition de l’expression par le biais du domaine d’activité qui est la sienne. Et c’est l’option juridique, plus particulièrement à travers le droit des assurances, qui permet d’entrevoir une lueur au loin dans la pénombre.
De manière globale, le sinistre est défini en droit des assurances comme la réalisation du risque garantis par l’assureur, tel que le stipule le contrat d’assurance. Le terme est employé pour désigner la survenance des risques : vol, incendie, décès du souscripteur, maladie, naufrage, dégâts des eaux, accidents de la circulation automobile, et bien d’autres.
Le droit des assurances n’appréhende malheureusement pas la notion de rédacteur. Mais au regard de ce qu’il dit sur le terme sinistre, on peut déjà mettre en avant une esquisse de définition, pour dire que le rédacteur sinistre est celui qui rédige lorsque le risque garantis par le contrat d’assurance se réalise. Que rédige-t-il ? Un article, un texte, un rapport, quoiqu’il en soit, vous en conviendrez toutefois, la brume est loin de s’être dissipé dans l’esprit du profane. C’est pourquoi un dernier élément capital va nous permettre d’évader les non-initiés de leur ignorance.
Cet élément non négligeable, sans anticiper sur les autres articulations à venir, c’est la pratique. Cette dernière nous gratifie de simulations non équivoques, qui nous aident à appréhender le rédacteur sinistre tout simplement, comme « la personne (homme ou femme) interlocuteur du client victime, et chargé d’apporter face à l’évènement survenu, un traitement visant à la réparation des dommages subis par le sinistré ou à faire face aux conséquences du tort causé au tiers ».
Spécialiste d’un domaine particulier (responsabilité civile, dommages, automobile…), ou généraliste (multirisque particulier ou multirisque professionnel), le rédacteur sinistre est l’interlocuteur privilégié des victimes liées par un contrat à la compagnie d’assurance ou au courtier, en les conseillant tout au long de la procédure.
On le conçoit dès lors sans ambiguïtés, le rédacteur sinistre est l’homme des situations périlleuses, celui qui intervient lorsque la situation tourne mal et que le client victime réclame réparation, ou alors doit répondre de son fait, suite à la survenance de l’évènement pour lequel il s’était prémuni par son contrat d’assurance. Cela nous conduit immanquablement à la deuxième articulation de cet article, axée sur les activités concrètes du rédacteur sinistre.
II- LES FONCTIONS DU REDACTEUR SINISTRE
Plusieurs tâches concourent à l’accomplissement de la mission du rédacteur sinistre.
Tout d’abord, dès la survenance du risque garantis par le contrat (police) d’assurance, le rédacteur sinistre se doit d’être en contact avec le client sinistré, afin de constater les dommages et collecter toutes les données nécessaires à la constitution du dossier (date et lieu, personnes impliquées, etc…) et procéder ainsi à l’enregistrement du sinistre.
Dans un second temps, le rédacteur sinistre procède à l’instruction du dossier, c’est-à-dire qu’il détermine le degré de responsabilité de tout un chacun et évalue le montant du préjudice causé. Pour ce faire, il va se baser sur les éléments présents au dossier, les témoignages recueillis et l’avis d’un expert si besoin est, dans le but d’établir la prise en charge à laquelle aura droit le sinistré, en fonction des garanties souscrites dans le contrat.
Dans le cas particulier où un tiers est impliqué, il a un rôle d’interface avec la compagnie d’assurance adverse, et négocie pour la solution à même de préserver au mieux les intérêts de son employeur et ceux de son client.
Il faut ajouter à ses deux tâches une dernière et non des moindres, celle qui s’accomplit en toile de fond de toute la mission du rédacteur sinistre, et qui détermine la qualité du service acheté, c’est la consolidation et la fidélisation de la relation client. En effet, par son attitude, sa courtoisie, sa célérité, sa politesse, sa disponibilité, bref son professionnalisme, le rédacteur sinistre a la lourde tâche de nourrir et faire grandir la confiance du client victime.
Avec une bonne aisance relationnelle, notamment une excellente capacité d’écoute, le rédacteur est en contact direct avec les clients de la compagnie. Du fait de la diversité des cas à traiter, la fonction exige alors de bonnes connaissances du marché et de l’actualité de son secteur, de la curiosité et un esprit de recherche.
