Votre employeur vous a convoqué à un entretien préalable. Il envisage de vous licencier pour « insuffisance professionnelle ». Ce motif n’est pas le plus connu et pourtant il est bien un motif valable à condition qu’il soit justifié. Il ne faut cependant pas le confondre avec l’insuffisance de résultat. Nous allons tenter de vous éclairer.
Un indispensable contrôle
Longtemps, l’insuffisance professionnelle n’a fait l’objet d’aucun contrôle. Les juges accordaient leur confiance aux employeurs, qu’ils pensaient être les seuls en mesure d’évaluer les aptitudes professionnelles de leurs salariés.
A l’heure actuelle, il serait impensable d’accorder un droit au licenciement pour insuffisance professionnelle sans contrôle à l’employeur. Désormais, si l’employeur invoque ce motif, il devra systématiquement étayer son allégation par des faits objectifs et précis prouvés, c’est-à-dire des remontrances écrites, des évaluations ou autres documents qui pourraient démontrer l’insuffisance alléguée.
L’insuffisance professionnelle, motif non fautif
Lorsque votre employeur envisage de vous licencier, il doit se baser sur un motif personnel ou non personnel (économique). Parmi les causes personnelles, nous avons les motifs disciplinaires (les fautes graves lourdes ou simple) et non disciplinaires. L’insuffisance professionnelle est un motif personnel non disciplinaire. Le salarié n’est donc pas coupable d’une faute ce qui n’empêche pas ce motif d’être considéré comme une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Ainsi, l’insuffisance professionnelle n’est jamais admise comme une faute grave par les juridictions.
Par conséquent, lorsque le salarié est licencié pour insuffisance professionnelle, il conserve son droit au préavis mais également les indemnités de rupture.
La preuve par des éléments concrets et vérifiables
L’insuffisance professionnelle se caractérise par le fait qu’un salarié réalise mal son travail, ou de manière non satisfaisante.
Ce motif est délicat dans son contrôle car les juges ne peuvent se substituer à l’appréciation des compétences par l’employeur. Le pouvoir des magistrats se place donc dans le contrôle de la présence d’éléments concrets la justifiant. Elle ne doit jamais reposer sur observations subjectives de l’employeur. L’insuffisance doit également avoir une certaine incidence sur la bonne marche du service sans pour autant que ce préjudice soit chiffrable.
EXEMPLE :
Un employeur pourra licencier un salarié lorsque celui-ci se rendra coupable d’erreurs comptables (L’insuffisance) entraînant en permanence des opérations de redressement (perturbation de la bonne marche du service) et une inaptitude à s'adapter aux conditions de travail.
Peut également être qualifié d’insuffisance professionnelle le non-respect des délais. Par exemple un travail effectué en 7 semaines alors qu’il nécessitait qu’une semaine.
En revanche, le licenciement ne peut intervenir brutalement. Si un salarié n’a pas fait l’objet de quelconque reproche depuis qu’il travaille dans une entreprise, l’employeur ne pourra lui imputer une insuffisance professionnelle du jour au lendemain.
Critères d’appréciation
L’insuffisance professionnelle repose également sur des critères d’appréciation. Les juges prendront en compte la qualification du salarié mais également ses fonctions, son niveau de responsabilités.
Un simple employé se verra plus difficilement licencié sur ce motif puisque ses tâches sont soumis à l’approbation de ses supérieurs hiérarchiques.
Par ailleurs, les compétences du salarié étant prises en compte, un employeur ne pourra pas lui imputer une insuffisance professionnelle s’il ne lui a pas proposé une formation suite à un changement de poste ou à l’exécution de nouvelles tâches.
EXEMPLE :
Un employeur fait l’acquisition de nouveaux logiciels de comptabilité venant remplacer les anciens. Le comptable de l’entreprise ne pourra pas se voir licencié s’il fait des erreurs avec ce nouveau logiciel alors même que l’employeur ne lui a pas proposé une formation pour le maitriser. L’employeur doit donc s’assurer de l’adaptabilité de son salarié.
Distinction insuffisance professionnelle/Insuffisance de résultat
La distinction est importante car l’insuffisance de résultat seule n’est pas un motif de licenciement.
Cette insuffisance la peut être le résultat d’une insuffisance professionnelle, mais pas systématiquement. Pour être sanctionnable, il faut qu’elle le soit.
Ainsi, un salarié qui n’atteint pas ses objectifs contractuels à cause d’une conjoncture économique défavorable dans le marché en question n’est pas sanctionnable. On ne peut pas faire peser les risques de l’économie de l’entreprise sur les salariés. En revanche l’insuffisance de résultat sera une cause réelle et sérieuse de licenciement si elle est le fruit d’une insuffisance professionnelle. Par exemple, un salarié qui a des difficultés à manger son équipe et n’atteint pas ses résultats, ou qui se rend coupable d’erreurs de gestion.
Les obligations incombant à l’employeur
Cette mesure disciplinaire reste un licenciement même si le salarié n’est pas fautif. Par conséquent, il doit s’assurer de respecter la procédure de droit commun du licenciement pour cause réelle et sérieuse.
Dans un premier temps, il doit convoquer le salarié à un entretien préalable par lettre recommandé. Celui-ci précise le motif du licenciement envisagé. C’est obligatoire. Néanmoins, contrairement aux autres motifs de licenciement pour lesquels la lettre de licenciement doit être circonstanciée, il suffit à l'employeur d'invoquer le grief d'insuffisance professionnelle.
Par ailleurs, la charge de la preuve incombe au demandeur (article 1353 code civil, anciennement 1315). C’est-à-dire que c’est votre patron qui devra rapporter les faits précis et vérifiables qui prouvent l’existence de cette insuffisance. Ils doivent incomber au salarié. C’est-à-dire que c’est entièrement dû à votre personne et que l’employeur n’y est pour rien. Par exemple, il pourra prouver cela en montrant qu’il vous a bien dispensé d’une formation.
CONCLUSION :
Ce licenciement non fautif peut s’avérer cruel pour le salarié au même titre que le licenciement pour motif économique. Néanmoins, il faudra s’assurer que l’employeur ne profite pas de sa position dominante et rapporte bien les faits imputables au salarié qui prouve cette insuffisance professionnelle.