IBANDA KABAKA, Doctorant en Droit public, Université de Pau et des pays de l’Addour
Le département est une institution administrative qui est comprise entre la région et la commune et qui fait partie des collectivités territoriales françaises. Bien qu'exerçant des missions qui lui sont propres, et y égard à un environnement contraint fait des contraintes budgétaires, d'aucuns soutiennent que pour réformer les collectivités territoriales, il faut supprimer les départements dont le nombre est important. Cette idée a certes ses partisans, par contre elle compte aussi de nombreux détracteurs qui refusent la mort annoncée de ces institutions multi-centenaires.
Pour mieux traiter ce sujet, il sera fait état des tenants et des aboutissants de la réforme territoriale (I) puis de la place du département dans cette dynamique(II).
I. La réforme territoriale, une démarche normale de management public
A. La justification de la réforme territoriale
Les collectivités territoriales ont été créées d'abord dans le cadre de la déconcentration puis elles sont devenues des entités administratives décentralisées dotées d'une autonomie juridique, politique et financière. Évoluant dans un État unitaire, elles sont soumises au contrôle hiérarchique du pouvoir central. « Processus d’aménagement du territoire français, la décentralisation permet de transférer des compétences administratives de l’État vers les collectivités locales. L’article 1er de la Constitution précise que "l'organisation de la République française est décentralisée". La France compte 101 départements, 36 700 communes, 22 régions et 2 600 groupements intercommunaux. »
Ainsi comme toute structure administrative, les collectivités territoriales que ce soit sur le plan organique ou sur le plan fonctionnel, sont appelées à évoluer car le contexte social est mouvant. De ce fait, les structures et les missions peuvent être ajoutées ou supprimées, cela dépend des objectifs politiques de la majorité au pouvoir au niveau national. Pour des entités créées depuis des siècles pour certaines, il est normal de temps en temps qu'elles soient réformées, disons retouchées pour qu'elles s'adaptent aux évolutions de la société qu'elles sont censées servir.
Nous partageons l’avis de certains observateurs qui affirment, nous citons : « Aujourd’hui, la France compte quatre échelons administratifs locaux qui se partagent des compétences : commune, intercommunalité, département et région. Cet empilement des échelons d’administration, les compétences partagées et les financements croisés sont souvent résumés par l'expression "millefeuille territorial". Cette organisation est souvent illisible pour le citoyen et nuit à l’efficacité de l’action publique des territoires » .
B. Les enjeux et les mesures de cette réforme
Dans un contexte fait essentiellement de contraintes budgétaires, avec des déficits budgétaires persistants depuis presque quarante années, la baisse des dépenses publiques dont celles des dotations budgétaires destinées à ces collectivités réduisant du coup leur autonomie et la gestion par la performance sont devenues des impératifs de gestion publique tant au niveau national que local. C'est surtout ce contexte financier contraint qui est l’élément déclencheur de ce mouvement de réforme territoriale : le Président Sarkozy a tenté de réduire le nombre des conseillers généraux et des départements en créant les conseillers départementaux ; en revanche, sous le mandat actuel du Président Hollande, c'est la fusion des régions afin de diminuer leur nombre qui est ramené de 22 à 13 et la redéfinition des compétences leur attribuées souvent au détriment des départements qui est la principale réforme territoriale de cette législature 2012-2017 au terme des dispositions contenues dans la Loi n° 2015-991 du 7 août 2015 relative à la nouvelle organisation territoriale de la république dite Loi NOTRé.
Il s’agit d’une réforme territoriale qui entend transformer pour plusieurs décennies l’architecture territoriale de la République dont l’objectif est la baisse des dépenses publiques et une meilleure prise en compte des besoins citoyens.
Quelle est la place du département dans tout cet imbroglio ?
II. La place du département dans le giron territorial est-elle menacée ?
A. Le département, une entité administrative mal aimée...
Créés par les décrets du 22 décembre 1789 et du 15 janvier 1790 au nombre de 83 de la Constituante sous les ordres de l'Empereur Napoléon dont le souci primordial était de diviser le territoire national en groupements administratifs homogènes afin de mieux les administrer, les départements traînent une longue histoire derrière eux. Actuellement au nombre de 101, ils sont souvent victimes de leur nombre. Ce qui fait vite penser à leurs détracteurs de pouvoir les « déflater » en les diminuant dans le but de faire des économies budgétaires. Pourtant, rien ne garantit que leur réduction, voire leur suppression, arrangerait quelquechose. En effet, les fonctionnaires qui y travaillent appartiennent souvent aux services ministériels déconcentrés qui sont supervisés par le Préfet. En supprimant les départements, ces derniers seront réaffectés auprès d’autres structures de coordination administrative car il est inconcevable que les services ministériels se limitent seulement au niveau central. Dès lors, ça sera « déshabiller Saint Paul pour habiller Saint Pierre ». Dans cette hypothèse, seules les dotations globales de fonctionnement liées à l'acquisition des fournitures pourront baisser, le reste restant intact.
B. …....pourtant nécessaire
Nul n'ignore que les départements constituent un échelon administratif de proximité avec des Préfets et leurs délégués qui assurent un maillage administratif réel du territoire national qui profitent naturellement aux populations surtout en milieu rural. Par ailleurs, en s'occupant généralement des missions à caractère social (versement du revenu de solidarité active, aide à l'enfance, assistance aux personnes handicapées, soutien aux personnes âgées,....), les départements ont fini par se rendre incontournables dans la vie des citoyens si bien que toute action tendant à leur suppression est considérée comme une mesure libérale de casse sociale.
C'est l'une de raisons qui a fait que, au moment où certains souhaitaient une réforme territoriale impactant le nombre des départements, c'est finalement les régions qui viennent d'en faire les frais. Ceci parce que, étant de structures de proximité, les gens sont plus attachés à leurs départements comme dénominateur commun d'identification culturelle et de proximité sociale qu'aux régions.
En guise de conclusion, il convient de dire que les velléités « suppressionnistes » à l’égard des départements existent bel et bien. Dans un contexte contraint fait de rigueur budgétaire et de recherche d’efficacité dans la gestion publique territoriale, les départements constituent les boucs-émissaires idéaux pour des raisons sus-évoquées. Néanmoins, vu leur rôle des structures administratives de proximité et de lutte contre la précarité sociale auprès des populations, ils ont encore de beaux jours devant eux car ils demeurent populaires auprès des habitants.
__________________________
Doctorant en droit public économique, financier et fiscal