En effet, l'article L.114-1 alinéa 1 du Code des assurances dispose que "toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance".
Ce délai de deux ans fait l'objet d'une exception à l'alinéa 4 du même article : "la prescription est portée à dix ans dans les contrats d'assurance sur la vie lorsque le bénéficiaire est une personne distincte du souscripteur et, dans les contrats d'assurance contre les accidents atteignant les personnes, lorsque les bénéficiaires sont les ayants droit de l'assuré décédé".
L'alinéa 5 ajoute : "pour les contrats d'assurance sur la vie... les actions du bénéficiaire sont prescrites au plus tard trente ans à compter du décès de l'assuré". Cette disposition s'applique aux contrats d'assurance sur la vie en cours comportant des valeurs de rachat ou de transfert et n'ayant fait l'objet, à compter du décès de l'assuré ou du terme du contrat, d'aucune demande de prestation à la date du 18 juin 2008.
La prescription biennale est d'ordre public (article L.114-3 du Code des assurances).
L'assureur est tenu d'une obligation d'information, il doit mentionner dans le contrat les dispositions relatives à la prescription. En effet, l'article R.112-1 du Code des assurances dispose que "les polices d'assurance ... doivent rappeler les dispositions des titres Ier et II du Livre Ier de la partie législative concernant ... la prescription des actions dérivant du contrat d'assurance". Mais aucune sanction n'est prévue par un texte. La jurisprudence a donc précisé la sanction. Elle a jugé que les conditions générales qui se bornent à rappeler que "toutes actions dérivant du présent contrat sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y a donné naissance dans les termes des articles L. 114-1 et L.114-2 du Code des assurances", sans autre précision, ne respectent pas l'article R.112-1 et a sanctionné par l'inopposabilité de la prescription biennale à l'assuré (Cass civ 3ème, 28 avril 2011, pourvoi n°10-16269). Les articles L.114-1 et L.114-2 du Code des assurances doivent être reproduits dans le contrat d'assurance. Cette solution est très protectrice des droits des assurés qui n'auront pas eu connaissance, en lisant leur contrat, des modes d'interruption de la prescription notamment l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception. La prescription n'aura pas commencé à courir à leur encontre. Cependant, dans cette situation, l'assureur peut tout à fait rendre opposable à son assuré la prescription biennale en modifiant le contrat, dans les conditions prévues par la loi, afin d'y ajouter les dispositions des articles L.114-1 et L.114-2.
Il conviendra de déterminer le domaine de la prescription biennale (I) puis ses modalités d'application (II).
I) Le domaine d'application de la prescription biennale
Cette prescription s'applique aux actions dérivant du contrat d'assurance (A). En conséquences, certaines actions sont exclues (B).
A) Les actions dérivant du contrat d'assurance
La prescription biennale concerne les actions qui portent sur la validité, la nullité et l'exécution du contrat d'assurance :
- actions en paiement des primes,
- actions en règlement de sinistres,
- actions en responsabilité engagées par l'assuré contre l'assureur,
- actions récursoires de l'assureur contre l'assuré en remboursement de l'indemnité versée à la victime, alors que l'assuré était déchu de la garantie pour déclaration tardive du sinistre et que cette déchéance était inopposable à la victime,
- actions en répétition de l'indu,
- actions en nullité pour fausse déclaration intentionnelle.
B) Les actions exclues
Outre, les actions mentionnées aux alinéas 4 et 5 de l'article L.114-1 du Code des assurances (cf supra), les actions qui ne dérivent pas du contrat d'assurance sont soumises au délai de prescription de droit commun :
- 5 ans (article 2224 du Code civil),
- 10 ans pour les actions en responsabilité engagées par la victime, directe ou indirecte, à raison d'un évènement ayant entraîné un dommage corporel (article 2226 alinéa 1 du Code civil).
On peut citer l'action en responsabilité engagée par l'assuré contre son mandataire (courtier d'assurance), l'action directe de la victime contre l'assureur de responsabilité de l'auteur du dommage, l'action d'une personne subrogée dans les droits de la victime qu'elle a indemnisée. Tous ces exemples sont des actions en responsabilité civile délictuelle.
II) Les modalités d'application de la prescription biennale
A) Le droit invoqué par voie d'action et par voie d'exception
1) par voie d'action
Le demandeur va agir plus de deux ans après le point de départ de la prescription. Si aucune cause de suspension ou d'interruption n'est survenue, le défendeur pourra invoquer comme moyen de défense la prescription.
2) par voie d'exception
Ici, le demandeur va agir dans le délai de deux ans. L'action ne sera pas prescrite. Cependant, le défendeur va invoquer comme moyen de défense une exception mais connue par lui depuis plus de deux ans.
S'il s'agit d'une exception de nullité, elle est perpétuelle. Le défendeur peut la soulever plus de deux ans après le début où il aurait pu demander cette nullité par voie d'action.
