La Cour de cassation constate qu’eBay n’a pas la qualité d’hébergeur.

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La Cour de cassation constate qu’eBay n’a pas la qualité d’hébergeur.

Ch.com., 3 mai 2012 n°11-10.508, n°11-10.507 et n°11-10.505.

Par trois arrêts en date du 3 mai 2012, la Cour de Cassation s’est prononcée dans l’affaire « Christian Dior et Louis Vuitton c/ eBay A.G et eBay International[1] », approuvant la Cour d’appel de Paris d’avoir considéré que la plateforme de vente aux enchères n’a pas la qualité d’hébergeur.

Ces arrêts ne sont pourtant pas de nature à couper court aux divergences entre les juges d’appel, dont une partie participe à une application distributive de la qualité d’hébergeur aux sites eBay.

1-      Les sociétés eBay jouent un rôle actif de nature à leur conférer la connaissance ou le contrôle des données qu’elles stockent. 

La Cour de cassation dans les 3 arrêts du 3 mai 2012, constate les considérations de fond de la Cour d’appel de Paris selon lesquelles « les sociétés eBay fournissent à l’ensemble des vendeurs des informations pour leur permettre d’optimiser leurs ventes et les assistent dans la définition et la description des objets mis en vente en leur proposant notamment de créer un espace personnalisé de mise en vente ou de bénéficier “d’assistants vendeurs” [...] que les sociétés eBay envoient des messages spontanés à l’attention des acheteurs pour les inciter à acquérir et invitent l’enchérisseur qui n’a pu remporter une enchère à se reporter sur d’autres objets similaires sélectionnés par elles ».

La Haute Cour approuve ensuite la cour d’appel d’en avoir déduit « que les sociétés eBay n’avaient pas exercé une simple activité d’hébergement mais qu’elles avaient, indépendamment de toute option choisie par les vendeurs, joué un rôle actif de nature à leur conférer la connaissance ou le contrôle des données qu’elles stockaient et à les priver du régime exonératoire de responsabilité prévu par l’article 6.1.2 de la loi du 21 juin 2004 et l’article 14 §1 de la Directive 2000/31 ».

Ces décisions attendues appliquent les critères retenus par la CJUE dans l’arrêt « L’oréal c/ Ebay[2] » précisant que lorsqu' il [Le site] « prête une assistance consistant notamment à optimiser la présentation des offres à la vente en cause ou à promouvoir celles-ci (...), il joue un rôle actif de nature à lui conférer une connaissance ou un contrôle des données relatives à ces offres ».

La Cour d’appel de Paris avait déjà eu l’occasion de juger qu’eBay [les sociétés] ne pouvait bénéficier de la qualité d’hébergeur par un arrêt du 23 janvier 2012[3]  en raison de sa participation à la promotion des ventes et de leur orientation.

2-      Un arrêt à la portée limitée s’agissant de la qualité d’hébergeur du site eBay.

Contrairement à ce que l’on pouvait lire dans certain articles, la Courde cassation ne tranche pas la question de savoir si eBay est un hébergeur, mais se contente d’approuver les juges du fond d’avoir bien motivé leur décision quant au fond.

Les critères de connaissance ou de contrôle des données stockées relèvent en effet de l’appréciation souveraine des juges du fond entre lesquels peuvent subsister des divergences.

Force est de constater que la Cour d’appel de Paris peut considérer une nouvelle fois qu’eBay possède la qualité d’hébergeur, ce qui fut le cas à travers l’arrêt rendu le 4 avril 2012[4].

Rendue à propos du processus d’identification des vendeurs sur eBay et l’absence de contrôle suffisant de la véracité des informations qu’ils fournissent, la Courd’Appel de Paris lui appliquait la qualité d’hébergeur au motif que « le fait de fixer les modalités de son service et de vouloir vérifier la situation d’un vendeur professionnel en lui demandant de fournir des éléments sur ce point ne saurait relever d’un acte d’édition ».

Nous avions interprété cet arrêt comme révélant une appréciation in concreto des actes litigieux, permettant une application distributive du statut d’hébergeur aux sites eBay selon le service des sites en cause[5].

Cette approche retenue depuis longtemps par certains juges du fond et toujours appliquée aujourd’hui est pourtant critiquable pour de nombreuses raisons que nous avions exposées dans un précédent article[6], notamment parce que l’application du régime de responsabilité exorbitant du droit commun prévu par la LCEN, en tant que tel, doit être d’interprétation stricte.

3-      La valeur probante des constats de l’APP et la compétence des tribunaux français à l’égard du .com.

Les 3 arrêts sont riches d’enseignements.

La Cour de cassation avait l’occasion de se prononcer sur la compétence des tribunaux français à l’égard des sites en .com.

Elle reproche à la Cour d’appel d’avoir retenu pour se déclarer compétente que « la désinence “com” constitue un “TLD” générique qui a vocation à s’adresser à tout public et que les utilisateurs français peuvent consulter les annonces mises en ligne sur ce site à partir du site ebay.fr et y sont même incités ».

Conformément à la jurisprudence antérieure de la Cour de cassation, l’arrêt est cassé sur ce point en ce que le seul fait que le site eBay.com ait une telle extension ne suffit pas à établir que ce dernier vise le public français, et in extenso ne permet pas à la Cour d’Appel de se déclarer compétente à l’égard de la société de droit Américain Ebay International Inc..

La Courde cassation exige effectivement que d’autres indices corroborent cette focalisation sur le public français[7] (langue, modes de paiement…).

L’affaire est donc renvoyée devant la Cour d’appel siégeant en une autre formation, qui devra établir si ce site vise le public français pour retenir la société de droit Américain dans la cause.

Ces arrêts nous renseignent plus particulièrement sur la valeur probante des constats de l’Agence de Protection des programmes en matière de contrefaçon de marque.

Les sociétés eBay faisaient valoir que ces constats sont nuls et dénué de toute force probante, dès lors qu’ils sont destinés, selon l’article 311 du Code de la propriété Intellectuelle, à constater les infractions liées au droit d’auteur, aux droits voisins et aux droits des producteurs de données.

La Cour de cassation approuve la Cour d’appel d’en avoir tenu compte à titre de simple renseignement dès lors que les infractions aux droits de marque sont des faits juridiques, qui se prouvent par touts moyens.

Les constats de l’APP et d’huissier possèdent donc bien une force probante similaire quant à ce type d’infractions.

                                                                                                          LBV



[1] Pourvoi formé contre l’arrêt de la Cour d’Appel de Paris, pôle 5, 2ème Ch., 3 sept 2010, eBay Inc. Et eBay International c/Louis Vuitton Malletier, eBay Inc. Et eBay International c/Christian Dior Couture, eBay Inc. Et eBay International c/Parfums Christian Dior, Kenzo Parfums, Parfums Givenchy, Guerlain.

[2] CJUE, 12 juill. 2011, Gd .Ch., aff. C-324/09,RLDI 2011/74, no 2444.

[3] Cour d’appel de Paris Pôle 5, chambre 12 Arrêt du 23 janvier 2012

[4] CA Paris, 4 avril 2012, n° 10/00878

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