La Deutsche Bank au bord de la faillite : éléments d’explication d’un risque systémique

Publié le 09/10/2016 Vu 2 865 fois 0
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La Deutsche Bank au bord de la faillite : éléments d’explication d’un risque systémique pour le système financier international

La Deutsche Bank au bord de la faillite : éléments d’explication d’un risque systémique pour le systèm

La Deutsche Bank au bord de la faillite : éléments d’explication d’un risque systémique

Huit ans après la faillite de Lehman Brothers qui provoqua le pire effondrement du crédit depuis le krach de 1929, une banque fait de nouveau peser, selon le FMI et la FED, une menace de krach sur le système financier mondial : Deutsche Bank.

Créée en 1870 pour accompagner l’industrialisation et les exportations du Reich, Deutsche Bank fut pendant un siècle indissociable du modèle de la banque-industrie. A partir des années 1990, elle s’est convertie à la norme du capitalisme financier dérégulé, donnant la priorité aux activités de marché. Elle cumule aujourd’hui le pire des deux systèmes, conjuguant la démesure et l’obsession pour le profit à court terme propres à la finance américaine avec un complexe de supériorité tout germanique que l’on retrouve à l’origine du Dieselgate de Volkswagen.

Le modèle économique de Deutsche Bank, qui adosse un bilan de 1.800 milliards d’euros à des fonds propres limités à 62 milliards d’euros, est insoutenable. La banque de détail est peu profitable en raison des taux négatifs et de la concurrence des Landesbanken et des Sparkassen qui sont soumises à une régulation nettement plus lâche. La banque d’investissement explose sous le poids des charges en capital exigées par les nouvelles règles prudentielles alors que les revenus diminuent. Seules la gestion de fortune et la gestion d’actifs restent bénéficiaires mais ne suffissent pas à assurer la rentabilité de l’ensemble.

Parallèlement, Deutsche Bank affronte la multiplication des contentieux liés à une culture inconsidérée du risque et des bonus, qui l’a conduite à se spécialiser dans les opérations aux marges de la légalité : subprimes, manipulation des taux d’intérêts, contournement des sanctions internationales contre la Russie, dérivés pour occulter 2 milliards d’euros de pertes de Monte dei Paschi en Italie. En France, elle fut la seule institution à accepter, en 2015, d’exécuter - au prix fort - l’opération de montée masquée de l’Etat dans le capital de Renault que toutes les autres banques de la place de Paris refusèrent en raison de la violation ouverte du droit boursier.

Tout ceci conduit aujourd’hui Deutsche Bank à détenir un portefeuille de produits financiers dont l’exposition atteint 46.000 milliards de dollars, représentant 12 % des contrats de dérivés dans le monde. Son levier d’endettement culmine à 30 - à comparer à 33 pour Lehman Brothers au moment de son défaut - alors qu’il s’établit entre 20 et 25 pour les banques universelles européennes. Mais le risque systémique constitué par Deutsche Bank est bien pire que celui de Lehman du fait de son activité de banque de détail qui repose sur 566 milliards d’euros de dépôts.

La sanction de 14 milliards de dollars envisagée par la justice américaine porterait le coup de grâce à Deutsche Bank. Une fois tenu compte des provisions de 6 milliards inscrites dans ses comptes, elle amputerait la banque de 40 % de sa capitalisation boursière, déjà réduite à 17 milliards d’euros, provoquant la fuite de ses contreparties et la panique des déposants.

En dépit de son caractère tardif, de son montant démesuré et de sa nature politique, la sanction envisagée par les Etats-Unis présente le mérite de faire la vérité sur la situation de Deutsche Bank. Elle est aujourd’hui moins protégée par ses actifs liquides de 223 milliards d’euros que par son nom, qui laisse penser qu’elle bénéficie d’une garantie de l’Etat allemand, et surtout par son statut d’institution financière systémique, exemplaire du principe « Too Big To Fail ».

Deutsche Bank, par sa taille, sa dangerosité et son refus de tenir compte du nouvel environnement issu du krach de 2008, demeure une exception. Elle témoigne cependant de la situation critique du système bancaire européen qui n’a été ni recapitalisé ni restructuré, en dépit d’un stock de créances douteuses de plus de 900 milliards de dollars selon le FMI. Les sinistres se multiplient, actant l’échec de la refonte de la régulation financière. L’Allemagne demeure confrontée aux difficultés de Commerzbank qui a annoncé la suppression de 20 % de ses effectifs. Les banques italiennes croulent sous les créances douteuses, à l’image d’Unicredito et Monte dei Paschi, affichant des besoins de recapitalisation compris entre 85 et 100 milliards d’euros. L’Espagne n’en a toujours pas fini avec les séquelles de sa bulle immobilière et financière tandis que le Portugal doit faire face à la déconfiture de Santo Espirito. Le système bancaire grec ne survit que grâce à la perfusion des aides de l’Union européenne et aux 60 milliards d’euros de financements d’urgence de la BCE.

Ni le monde ni l’Europe ne peuvent s’offrir le luxe d’un nouveau choc financier alors que la croissance plafonne à 3 %, que le protectionnisme mine le commerce international, que les dettes ont augmenté de 60.000 milliards de dollars depuis 2008, que les banques centrales sont au bout de leurs possibilités d’intervention et que le populisme progresse sur tous les continents. Pour toutes ces raisons et compte tenu de la dramatique faillite de Lehman Brothers, le défaut de Deutsche Bank est exclu. Mais l’attentisme n’est plus une option.

Le sauvetage passe inévitablement par une intervention publique, comparable à ce qui a été entrepris aux Etats-Unis et au Royaume-Uni en 2008. Deutsche Bank doit naturellement négocier une forte réduction de l’amende avec la justice américaine. La cession de Postbank, voire de l’activité de gestion de fortune, méritent d’être engagées. Mais cela ne suffira pas à rendre la banque viable. Dès lors que toute augmentation de capital par le marché paraît très difficile au niveau de cours actuel et que le recours au mécanisme de secours de la BCE pourrait accélérer la contagion qu’il s’agit d’éviter à tout prix, il n’existe pas d’alternative à une aide publique en dernier ressort, quelles que soient les réticences du gouvernement allemand.

La crise de Deutsche Bank souligne par ailleurs l’incohérence de la régulation financière européenne comme le caractère inapplicable et dangereux des règles fixées pour la résolution des sinistres bancaires. Elle constitue un ultime avertissement sur la nécessité de repenser la stratégie économique de l’Europe autour de quatre priorités : l’assainissement drastique et rapide du système bancaire ; l’allégement du carcan réglementaire et fiscal ainsi que la sortie des taux négatifs de la BCE qui bloquent l’investissement ; la relance d’une croissance solide par l’amélioration de tous les facteurs de production (travail via l’éducation, capital, énergie, innovation) ; la réplique coordonnée à la guerre économique froide poursuivie par les Etats-Unis à travers leur impérialisme juridique, leur puissance financière et leur monopole de l’économie numérique.

TDG

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