L'exception de nullité ne peut jouer que si le contrat d'assurance n'a pas encore été exécuté totalement ou en partie (Cass civ 2ème 19 octobre 2006).
La perpétuité est valable pour toutes les exceptions. Dans un arrêt du 11 janvier 1989, la première chambre civile de la Cour de cassation a jugé que "la prescription biennale ... n'atteint que l'action dérivant du contrat d'assurance, elle ne peut être étendue au moyen de défense opposé à une telle action".
Cependant, les demandes reconventionnelles formulées par le défendeur au cours d'une instance sont prescrites si elles n'ont pas été introduites dans le délai de deux ans à compter de l'évènement qui y donne naissance (sous réserve de l'absence d'une cause d'interruption ou de suspension). En effet, dans un arrêt du 21 novembre 2000, la première chambre civile de la Cour de cassation a jugé que "la prescription de l'article L.114-1 du Code des assurances, qui éteint les actions du contrat d'assurance, n'a lieu d'être écartée que pour les moyens de défense contestant la garantie due en vertu du contrat", l'assuré est donc fondé "à se prévaloir de la prescription biennale à l'encontre de la demande, formulée reconventionnellement par l'assureur, en paiement d'un arriéré de primes et en compensation judiciaire".
B) Le point de départ du délai de la prescription biennale
1) Le principe
Le délai commence à courir le jour où s'est produit l'événement qui donne naissance à l'action (article L.114-1 alinéa 1 du Code des assurances) :
- date d'échéance de la prime pour une action en paiement,
- date du sinistre pour une action en paiement d'indemnité. Ce point de départ fait l'objet d'une réserve (cf infra),
- date de l'indemnisation de la victime, lorsque l'assureur exerce une action récursoire contre son assuré en raison de l'inopposabilité d'une déchéance de garantie,
- en matière d'assurance de groupe souscrite par un établissement de crédit, "la prescription de l'action de l'assuré contre l'assureur ne commence à courir que lorsque le risque garanti s'est réalisé qu'à compter du premier des deux événements suivants, soit le refus de garantie de l'assureur, soit la demande en paiement de l'établissement de crédit, bénéficiaire de l'assurance par l'effet de la stipulation faite à son profit" (Cass civ 2ème, 13 juillet 2006, pourvoi n°05-15603).
2) Les exceptions
Ils sont prévus aux alinéas 2 et 3 de l'article L.114-1 du Code des assurances :
- en cas de réticence, omission, déclaration fausse ou inexacte sur le risque connu, la prescription ne court que du jour où l'assureur en a eu connaissance,
- en cas de sinistre, la prescription court du jour où l'assuré en a eu connaissance. C'est à lui de rapporter la preuve de cette date,
- quand l'action de l'assuré contre l'assureur a pour cause le recours d'un tiers, la prescription court du jour où ce tiers a exercé une action en justice contre l'assuré ou a été indemnisé par ce dernier. C'est l'évènement qui se réalise le premier qui fait démarrer la prescription.
Une autre exception est prévue par la jurisprudence en matière d'assurances contre les accidents corporels. "Le sinistre est constitué par la survenance de l'état d'incapacité ou d'invalidité de l'assuré... le sinistre faisant courir le délai biennal de la prescription extinctive était constitué le jour de la consolidation de l'état de l'assuré" (Cass civ 2ème, 11 octobre 2007, pourvoi n°06-17822).
C) L'interruption et la suspension de la prescription biennale
Les causes d'interruption et de suspension sont limitatives. En effet, l'article 2254 du Code civil, qui prévoit la possibilité pour les parties de modifier le délai de prescription et ajouter aux causes d'interruption et de suspension, n'est pas applicable aux contrats d'assurances, conformément à l'article L.114-3 du Code des assurances.
1) les causes d'interruption
L'interruption est définie à l'article 2231 du Code civil, elle "efface le délai de prescription acquis. Elle fait courir un nouveau délai de même durée que l'ancien".
L'article L.114-2 du Code des assurances prévoit que la prescription biennale est interrompue par les causes ordinaires de droit commun, mais aussi par des causes spécifiques.
a) les causes de droit commun
Conformément aux articles 2240 à 2246 du Code civil, la prescription biennale peut être interrompue par :
- une demande en justice, même en référé, ou porté devant une juridiction incompétente (l'interruption produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance),
- un acte d'exécution forcée (un commandement de payer ou une saisie),
- la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrit. Cette reconnaissance doit être précise et non équivoque. La reconnaissance, même partielle, que le débiteur fait du droit de celui contre lequel il prescrivait entraîne pour la totalité de la créance un effet interruptif de prescription qui ne peut se fractionner.
b) les causes spécifiques au contrat d'assurance
Selon l'article L.114-2 du Code des assurances, la prescription biennale peut être interrompue par :
- l'envoi d'une lette recommandée avec accusé de réception. Cela concerne l'action de l'assureur en paiement de primes et également l'action de l'assuré en règlement de l'indemnité. La lettre recommandée avec accusé de réception est une condition de validité. Une lettre recommandée sans accusé n'interrompt pas le délai de prescription.
