Coronavirus et commande publique : l'ordonnance du 26 mars 2020

Publié le 27/03/2020 Vu 1 510 fois 0
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L'ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020 vient adapter les règles de la commande publique pendant la durée de l'état d'urgence sanitaire liée au Covid-19.

L'ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020 vient adapter les règles de la commande publique pendant la durée

Coronavirus et commande publique : l'ordonnance du 26 mars 2020
Ordonnance 2020-319

La loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 a habilité le Gouvernement à prendre diverses ordonnances.

En particulier, l’article 11 I. 1° f) a habilité le gouvernement à adapter les « règles de passation, de délais de paiement, d'exécution et de résiliation, notamment celles relatives aux pénalités contractuelles, prévues par le code de la commande publique ainsi que les stipulations des contrats publics ayant un tel objet ; ».

L’ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020 portant diverses mesures d'adaptation des règles de passation, de procédure ou d'exécution des contrats soumis au code de la commande publique et des contrats publics qui n'en relèvent pas pendant la crise sanitaire née de l'épidémie de covid-19 a été publiée au Journal officielle le 26 mars 2020 et s’applique aux contrats en cours ou conclus à compter du 12 mars 2020 et jusqu’à deux mois à l’issue de la fin de l’état d’urgence sanitaire.

Cette ordonnance, qui doit être mise en perspective avec d’autres dispositions déjà existantes, adapte les règles de passation des contrats publics (I) et leurs règles d’exécution (II)

I – L’adaptation des règles de passation des contrats

Les articles 2 et 3 de l’ordonnance prévoient des règles générales permettant d’adapter les modalités de mise en concurrence (1) tandis que l’article 4 permet d’échapper à une mise en concurrence dans certains cas (2).

 

1.    L’adaptation des modalités de mise en concurrence

L’ordonnance est assez peu diserte sur le sujet.

a.    Sur les délais de consultation :

L’article 2 prévoit que, « sauf lorsque les prestations objet du contrat ne peuvent souffrir aucun retard, les délais de réception des candidatures et des offres dans les procédures en cours sont prolongés d'une durée suffisante, fixée par l'autorité contractante, pour permettre aux opérateurs économiques de présenter leur candidature ou de soumissionner ».

Cette disposition est assez problématique en ce qu’elle met une obligation à la charge du pouvoir adjudicateur, sans en préciser les contours :

-       Quelle est la « durée suffisante » en l’absence de point de comparaison ?

 

-       Quel est le champ exact des « prestations […] ne pouvant souffrir d’aucun retard » ?

Cette incertitude, qui se double à l’incertitude générale de l’article 1er (dispositions « mises en oeuvre que dans la mesure où elles sont nécessaires pour faire face aux conséquences, dans la passation et l'exécution de ces contrats, de la propagation de l'épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation. »), loin de faciliter la tâche des collectivités, vient créer des risques contentieux importants.

b.    Sur les modalités matérielles de mise en concurrence

L’article 3, à l’inverse, vient apparemment faciliter la tâche des pouvoirs adjudicateurs.

Il dispose que lorsque des « modalités particulières de mise en concurrence » ne peuvent être respectées, elles peuvent être « aménagées en cours de procédure dans le respect du principe d’égalité des candidats ».

Ainsi, le texte semble permettre aux collectivités de vider en toute ou partie les formalités de leur substance, la seule aiguillon devenant le principe d’égalité entre candidats.

Se pose toutefois la question des modalités qui peuvent être aménagées ou éludées.

L’article 3 vise en effet les « modalités de mise en concurrence prévues en application du code de la commande publique dans les documents de la consultation des entreprises ».

En premier lieu, la double référence au code de la commande publique, d’une part, et aux documents de consultation, d’autre part, ne permet pas de déterminer précisément les modalités aménageables et, notamment, ne permet pas d’affirmer sans équivoque que toutes les formalités du code de la commande publique peuvent être aménagées.

En second lieu, et surtout, certaines formalités échappent tant au code de la commande publique qu’aux documents de consultations.

Ainsi en est-il, par exemple, de la nécessité de réunir la Commission d’appel d’offres, prévue par le CGCT ; quid, dans ce cas de figure, de la poursuite de la procédure alors même que, par ailleurs, le législateur a décidé que la crise sanitaire faisait obstacle à la réunion des conseils municipaux ?

Dans ce cas de figure, il n’est pas évident que « l’urgence impérieuse prévue » par l’article L1414-2 du CGCT soit caractérisée, permettant la conclusion sans réunion de la CAO, de telle sorte que le risque d’embolie des procédures de commande publique n’est pas écarté.

 

2.    La possibilité de se passer de mise en concurrence

a.    Les aménagements prévus par l’ordonnance

L’article 4 de l’ordonnance prévoit quant à elle des mesures permettant de se passer, au moins temporairement, de mise en concurrence.

Les contrats arrivés à terme, y compris les accords-cadre et contrats de concession, peuvent ainsi être prolongés par avenant au-delà de leur terme initial, jusqu’à la fin de la période de crise sanitaire augmentée de la durée nécessaire pour une nouvelle mise en concurrence.

Cette possibilité est toutefois fortement limitée en cas de prolongation de contrats de concession.

