La loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 a habilité le Gouvernement à prendre diverses ordonnances.
En particulier, l’article 11 I. 1° b) a habilité le gouvernement à adapter les règles relatives au temps de travail.
L’ordonnance n° 2020-323 du 25 mars 2020 portant mesures d'urgence en matière de congés payés, de durée du travail et de jours de repos a été publiée au Journal officiel le 26 mars 2020.
Elle permet tout à la fois de permettre aux employeurs d’échapper à l’obligation de fournir du travail en leur laissant à titre dérogatoire la possibilité d’imposer des repos (I) et, au contraire, permet aux employeurs des secteurs essentiels de s’adapter à des surcroits d’activité (II).
I – Les repos contraints comme remède à la baisse temporaire d’activité
L’ordonnance organise la possibilité pour l’employeur de déroger aux règles de prise des congés payés (1) des autres repos (2), lesquelles dérogations sont encadrées de manière générale (3).
1. Les congés payés, intouchés en l’absence d’accord collectif
L’article 1er règle la question des congés payés.
L’ensemble des dérogations aux règles de droit commun est soumise à un accord d’entreprise ou, à défaut, de branche, contrairement aux autres dérogations, ce qui s’explique certainement par le caractère spécifique de ces repos, qui sont protégés par la législation de l’Union.
L’accord collectif en question peut permettre à l’employeur :
- D’imposer des congés acquis dans la limite de six jours, nonobstant l’absence d’ouverture des droits
- De modifier la période de prise de congés sans limite autre que celle fixée par l’accord
- D’imposer le fractionnement sans être tenu de recueillir l’accord du salarié
2. Les autres repos, à la discrétion de l’employeur
Les modalités de prise des congés conventionnels et jours de récupération du temps de travail, peuvent quant à eux être imposés par l’employeur conformément à l’article 2 de l’ordonnance.
Il en est de même des jours de repos accordés aux salariés soumis à une convention de forfait en jours, conformément à l’article 3 de l’ordonnance.
Il en est enfin de même des comptes épargne temps, dont l’employeur peut imposer qu’ils soient utilisés par la prise de jours de repos conformément à l’article 4.
3. Les limites générales :
L’ordonnance fixe des limites générales à l’ensemble des mesures dérogatoires.
La première limite tient au fait que les mesures dérogatoires soient justifiées par l’intérêt de l’entreprise et afin de faire face aux difficultés économiques financière et sociales de la propagation du covid-19.
La formule étant large, cette limite tient plus de la proclamation de principe que d’une véritable limite.
La deuxième limite tient au fait que les décisions tendant à imposer des repos et à modifier les dates de repos doivent être notifiées aux salariés avec un délai de prévenance d’au moins un jour franc soit, en pratique, deux jours avant la date de congé prévue ou annulée.
La troisième limite tient au caractère temporaire de la dérogation : le repos ne saurait être imposé ou modifié qu’autant qu’il soit prévu avant le 31 décembre 2020.
Enfin, la quatrième limite tient au quantum d’utilisation des dérogations ouvertes : à l’exception des congés payés (pour lesquelles les limites sont fixées par accord collectif), l’article 5 de l’ordonnance limite à 10 jours le nombre de repos qui peuvent être imposés ou modifiés.
II – L’augmentation du temps travail pour permettre la poursuite d’activité dans les secteurs essentiels
La poursuite d’activité dans les secteurs essentiels, non encore déterminés (1), sera facilitée par l’assouplissement des durée maximales de travail et des règles de repos (2), et par la dérogation de la règle du respect dominical (3).
1. Des secteurs essentiels non encore déterminés
Les différentes dérogations prévues par les articles 6 et 7 s’appliqueront aux entreprises « relevant de secteurs d'activités particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation et à la continuité de la vie économique et sociale ».
Ces différents secteurs devront être définis par décret du Ministère du travail dans les jours à venir.
2. L’assouplissement des durées maximales et des repos
L’ordonnance prévoit en son article 6 que les règles suivantes sont susceptibles de dérogation :
- Durée quotidienne de travail maximale portée de 10 heures à 12 heures
- Durée quotidienne de travail maximale des travailleurs de nuit portée de 8 heures à 12 heures sous réserve d’octroi d’un repos compensateur de 4 heures
- Durée du repos quotidien porté de 11 heures à 9 heures, sous réserve d’octroi repos compensateur de 2 heures
- Durée hebdomadaire maximal porté de 48 heure à 60 heures
- Durée hebdomadaire maximale moyenne sur douze semaines glissantes porté de 44 heures à 48 heures.
- Durée hebdomadaire maximale moyenne sur douze semaines glissantes pour les travailleurs de nuit portée de 40 heures à 44 heures
En pratique, ces dérogations existent déjà pour la plupart et sont en droit commun mobilisables sur accord de l’Inspection du travail, en cas de circonstances exceptionnelles.
L’ordonnance n’innove qu’en ce qu’elle permet, par des décrets qui fixeront les dérogations applicables secteur par secteur, aux entreprises de se prévaloir d’une autorisation générale et de ne plus avoir à interroger de manière individuelle l’Inspection du travail.
Ces dispositions ne s’appliquent toutefois que jusqu’au au 31 décembre 2020.
3. La dérogation au travail dominical
L’article 7 de l’ordonnance est quant à elle relative au travail dominical.
Elle permet aux employeurs des secteurs d’activité définis par décret, ainsi qu’aux fournisseurs de ces employeurs, d’attribuer le repos hebdomadaire par roulement.
Là encore, ces dispositions ne s’appliquent que jusqu’au au 31 décembre 2020.