L’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) : modalités de calcul et plafonnement
Par Paulin IBANDA KABAKA, Doctorant en droit public économique
Mail : ibandapaulin@yahoo.fr
L’impôt de solidarité sur la fortune est un impôt qui dénote une forte connotation idéologique. Institué par la gauche mitterrandienne en 1981, il est fortement décrié par plusieurs observateurs qui le trouvent injuste, inadapté et dépassé dans une économie mondialisée si bien qu'il a été édulcoré plus d'une fois afin d'en réduire l'impact sur les contribuables.
Au delà de toute considération idéologique, il sera question de voir comment cet impôt de solidarité sur la fortune (ISF) est calculé en appliquant un barème progressif au patrimoine net imposable (I). Néanmoins, une décote est prévue pour les patrimoines n'excédant pas un certain seuil. En plus, cet ISF est plafonné pour tenir compte de la pression fiscale globale subie sur la totalité des revenus du foyer fiscal (II) .
I. Les modalités de calcul
A. De la détermination de la valeur des biens imposables et du taux d'imposition
1) La valeur des biens imposables
L'évaluation des biens imposables se fait en suivant les différentes méthodes édictées par l’État. A cet effet, il convient de relever que l'ISF est calculé sur la valeur nette de votre patrimoine imposable au 1er de l'année d'imposition (fait générateur).
Une notice, jointe aux formulaires de déclaration, vous permet de déterminer ce montant. En cas de doute, il est conseillé de se faire assister par un expert-comptable ou un avocat fiscaliste.
2) Des taux d'imposition
Un simulateur disposé sur le site internet du gouvernement www.impots. gouv.fr permet de calculer l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) .
L'ISF est calculé sur la valeur de votre patrimoine net taxable en appliquant le barème suivant :
Barème de l'ISF
Fraction de la valeur nette taxable du patrimoine |
Taux applicable |
Jusqu'à 800 000 € |
0 % |
Entre 800 001 € et 1 300 000 € |
0,5 % |
Entre 1 300 001 € et 2 570 000 € |
0,7 % |
Entre 2 570 001 € et 5 000 000 € |
1 % |
Entre 5 000 001 € et 10 000 000 € |
1,25 % |
Supérieure à 10 000 000 € |
1,5 % |
En 2017, si vous déclarez un patrimoine dont la valeur est comprise entre 1 300 000 € et 1 399 999 €, vous bénéficiez d'une décote qui vient s'imputer sur le montant de l'ISF calculé selon le barème en vigueur.
Le montant de la décote se calcule de la manière suivante : 17 500 € - 1,25 % de la valeur nette taxable du patrimoine.
Exemple de calcul :
Patrimoine net taxable au 1er janvier 2017: 1,35 million €
ISF brut = 500 000 € x 0,5 % + 50 000 € x 0,7 % = 2 850 €
Décote applicable = 17 500 € - 1,35 million € x 1,25 % = 625 €
Montant ISF =2850 € – 625 € = 2 225 €
B. De la réduction de l'imposition
Signalons que certaines dépenses peuvent réduire le montant de l'ISF. Il s'agit des libéralités consenties aux organismes d’intérêt général ainsi que les investissements dans le capital des PME.
Concernant les dons au profit d'organismes d'intérêt général, le contribuable bénéficie d'une réduction d'ISF égale à 75 % des dons réalisés, dans la limite de 50 000 €. La notice de la déclaration indique la liste des organismes éligibles à la réduction.
S'agissant des investissements dans le capital des PME, la réduction d'ISF varie selon le type et la date de votre investissement. Dès lors, si vous sollicitez à la fois le bénéfice de la réduction pour investissement dans les PME et celui de la réduction pour dons, le plafond global annuel est de 45 000 €.
Notez bien que les dons aux organismes d'intérêt général et les investissements dans le capital des PME donnant lieu à réduction d'ISF ne peuvent pas ouvrir droit à une réduction d'impôt sur le revenu.
II. Plafonnement de l'ISF
A. Justification du plafonnement
Le plafonnement de l'ISF est expliqué par le bulletin officiel des finances publiques BOI-PAT-ISF-40-60 (à consulter sur bofip. impots.gouv.fr) .
En application de l'article 885 V bis du code général des impôts (CGI), l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) du redevable ayant son domicile fiscal en France est réduit de la différence entre :
- d'une part, le total de cet impôt et des impôts dus en France et à l'étranger au titre des revenus et produits de l'année précédente, calculés avant imputation des seuls crédits d'impôt représentatifs d'une imposition acquittée à l'étranger et des retenues non libératoires ;
- d'autre part, 75 % du total des revenus mondiaux nets de frais professionnels de l'année précédente, après déduction des seuls déficits catégoriels dont l'imputation est autorisée par l'article 156 du CGI, ainsi que des revenus exonérés d'impôt sur le revenu et des produits soumis à un prélèvement libératoire réalisés au cours de la même année en France ou hors de France.
Il s'agit en quelque sorte d'un bouclier fiscal mis en place afin que la pression fiscale sur les revenus perçus par un ménage imposable à l'ISF ne dépasse pas 75 %. Ainsi, l'ISF est plafonné en fonction du montant cumulé des impôts sur les revenus. En effet, par exemple, l'impôt sur les revenus de 2016 (contributions sociales et contribution exceptionnelle sur les hauts revenus inclus) ajouté à l'ISF 2017 ne doit pas dépasser 75 % des revenus perçus en 2016.
En cas de dépassement, la différence est déduite du montant de l'ISF.
Le contribuable est tenu de calculer le plafonnement de son ISF à l'aide d’une fiche de calcul qui n'est pas à adresser à l'administration fiscale.