Le rédacteur sinistre se doit donc d’être méthodique, organisé, rigoureux, pour faire des estimations correctes en ne négligeant aucun paramètre. Fiable, objectif, avec des nerfs solides, et munis d’un cursus en Assurance avec une première expérience (privilégié par les recruteurs) ou un Bac +2 ou +3 en Assurance ou en Droit, avec en sus de nos jours, la maîtrise des outils informatiques et la pratique de l’anglais.
III- LES PERSPECTIVES DU METIER
Les perspectives relatives au métier de rédacteur sinistre sont intimement liées aux défis actuels qui interpellent toutes sociétés d’assurances, qu’il s’agisse des compagnies ou des courtiers. Car en effet, à la volonté de satisfaire le client, s’ajoute désormais pour l’entreprise le souci de réduire les coûts en optimisant la gestion.
Premièrement, s’agissant de la baisse des coûts directs, celle-ci sera initiée en grande partie comme c’est déjà le cas dans les pays développés, par un changement global dans l’appréhension des sinistres. Il faudra passer d’un raisonnement basé avant tout sur le droit et le strict respect de la procédure, à un raisonnement économique.
Il ne s’agira pas alors en réduisant la charge sinistrale, de moins bien indemniser les victimes, mais de mieux maitriser les coûts en intervenant plus directement dans le dédommagement, à travers la mise à disposition dans le cadre de l'assurance automobile par exemple, de garages partenaires agréés dont les opérations permettront de maitriser les coûts, de proposer des réparations en nature, favoriser le gré à gré et l’auto réparation. Tout cela constitue des services supplémentaires et un réel avantage concurrentiel. C’est notamment ce que « Les Mutuelles Réunies »[1] a compris, avec la signature le 10 février 2017 de la convention « CAR INSURANCE », qui est une convention de partenariat avec un garage agréé, pour le préfinancement en nature des sinistres de petits montants, qui est effective et peut se targuer d’une première expérience satisfaisante dans le contexte camerounais.
Ensuite, les coûts de gestion devront être placés sous le joug de la rationalisation en interne. Notamment par une « industrialisation » des chaines de gestion qui conduira à une simplification des tâches avec un emploi massif des nouvelles technologies informatiques, de l’information et télécommunications. Réduire la chaine des intervenants, centraliser et spécialiser les tâches.
Tandis qu’en externe, l’on se devra plus que jamais de mettre en pratique cet adage qui dit « vaut mieux un mauvais arrangement, qu’un bon procès ». En effet, l’accroissement du volume des sinistres et la complexité de certains imposent plus que jamais lorsque cela est nécessaire, un partage d’indemnité. De même, le développement ou l’intégration de compétences d’expertise en interne sera opportun, car si elle n’est nécessaire qu’à partir d’un certain montant, choisir de ne pas expertiser un sinistre constitue en soi une prise de risque.
Secondement, les gains indirects ne sont pas à négliger. En effet, bien qu’ils soient difficilement mesurables, ceux –ci ont un impact certain.
Il s’agit tout d’abord de la fidélisation du client sinistré, car il va de soi que conserver un client coûte moins cher que d’en conquérir un nouveau. Or force est de le reconnaitre, en assurance, le sinistre est le seul moyen pour le client de juger de la qualité du service acheté. Par conséquent, outre l’indemnisation du client, cela passe également par le développement « d’action-qualité », via par exemple la certification ISO qui est l’une des ambitions majeures des Mutuelles Réunies. L’on s’achemine ainsi vers un niveau de service qui nécessite souvent une réorganisation des tâches, avec une préoccupation réelle relative à la qualité de la communication et la mise en place d’outils spécifiques (comme un baromètre de satisfaction par exemple).
Il s’agit ensuite de la vente additionnelle de produits et services. L’indemnisation d’un sinistre qui emporte la satisfaction du client est à n’en point douter une ouverture pour le réajustement des garanties, l’acquisition de nouvelles et de découverte de nouveaux produits. Ainsi disparait la frontière entre la souscription et le sinistre, entre le front office et le back office, car il faut qu’on se le dise, un assuré satisfait est un prescripteur potentiel.
[1] Société camerounaise de courtage en assurance, crée en 1996 et jouissant de 38 ans d’expérience de son promoteur dans le domaine des assurances.