Par Paulin IBANDA, Licencié en Economie monétaire et Master en Droit de l’Université de Nantes, Doctorant en Droit public économique, financier et fiscal.
0. INTRODUCTION
En 2015, la Grèce vient de demander à ses principaux créanciers notamment les pays membres de l’Union Européenne, la Banque Centrale Européenne (BCE) et le Fonds Monétaire International (FMI) l’annulation de sa dette extérieure afin qu’elle soit en mesure de s’occuper de la population grecque qui est appauvrie par plusieurs années des programmes d’austérité menés sous l’égide de cette troïka précitée.
1. RAPPEL DES FAITS HISTORIQUES ET ECONOMIE POLITIQUE DE LA DETTE GRECQUE
Selon l’Accord-cadre de Maastricht, avant d’adhérer à l’Union Monétaire Européenne (Zone Euro), tout futur membre devrait ramener ses déficits publics à 3 % du PIB et sa dette publique devrait être inférieure à 60% du PIB. Il s’agit de ce qu’on qualifie des critères de convergence de Maastricht.
Tenant à tout prix à faire partie de cette Union monétaire européenne, la Grèce s’est arrangée à maquiller ses statistiques financières avec l’assistance de la banque américaine Goldman Sachs.
Une fois dans l’Union monétaire, le pot-aux-roses fut découvert et il était tard. Face à l’énormité de ce trou financier, les autres pays de l’Union monétaire européenne étaient obligés de le financer afin de combler ce grandiose déficit public. Voila le début de l’endettement public international de la Grèce.
Dans la foulée, de l’assistance technique en matière des finances publiques avait été proposée à la Grèce et ce rôle était joué par les experts de l’Union Européenne, du FMI et de la BCE. Pour parer à toutes éventualités, une succession de programmes d’austérité tendant à réduire l’envergure des dépenses publiques d’une part et d’accroître la mobilisation des recettes fiscales a été instaurée.
Le malheur ne venant jamais seul, la crise des subprimes américains de 2007-2008 a également rattrapé la Grèce. A cet effet, l’Etat Grec pour éviter une crise systémique et l’effondrement du système financier grec, avait volé au secours de son système bancaire en prêtant de l’argent qu’il n’avait pas et qu’il empruntait auprès des marchés financiers internationaux à ses banques. Cet acte héroïque a fait quasiment tripler sa dette publique.
Au jour d’aujourd’hui, la dette publique grecque avoisinerait les 320 milliards, soit 175 % de son PIB.
En 2012, la Grèce asphyxiée par la crise de subprimes américains, a connu une restructuration de sa dette extérieure. Cette dette était auparavant détenue majoritairement par des banques privées internationales. Mais les Etats se sont substitués aux banques en reprenant leurs actifs et ont supprimé les risques dans le chef de ces dernières. Par exemple la France détient presque 24 milliards d’euros de la dette grecque en janvier 2015.
Au regard de l’importance de sa dette par rapport à la richesse produite (PIB), il est évident que la Grèce n’est pas en mesure d’assurer sans sacrifices supplémentaires le remboursement de sa dette. La Grèce est donc visiblement surendettée et sa dette est insoutenable.
Face à l’insoutenabilité de la dette d’un pays, les créanciers ont souvent décidé d’annuler carrément cette dernière. C’est le cas de l’Allemagne à la Conférence de Londres en 1953 où ses créanciers ont effacé une bonne partie de ses dettes contractées au titre des dommages causés aux pays tiers durant la 1ère et la Seconde Guerres Mondiales .
Par ailleurs, l’effacement de la dette publique est devenue monnaie courante depuis une décennie au niveau multilatéral depuis la création de l’initiative PPTE gérée par le FMI et la Banque Mondiale. Ainsi, plusieurs pays en voie de développement dont la dette publique était non soutenable, ont vu leurs dettes extérieures annulées pour des milliards d’euros.
Face aux sacrifices endurés par les citoyens grecs, certains dirigeants politiques ont prôné la fin de l’austérité et la dénonciation du remboursement aveugle de ses dettes par la Grèce. Et le peuple a adhéré à ce discours et vient de confier les rênes du pays à ces derniers.
2. POLITIQUE ANTI AUSTERITE ET LA QUESTION DE LA DETTE GRECQUE
Dans une situation bloquée comme celle de la Grèce où la crise économique bat son plein et avec une consommation et des investissements en rade, la seule issue est de mettre en place une politique de relance économique. Cette politique de relance a pour but d’activer et d’augmenter la consommation publique, qui en redistribuant des revenus supplémentaires, va engranger la dynamique de croissance économique. Ce n’est qu’un taux de croissance suffisamment positif qui pourrait permettre à la Grèce d’avoir de marge de manœuvre et de payer correctement ses dettes. Car en effet, le rendement fiscal est positivement corrélé avec la croissance économique.
En outre, tous les économistes savent qu’on ne peut pas faire de la croissance en poursuivant une politique d’austérité et qu’un Etat gagne plus d’argent avec la croissance que le contraire. Bref, l’austérité est l’ennemi de la croissance.
Il est clairement établi qu’il est aussi difficile d’honorer ses engagements de remboursement de dette sous une cure d’austérité qu’à un chameau de passer par le trou d’une aiguille.
Seul un plan de relance pourrait permettre à la Grèce de faire face durablement à ses engagements internationaux d’une part et de respecter les engagements résultant de la démocratie directe et populaire d’autre part.
3. SOLUTIONS POSSIBLES POUR LA DETTE GRECQUE
La grande inquiétude des bailleurs des fonds de la Grèce, c’est d’ouvrir la boîte de Pandore. A côté de la Grèce, il y a plusieurs Etats méditerranéens qui sont surendettés. C’est le cas de l’Italie, de l’Espagne et du Portugal. Tout le monde craint l’effet domino.
Par ailleurs, un défaut de paiement de la Grèce risque d’enclencher des effets spéculatifs sur toutes les bourses européennes qui risquent de chuter car les Etats créanciers non payés verront leurs déficits augmenter automatiquement parce qu’ils seront contraints d’essuyer les ardoises grecques eux-mêmes.
La Grèce a honoré une échéance de 3,4 milliards en mars 2015. Dans l’état actuel des choses, il serait mieux de laisser le Gouvernement grec tranquille et lui accorder un rééchelonnement de sa dette de 50 ans avec un délai de grâce de 20 ans. Ainsi concernant sa dette actuelle, la Grèce va payer mais à partir de 1935 jusqu’en 2065. Ceci permettrait à la Grèce de souffler et de faire sa politique de relance et à ses créanciers de ne pas perdre leurs créances.
Néanmoins, les créanciers qui pourraient faire un geste profiteraient de ce cadre pour annuler une partie de leurs dettes car sur les 320 milliards que doit la Grèce, 100 milliards sont potentiellement annulables car appartenant à des Etats.
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Doctorant en droit public économique, financier et fiscal