- la désignation d'un expert à la suite d'un sinistre. Seule la désignation d'un expert interrompt la prescription, les opérations d'expertise n'ont aucun effet interruptif. La Cour de cassation est venue préciser que l'interruption de la prescription biennale par la désignation d'experts à la suite d'un sinistre est applicable à toutes les actions dérivant du contrat d'assurance (Cass civ 1ère 24 février 2004, pourvoi n°01-02719).
2) les causes de suspension
"La suspension de la prescription en arrête temporairement le cours sans effacer le délai déjà couru" (article 2230 du Code civil). La suspension peut également empêcher la prescription de commencer, ce qui a pour effet de différer le point de départ.
D'après l'article 2235 du Code civil, la prescription ne court pas ou est suspendue contre les mineurs non émancipés et les majeurs en tutelle. Toutefois, ce même article mentionne plusieurs exceptions.
"La prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure" (article 2234 du Code civil).
La médiation et la conciliation sont également des causes de suspension. En effet, l'article 2238 dispose : "la prescription est suspendue à compter du jour où, après la survenance d'un litige, les parties conviennent de recourir à la médiation où à la conciliation ou, à défaut d'accord écrit, à compter du jour de la première réunion de médiation ou de conciliation.
Le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter de la date à laquelle soit l'une des parties ou les deux, soit le médiateur ou le conciliateur déclarent que la médiation ou la conciliation est terminée".
D) La prolongation du délai de prescription
Dans un arrêt du 13 septembre 2007, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a jugé que "l'action de la victime contre l'assureur de responsabilité, qui trouve son fondement dans le droit de la victime à réparation de son préjudice, se prescrit par le même délai que son action contre le responsable et peut être exercée contre l'assureur, au-delà de ce délai, que tant que celui-ci reste exposé au recours de son assuré". Par exemple, une victime qui a subi un dommage matériel agit contre le responsable quatre ans après le sinistre, il bénéficiera de deux années supplémentaires pour agir contre l'assureur de ce responsable. En effet, l'assureur est exposé au recours de son assuré pendant deux ans, à compter de l'assignation en responsabilité. Le délai de droit commun de cinq ans (dommages non corporels) peut donc être dépassé et atteindre sept ans, voire plus, s'il y a eu un acte suspensif ou interruptif de prescription dans les relations entre le responsable et son assureur.
E) La renonciation à la prescription biennale
La renonciation à cette prescription est toujours possible; cependant, il n'est pas possible d'y renoncer à l'avance. En effet, l'article 2250 du Code civil dispose : "seule une prescription acquise est susceptible de renonciation".
L'article 2251 du Code civil ajoute : "La renonciation à la prescription est expresse ou tacite.
La renonciation tacite résulte de circonstances établissant sans équivoque la volonté de ne pas se prévaloir de la prescription".
Ainsi, la nomination d'un expert suite à un sinistre, après que la prescription soit acquise, vaut renonciation à la prescription. Quand l'assureur dirige un procès engagé par la victime contre le responsable assuré, il renonce à la prescription.
L'acte doit être non équivoque et ne doit pas s'accompagner de réserves. Ce sont les juges du fond qui apprécieront souverainement.
La reconnaissance du droit de l'adversaire permet d'interrompre la prescription en cours, mais si celle-ci est acquise alors la reconnaissance entraînera la renonciation à la prescription.
Il est important de faire la distinction entre la reconnaissance du droit de l'adversaire survenant dans la période comprise entre le point de départ et l'expiration du délai de prescription correspondant à l'action, et la reconnaissance de ce droit survenant après l'expiration du délai de prescription.
Dans ce dernier cas, aucun effet interruptif n'est attaché à la renonciation. La Cour de cassation a eu l'occasion d'affirmer cette règle : "la renonciation de l'assureur à une prescription acquise ne fait pas courir un nouveau délai de prescription" (Cass civ 2ème 16 novembre 2006, pourvoi n°05-16082).
Des difficultés se posent suite à ce principe formulé par la Cour de cassation. Pendant combien de temps peut agir l'adversaire de celui qui a renoncé à la prescription ? Si aucun délai de prescription ne commence à courir, l'action ne doit pas pour autant être imprescriptible. Et donc de deux choses l'une :
- on peut considérer que la prescription sera celle droit commun (cinq ans). Mais dans ce cas, quel sera le point de départ ? Là aussi on peut supposer que c'est le jour de la renonciation.
- ou on peut estimer que c'est l'article 2232 alinéa 1 du Code civil qui s'applique: "le report du point de départ, la suspension ou l'interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit."
La Cour de cassation devra donc trancher cette question.