La rupture conventionnelle est un mode de rupture du contrat de travail qui résulte d'un accord entre le salarié et l'employeur.
Encore récent, le régime de ce mode de rupture est encore balbutiant.
Quelques décisions nous permettent aujourd'hui de définir les contours de cette rupture amiable qui séduit de plus en plus et représente près de 12% des ruptures de contrat de travail.
Parmi les conditions de fond, la jurisprudence a précisé que l'existence d'un désaccord antérieur entre les parties empêchait la conclusion d'une rupture conventionnelle.
En effet, la rupture conventionnelle ne peut avoir pour but de mettre un terme à un conflit entre un employeur et un salarié.
Le libre consentement des parties peut être altéré par une situation conflictuelle préexistante.
Si malgré un contexte tendu la convention de rupture est néanmoins homologuée,elle risque d'être annulée par le Conseil de prud'hommes et requalifiée enlicenciement sans cause réelle et sérieuse.
C'est le Conseil de prud'hommes de Bobigny qui a le premier transposé la jurisprudence dégagée pour les départs négociés et jugé que l'existence d'un différend entre les parties sur la rupture du contrat faisait obstacle à la conclusion d'une convention de rupture.
(Cons. prud'h. Bobigny 6 avril 2010 n° 08-4910, SARL Duo Transaction)
Quelques jours plus tard la Cour d'appel de Rouen lui emboitait le pas en apportant des précisions complémentaires.
Selon la Cour, l'existence d'un désaccord entre les parties n'entraîne une requalification de la rupture conventionnelle en licenciement sans cause réelle et sérieuse que si la situation conflictuelle était antérieure et avait perduré à la date de l'entretien préalable.
La Cour d'appel de Rouen opérait une distinction entre désaccord sur un sujet particulier et situation conflictuelle.
(CA Rouen 27 avril 2010 n° 09-4140, ch. soc., Cadart c/ Sté Nus)
La question de la validité de la rupture conventionnelle suscitant toujours autant d'interrogations, cette subtile distinction méritait d'être éclaircie.
La Cour d'appel de Montpellier, allant peut être à contre-courant, considère que seul unvice du consentement justifie l'annulation de la rupture, dans la mesure où ni le code du travail, ni les débats parlementaire à l'occasion de l'adoption de la loi du 25 juin 2008 n'ont précisé que la rupture conventionnelle devait être subordonnée à l'absence d'un litige antérieur.
(CA Montpellier, 16 novembre 2011 n° 10-04670)
Un arrêt du 22 février 2012 de la Cour d'appel de Paris tente quant à lui d'apporter plus de précisions quant à la notion de litige antérieur.
Dans cette affaire, un salarié d'une brasserie conclut avec son employeur une rupture conventionnelle homologuée par l'administration.
Cependant, trois mois après la cessation de son contrat de travail, l'employé demande l'annulation de la convention de rupture et sa requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse au motif qu'il existait au moment de la rupture un litige entre lui et son employeur.
Il s'avère qu'avant la rupture, l'intéressé avait fait l'objet de deux avertissements en raison d'un comportement discourtois à l'égard de la clientèle et de commandes mal enregistrées.
La dernière sanction avait été notifiée deux mois avant la rupture conventionnelle.
La Cour d'appel rejette l'argumentation du salarié :
« Considérant que cet avertissement dont les motifs ne sont pas remis en cause, ne caractérise pas un différend entre les parties, mais témoigne de l'exercice par l'employeur de son pouvoir disciplinaire ;
Qu'à aucun moment, la société n'a manifesté l'intention de mettre en oeuvre une procédure de licenciement antérieurement à la signature de la convention de rupture à laquelle celle-ci aurait mis fin ».
En d'autres termes, la rupture conventionnelle ne doit pas avoir pour objet de mettre un terme à un litige entre l'employeur et le salarié, au risque d'être annulée.
La Cour d'appel de Paris prend le soin de préciser que l'employeur n'avait jamais manifesté l'intention d'engager une procédure de licenciement avant la signature de la convention de rupture.
Par ailleurs, et c'est un élément qui revêt une grande importance, la salarié n'avait pas contesté la sanction.
Par conséquent, son consentement était sans équivoque.
(CA Paris 22-2-2012 n° 10-04217 FRS 6/12 inf. 8 p. 15)
Houria KADDOUR, Avocat Lyon