Là encore, comme indiqué plus haut, alors même que le législateur a par ailleurs pris des dispositions pour éviter d’avoir à réunir les assemblées délibérantes, l’ordonnance n’écarte pas la nécessité de les réunir ainsi que, le cas échéant, la Commission d’examen des délégations de service public en amont de la conclusion de l’avenant, tel que cela est prévu, sans exception possible, par l’article L1411-6 du CGCT...

Ce n’est donc plus là un risque d’embolie des procédures qui se pose, mais bien un risque d’interruption du service public.

Aussi, à notre sens et nonobstant l’absence de dérogation légale, la théorie des circonstances exceptionnelles devrait permettre aux exécutifs de conclure les avenants sans autorisation.

b.    Les aménagements généraux à mobiliser :

Deux dispositions existantes sont susceptibles d’être mobilisées dans le cadre de la crise sanitaire.

L’article R2122-1 du CGCT permet la passation sans publicité ni mise en concurrence en cas d’urgence impérieuse résultant de circonstances extérieures imprévisibles.

Cette disposition sera mobilisable pour la passation de marchés passés pour répondre à des besoins sanitaires, ou pour répondre à des besoins essentiels autres suite à l’échec prévisible d’une procédure adaptée ou formalisée à raison de la crise sanitaire ; dans ce cas, en effet, l’urgence ne résulte en aucun cas de l’action de la collectivité.

Par ailleurs, pour les autres marchés, et sous réserve de l’application de l’article 2 de l’ordonnance, l’article R2122-2 du CGCT permet, en cas de procédure infructueuse, de basculer sur une procédure sans publicité ni mise en concurrence préalable.

 

II – L’adaptation des règles d’exécution des contrats

L’ordonnance prévoit trois axes sur ce point : la neutralisation des sanctions des titulaires de contrats (1), la facilitation de reconstitution de leur trésorerie (2) et la généralisation d’une forme d’imprévision (3).

1.    La neutralisation des sanctions

L’ordonnance prévoit dans un premier temps une forme de neutralisation générale des sanctions qui pourraient être mises à la charge des titulaires de contrats publics.

Le 1° de l’article 6 permet à tout titulaire de demander un délai d’exécution jusqu’à l’issue de la période courant jusqu’à deux mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire.

Par ailleurs, le 2° de l’article 6 permet quant à lui à un titulaire qui démontrerait être dans l’impossibilité d’exécuter tout ou partie de d’une commande en l’absence de moyens suffisants ou en cas de charge déraisonnable, de ne pas être sanctionné d’aucune manière.

Si la mise en régie demeure possible pour la collectivité, dans des cas spécifiques où les besoins ne peuvent souffrir de retard, cette exécution ne peut se faire comme c’est le cas normalement aux frais et risques du titulaire.

Ces dispositions reprennent, en quelque sorte, les solutions applicables à la force majeure.

2.    La facilitation la reconstitution de trésorerie

L’ordonnance permet aussi de faciliter la conservation ou la reconstitution de leur trésorerie par les titulaires de contrats.

L’article 5 permet ainsi aux collectivités désireuses de participer à une forme de plan de relance de verser une avance jusqu’à 60 % du montant du marché, sans avoir à réclamer, par ailleurs, de garantie à première demande du titulaire.

L’article 6, quant à lui, prévoit en son 4° que lorsqu’un marché à prix forfaitaire est suspendu à la demande de l’acheteur, celui-ci doit régler immédiatement les prestations réalisées, à charge de régler ultérieurement les conséquences contractuelles (résiliation, reprises à l’identique…) et financières.

Le 5° aménage l’exécution des concessions suspendues, en prescrivant la suspension des versements à effectuer au concédant (notamment pour les affermages et régies intéressées)

Ces dispositions s’appliquent nonobstant tout stipulation contractuelle contraire.

3.    La généralisation de l’imprévision

En matière de concession, l’imprévision est généralisée pour les concessions.

Lorsque la concession est suspendue, le 5° de l’article 6 prévoit qu’une avance sur rémunération « peut » être versée au concessionnaire qui le justifie et à la hauteur de ses besoins.

A notre sens, cette demande « doit » et non pas « peut » donner lieu au versement de l’avance de plein droit, puisque c’est la situation qui résulterait de l’application de la théorie de l’imprévision.

Lorsque la concession n’est pas suspendue, le 6° de l’article 6 prévoit que le concessionnaire qui doit « modifier significativement les modalités d’exécution » a droit à « une indemnité destinée à compenser le surcoût qui résulte de l'exécution, même partielle, du service ou des travaux, lorsque la poursuite de l'exécution de la concession impose la mise en oeuvre de moyens supplémentaires qui n'étaient pas prévus au contrat initial et qui représenteraient une charge manifestement excessive au regard de la situation financière du concessionnaire. ».

Il s’agit là, également, d’un rappel de la théorie de l’imprévision.

Ces deux dispositions, à notre sens, doivent s’appliquer à titre supplétif.

En effet, si les conventions prévoient un mécanisme d’imprévision, celui-ci sera généralement plus précis.

 

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Blog de Maître Vincent GUISO

Maître Vincent GUISO

Avocat au Barreau de METZ

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