La problématique des dépenses de fonctionnement dans le budget congolais: plaidoyer pour l'instauration de la fongibilité asymétrique.
Par IBANDA KABAKA Paulin Mail : ibandapaulin@yahoo.fr
Les finances publiques en République démocratique du Congo sont souvent aux prises avec la contrainte résultant des déficits budgétaires. Dans la gestion des finances publiques congolaises, les frais de fonctionnement constituent la rubrique du budget de l'Etat qui est souvent à l'origine des dérapages budgétaires au Congo. Pour mettre fin à ces dérapages budgétaires et assurer une gestion orthodoxe du Budget, il est impérieux de changer de pratique et de philosophie de gestion budgétaire dans ce pays qui est le poumon économique de l’Afrique centrale.
En effet, plusieurs pays à travers le monde, s’inspirant des idées propagées par le courant économique qualifié de « New Public Management » 1 , ont adopté des stratégies tendant à mesurer la performance dans la gestion publique en vue de limiter la progression des déficits budgétaires et des dépenses publiques.
Dès lors, il serait tout à fait indiqué de commencer à limiter certaines catégories des dépenses budgétaires, en l’occurrence les dépenses de fonctionnement qui sont souvent gonflées par les ordonnateurs publics congolais en violation souvent ouvertes de différentes lois budgétaires : les crédits votés par le Parlement ne sont jamais respectés et l’exécution des crédits budgétaires traduit toujours un dépassement des sommes allouées en ce qui concerne les dépenses de fonctionnement au moment où les dépenses d’investissement qui sont censées préparer l’avenir du pays en créant un capital économique ou d’infrastructures connaissent souvent, sinon toujours une sous-exécution budgétaire.
Ainsi la question de savoir comment faire se pose. La notion pertinente que j’ai trouvée à ce niveau est celle consistant à appliquer la « fongibilité asymétrique » à la gestion des dépenses de fonctionnement car c’est elles qui posent problème en RD Congo. Pour ce faire, on doit procéder à l'attribution de montants uniformes aux Ministères et aux services spécialisés faisant partie des budgets annexes émargeant au budget général de la République. La revue générale des politiques publiques préalable à une pareille entreprise doit regrouper les ministères en termes de missions, et en retenir une quinzaine.
La répartition des crédits budgétaires proposée se fera ainsi: 3 millions de dollars annuels par ministère au minimum, le double de ce montant pour la Présidence, l'Assemblée nationale et le Sénat. Quelques ministères et services stratégiques peuvent prétendre au triple de ce montant : il s’agit de l’Intérieur, de la Justice, de la Défense, des Affaires Etrangères, de la Santé publique, de l’Education nationale, de l’Enseignement supérieur et universitaire, des Finances, de l’Armée, de la Police et des Services spéciaux des renseignements civils et militaires. Deux millions de dollars seront attribués pour le fonctionnement de chacune de 26 provinces instituées au terme de la réforme territoriale et administrative de 2016.
De ce fait, avec deux cents millions de dollars, le budget de fonctionnement hors salaires est bouclé. Le principe de fongibilité asymétrique consiste en ce que ces crédits :1) ne pourront jamais être dépassés, 2) mais ils peuvent être sous-utilisés,3) en cas de sous-consommation, les reliquats budgétaires peuvent être affectés vers d'autres dépenses, mais jamais on ne pourra prendre des crédits d'ailleurs pour financer les dépenses de fonctionnement.
En fait, il s'agit d'une vraie contrainte budgétaire microéconomique pour les ordonnateurs, voire macroéconomique pour le ministre ayant les finances dans ses attributions. De cette manière, on sortira le pays de l'aléa budgétaire qui est source d'instabilité économique. La fongibilité asymétrique de dépenses de fonctionnement dans le cadre du budget de l’Etat se démarque comme la seule considération juridique et économique idoine qui pourra permettre à la RDC de sortir de l’incurie de gestion budgétaire qui se caractérise par le dépassement généralisé des dépenses relatif au fonctionnement.
Rappelons que le New Public Management est un courant de pensée économique d’origine anglo-saxonne qui prône l’application des méthodes de gestion des entreprises privées aux services publics. C’est elle qui est à l’origine de la gestion par objectifs ou vers la performance dans les structures publiques. Il s’agit d’un courant libéral tendant à limiter l’expansion inconsidérée des dépenses publiques. En ce qui concerne la notion de fongibilité asymétrique, elle est appliquée à la gestion des crédits budgétaires relatifs au Personnel en France dans le cadre de la LOLF (Loi organique relative aux lois des finances) en ce sens que les crédits inscrits dans le budget sont des plafonds à ne pas dépasser , néanmoins en cas de sous-consommation, les gestionnaires des crédits publics sont autorisés à les redéployer sur d’autres rubriques des dépenses. En France, la contrainte est placée au niveau du Personnel, en revanche au Congo, il est proposé qu’elle se situe au niveau du fonctionnement.