En juillet 2015, un couple d'investisseurs ont signé avec un promoteur un contrat préliminaire de vente portant sur deux lots (un appartement un stationnement) dans le cadre d'une opération immobilière en VEFA (Vente en l'état futur d'achèvement).
Le contrat de réservation prévoyait que : « L’immeuble doit être achevé pour le deuxième semestre 2017 ».
En juin 2017, les investisseurs se plaignaient auprès du promoteur du retard de livraison de leurs lots et sollicitaient une réparation indemnitaire pour leurs préjudices (frais de location supplémentaires, préjudice moral).
Le promoteur reconnaissait le retard de livraison mais refusait d'abord de prendre en charge les préjudices du couple d'investisseurs, puis proposait seulement une somme de 300 € TTC !
Avant la signature de l'acte authentique de vente en janvier 2018, la notaire était prévenue par le conseil des acquéreurs de la difficulté pécuniaire liée au retard de livraison.
Et avant la signature de l'acte authentique de vente en janvier 2018, le conseil des acquéreurs mettait en demeure le promoteur de leur réparer leurs préjudices.
Toutefois :
- alors que le contrat de réservation de juillet 2015 prévoyait que : « L’immeuble doit être achevé pour le deuxième semestre 2017 »
- L'acte de vente de janvier 2018 prévoyait que : « Délai d’achèvement de l’immeuble : au cours du PREMIER SEMESTRE 2019, soit au plus tard le 30 juin 2019 ».
Soit près de 15 mois de prolongation de la date d'achèvement de l'immeuble sans l'accord des acquéreurs !
Or selon le juge : " dans le cadre de la vente d’un bien immobilier en état futur d’achèvement, le délai de livraison qui engage le vendeur est, par principe, celui qui est fixé par l'acte authentique de vente. ".
1) La responsabilité du promoteur du fait du retard de livraison
Le promoteur tenait de s'exonérer de sa responsabilité en produisant une attestation d'un bureau d'études : « le chantier a subi 114 jours d’intempéries du 01/09/2017 au 28/02/2019 suivant les relevés météorologiques de METEO FRANCE. »
Toutefois, les relevés météorologiques de METEO France n’ont pas été portés à la connaissance des acquéreurs et l’on comprend mal comment le vent peut, voire même la pluie selon les cas, tenir en échec l’avancée d'un chantier.
De plus, selon le juge, il appartenait au promoteur, en sa qualité de professionnel de la promotion immobilière, de respecter ses engagements à ce titre face à des acheteurs profanes qui ne pouvaient avoir conscience des conséquences liées au report de cette date de signature.
Selon le juge toujours, le fait de repousser de près de 15 mois la signature de l’acte définitif et de fixer ainsi au sein de l’acte de vente un nouveau délai de livraison reporté de près de deux ans par rapport au délai initialement prévu constitue donc clairement une manœuvre dolosive de la part du promoteur, qui a gagné du temps afin de pouvoir s’engager le plus tard possible vis-à-vis des acheteurs sur le délai de livraison de leurs biens.
Par jugement du tribunal judiciaire de Marseille du 30 novembre 2022, le promoteur a donc été condamné à indemniser les acquéreurs de tous leurs préjudices en lien avec ce retard de livraison.
2) La responsabilité du notaire
Il appartient au notaire, en sa qualité de professionnel, de démontrer qu’il a rempli son devoir de conseil vis-à-vis de l’acheteur profane.
En sa qualité de professionnel, il lui appartenait donc d’être particulièrement vigilant sur les conditions de la signature de l’acte passé devant lui, et d’attirer l’attention des acheteurs, profanes, sur les conséquences de cet acte passé plus de quinze mois après le délai initialement prévu et stipulant un nouveau délai de livraison de leur bien retardé de 18 mois.
Il lui revenait également, au titre de son devoir de conseil, de leur proposer le cas échéant d’insérer une clause à l’acte de vente afin de préserver leurs recours, ce qui ne peut reposer sur les acheteurs qui n’avaient pas à le solliciter expressément au regard de leur qualité de non-professionnels.
La responsabilité du notaire est engagée au titre du manquement à son devoir de conseil, ce manquement ayant entrainé pour les époux acheteurs une privation de leurs recours à l’encontre du promoteur pour le retard de livraison antérieur à la date prévue à l’acte de vente.
Par jugement du tribunal judiciaire de Marseille du 30 novembre 2022, le notaire a donc été condamné solidairement à indemniser les acquéreurs de leurs préjudices en lien avec ce retard de livraison.
3) La réparation des préjudices subis
Le retard de livraison dont la responsabilité a été imputée au promoteur et au notaire a causé aux acquéreurs un préjudice matériel consistant en l’obligation de prolonger d’autant la location d’un logement pour établir leur résidence principale, dans l’attente de pouvoir prendre possession de leur appartement. Soit plus de 20 000 euros.
S’agissant du préjudice moral, il est produit plusieurs attestations de proches des acheteurs ainsi qu’un certificat médical témoignant de la détresse causée à ces derniers du fait du retard subi dans la prise de possession effective de leur appartement, qui devait constituer leur résidence principale et qu’ils attendaient impatiemment, étant par ailleurs logé dans l’attente en location dans un logement plus petit ne leur permettant pas de recevoir leurs amis et leur famille dans de bonnes conditions. Ces éléments s’ajoutent aux tracas causés par le surcoût financier engendré par ce retard de livraison, qui n’avait pas été anticipé. Soit 4 000 euros.
Si vous avez acheté en VEFA ou via un CCMI et que vous subissez des retards de livraison, contactez notre Cabinet pour vous défendre.