Compte tenu de la spécialité de notre cabinet, nous rencontrons régulièrement devant le Conseil de Prud'hommes ou devant la juridiction de sécurité sociale, le cas d'accidents du travail non déclarés par l'employeur.
Toutes sortes d'excuses ou explications sont alors invoquées par les employeurs en question. A titre d'exemples (authentiques) :
« Je considère qu'il ne peut s'agit d'un accident du travail, puisqu'il n'y a pas eu de blessures physiques »
« Une altercation non physique ne saurait caractériser un accident de travail »
« Il n'y a pas eu d'arrêt de travail suite à cet accident »
« Le salarié ne m'a jamais demandé de déclarer cet accident »
« Les lésions sont en rapport avec la vie privée du salarié »
« Je n'ai eu connaissance de cet accident que des semaines plus tard ».
« Je n'ai jamais eu connaissance de cet accident »
Les règles sont pourtant claires :
L'article L.441-2 du Code de la Sécurité Socialeest très explicite :
« L'employeur ou l'un de ses préposés doitdéclarer tout accidentdont il a eu connaissance à la caisse primaire d'assurance maladie dont relève la victime selon des modalités et dans un délai déterminés. »
L'article R.441-1 du Code de la Sécurité Socialerappelle que :« Les formalités de déclaration d'accident sont effectuées par l'employeur ».
L'employeur est aussi tenu de remplir et délivrer immédiatement au salarié une feuille d'accident du travail, qui lui permettra de bénéficier du tiers payant, autrement dit d’éviter d’avoir à faire l’avance des frais médicaux (art. L.441-5 du Code de la Sécurité Sociale).
Et si l'employeur n'est pas d'accord ?
Il arrive trop souvent (notamment dans les cas de chocs psychologiques en rapport avec le travail) que l'employeur se lance dans des explications juridiques plus ou moins pertinentes, pour expliquer qu'à son avis, les faits dont il a connaissance ne constituent pas un accident du travail.
Certains vont jusqu'à s'improviser médecin pour discuter l'existence, l’origine ou la gravité des lésions médicales.
Pourtant, l'employeur n'a pas le choix.
La déclaration d'accident du travail doit être faite même en l’absence de prescription d’arrêt de travail, et quelle que soit l'opinion de l'employeur sur sa pertinence, sur les circonstances ou sur la nature des blessures (Cass. Soc. 15 novembre 1956, bull. Civ. IV n°846 ; Cass. Soc. 4 juin 1970, pourvoi n°69-12322).
Il s'agit d'une obligation légalepour l'employeur,à peine de sanctionpénale(une contravention peut être dressée par l'inspecteur du travail ;art. L.471-1 du Code de la Sécurité Sociale).
Dans le formulaire de déclaration d'accident du travail, ou par la suite, l'employeur est libre d'exprimer des réserves sur le caractère professionnel cet accident. Il pourra aussi, s'il le souhaite, contester une décision de prise en charge rendue par la CPAM.
En revanche, il ne doit pas faire obstacle, par une non-déclaration, à l'instruction du dossier par la sécurité sociale.
Que faire si l'employeur ne remplit pas ses obligations ?
En cas de carence de l’employeur, la victime (ou ses ayants-droit) dispose d’un délai de 2 ansà compter de l’accident pour faire elle-même une déclaration directement à la CPAM (art. L. 441-2 al. 2 du Code de la Sécurité Sociale).
Par sécurité, cette déclaration sera faite par lettre recommandée AR.
Evidemment, plus elle sera tardive, plus la CPAM a des chances d'opposer à la victime un refus de prise en charge.
Outre l'amende évoquée ci-dessus, l'employeur s'expose à voir sa responsabilité civile engagée par le salarié devant le Conseil de Prud'hommes, sur le terrain du manquement à l'obligation de sécurité ou de la discrimination par rapport à l'état de santé.
Et si l'employeur n'a réellement pas eu connaissance de l'accident ?
Bien sûr, aucun reproche ne peut être fait à un employeur qui, en toute bonne foi, n'a jamais entendu parler de l'accident en cause.
Attention tout de même : l'article L.441-2 du Code de la Sécurité Sociale prévoit qu'on entend le terme employeur au sens large, puisque cela inclut « l'employeurou l'un de ses préposés ».
Il suffit donc qu'un supérieur hiérarchique ait eu connaissance de l’accident pour que cela déclenche toutes les obligations légales de l'entreprise, même s'il a oublié d'en parler à sa propre hiérarchie.
Et si la salarié n'a pas informé l'employeur de l'accident ?
L'article L.441-1 du Code de la Sécurité Sociale prévoit que le salarié doit informer dans les 24 heures son employeur d'un accident dont il a été victime.
Cependant, cette obligation n'a pas le même poids que celle pesant sur l'employeur.
Aucune sanction n'est prévue par la loi en cas d'oubli du salarié.
Une sanction disciplinaire par l’employeur pour ce motif serait très malvenue, et caractériserait probablement une discrimnation par rapport à l'état de santé.
L'employeur n'a donc pas besoin d'une demande explicite ou d'une permission du salarié victime, il doit déclarer spontanémentl'accident à la CPAM.
Guillaume Cousin
Avocat à la Cour
15 bis, rue Alexandre Parodi - 75010 PARIS
Tél. : 01 71 19 95 74
guillaumecousin@yahoo.fr
WhatsApp du cabinet : 06 18 39 51 86
http://guillaumecousin-avocat.blogspot.com