Ce qui justifie ce plafonnement, c'est l'objectif d'éviter que l'imposition n'atteigne des niveaux confiscatoires par rapport aux revenus du contribuable. C'est dans cette optique que la loi a prévu un mécanisme de plafonnement.
Cela est la résultante de ce qu'on qualifie désormais de syndrome du retraité de l'Ile de Ré : celui qui touche des très faibles revenus, mais dont la maison de famille atteint désormais une valeur élevée du fait de la domiciliation de l'immeuble dans cette partie du territoire national. Un cas extrême, mais il n'est pas rare que le montant de l'ISF pèse très lourdement sur les contribuables dotés d'un beau patrimoine mais disposant, cependant, de faibles ressources.
C'est pour tenir compte de la délicate situation de pareils contribuables que le mécanisme du plafonnement a été émis en place.
En pratique, ce plafonnement vise à éviter que le total formé par l'ISF, l'impôt sur le revenu (prélèvements libératoires inclus) et les contributions sociales d'une année n'excède 75 % des revenus de l'année précédente. En cas d'excédent, celui-ci vient en diminution de l'ISF à payer.
En principe réservé aux seuls redevables fiscalement domiciliés en France, l'administration accepte parfois d'étendre ce mécanisme à des non résidents mais dans la seule condition que ces derniers perçoivent la quasi-totalité de leurs revenus en France.
Seuls les redevables de l'ISF qui ont leur domicile fiscal en France (BOI-PAT-ISF-20) peuvent bénéficier du plafonnement. Le domicile fiscal des redevables s'apprécie au 1er janvier de chaque année d'imposition.
Ainsi, la personne qui a son domicile fiscal en France au premier jour de la période d'imposition bénéficie du plafonnement, y compris en cas de transfert ultérieur de ce domicile hors de France. A l'inverse, la personne qui installe son domicile fiscal en France en cours d'année ne peut bénéficier du dispositif de plafonnement au titre de cette même année.
Par ailleurs, par un arrêt du 14 février 1995 (affaire C-279/93, Schumacker), la Cour de justice de l'Union européenne a jugé que les États membres, qui sont fondés à traiter différemment les non-résidents de leurs résidents, doivent en revanche les traiter à l'identique lorsque les premiers se trouvent, du fait qu'ils tirent de l’État concerné la totalité ou la quasi-totalité de leurs revenus, dans une situation comparable à celle des seconds. Par suite, les personnes concernées, dites "non-résidents Schumacker" (pour plus de précisions, se reporter au BOI-IR-DOMIC-40), sont éligibles au dispositif de plafonnement de l'ISF dans les conditions et selon les modalités prévues à l'article 885 V bis du CGI.
B. Éléments constitutifs et calcul
Le calcul est difficile à effectuer car il y a plusieurs éléments à prendre en considération au titre des impôts à payer d'une part et d'autre part, au titre des revenus.
En ce qui concerne l’impôt, la somme de l'ISF, des impôts dus en France et à l'étranger au titre des revenus et produits de l'année précédente, c'est-à-dire l'impôt sur le revenu au taux progressif ou au taux proportionnel, les prélèvements sociaux, la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus.
S’agissant des revenus, il est tenu compte des revenus mondiaux (plus-values incluses) nets de frais professionnels, de l'année précédente après déduction des déficits catégoriels imposés en France ou à l'étranger, les revenus exonérés d'impôt sur le revenu et les produits soumis à un prélèvement libératoire encaissés au cours de la même année en France et hors de France. Selon Isabelle Emin, avocate associée chez Fidal, depuis le 1er janvier 2017, l'administration pourrait, en théorie, majorer ces revenus d'un revenu additionnel dans l'hypothèse où elle parviendrait à démontrer que le contribuable a eu recours, dans le but principal de bénéficier du plafonnement, à une société soumise à l'impôt sur les sociétés qu'il contrôle pour encaisser des revenus distribués qui, à défaut, seraient venus majorer ses revenus et limiter les effets du plafonnement de l'ISF (« cash box ») .
Les revenus sont en principe retenus pour leur montant brut, c'est-à-dire abstraction faite des réductions et abattements dont ils pourraient bénéficier en matière d'impôt sur le revenu.
Il en va de même pour les plus-values, étant entendu que celles placées en sursis ou report d'imposition auront un impact sur le calcul du plafonnement non pas de l'année de leur réalisation mais de celle où le sursis ou le report expire.
Enfin, les déficits réalisés sont retenus l'année de leur imputation sur le revenu global ou catégoriel.
Bien sûr, tous les impôts et revenus à prendre en compte sont ceux du foyer fiscal au sens de l'ISF (le contribuable, son conjoint et leurs enfants mineurs).
Exemple
M. LEDUC est célibataire et sans enfant à charge. Son actif net imposable à l'ISF (ISF théorique déduit) s'élève à 8 millions d'euros. En 2016, il a perçu des revenus fonciers nets de 80.000 euros. Il n'a pas de revenus exonérés.
Ses impôts sont constitués d'un ISF arrondi à 73.000 euros, d'un impôt sur le revenu de 19.000 euros et d'une CSG de 12.400 euros.
Total des impôts à prendre en compte : 73000 EUR + 19000 EUR+12.400 EUR =104.400 EUR
Plafond (75 % des revenus) :80.000 EUR x 75 % =60.000 EUR
Montant de la réduction d'ISF : 104.400 EUR - 60.000EUR =44.400 EUR
ISF exigible après plafonnement : 73.000EUR - 44.400 EUR =28.600 EUR
Grâce à la technique du plafonnement, il est permis à M. LEDUC de payer 28600 euros au titre de l'ISF au lieu de 73000 euros qui est le montant théorique de cet impôt, soit une économie de 44400 euros.