La Cour d’appel de Paris se prononce dans l’affaire « Google Adwords », la saga continue.
L’affaire « Google Adwords », se poursuit avec l’arrêt de la Cour d’appel de paris rendu le 19 novembre 2010, (CA Paris, 19 nov. 2010, n° 08/00620).Cet arrêt retient que Google doit être qualifié d’hébergeur dans le cadre de la fourniture de son service Adwords, car n’intervient pas dans le choix des mots-clefs proposés par ce service de référencement. Les juges font une application stricte du principe de neutralité tel que dégagé par la CJUE. Replaçons l’arrêt dans son contexte avant d’en étudier le texte.
1- Le contexte-
La Cour de cassation cassait deux arrêts de cour d’appel sur trois[1], pour défaut de base légale, reprochant aux seconds juges de n’avoir pas caractérisé le rôle actif de Google dans la fourniture de son service Adwords. De par ces arrêts la Cour de cassation exigeait ainsi des cour d’appel qu’elles suivent le raisonnement de la CJUE et que celles-ci relèvent le caractère neutre ou non de Google.
La CJUE s’est prononcée dans le cadre de 3 affaires « Google Adwords[2] » sur la notion d’hébergeur à travers une question préjudicielle posée par la Cour de cassation en interprétant la directive 2000/31/CE relative au commerce électronique.
Ainsi et selon la CJUE, l’hébergeur a une activité qui revêt « un caractère purement technique, automatique et passif » impliquant que ledit prestataire « n’a pas la connaissance ni le contrôle des informations transmises ou stockées ».
Ce critère dégagé par la CJUE est aussi appelé critère de neutralité.
L’hébergeur au sens de l’article 6-l-2° de la LCEN devrait remplir deux conditions cumulatives au sens de la CJUE pour bénéficier d’une telle qualification, selon le critère de neutralité.
- Ne pas avoir joué un rôle actif de par son activité purement technique, automatique et passive-(en premier lieu le juge devrait relever que l’activité est purement technique, automatique et passive).
- Ne pas avoir la connaissance ou le contrôle des données stockées-(en un second temps le juge devrait rechercher si le rôle actif/l’absence de passivité permet au prestataire d’avoir le contrôle ou la connaissance des données stockées).
En effet dans les arrêts cassés, les juges du fond énumèrent les faits qui confèrent selon leur appréciation souveraine un rôle actif à la société Google sans préciser que ces faits ne constituent en rien une activité purement technique, automatique et passive, et qu’ils sont de nature à conférer une connaissance et un contrôle sur les données stockées.
L’arrêt rendu par la Cour d’appel de paris le 19 novembre 2010 tire simplement les leçons des arrêts de cassation rendu dans la même affaire et suit le raisonnement juridique de la CJUE pour ne pas risquer d’encourir la cassation. Cet arrêt apporte de manière anticipée les précisions attendues concernant la caractérisation de la neutralité de l’hébergeur par les juges.
2- Le texte.
La CJUE dans cette affaire avait laissé entendre que le rôle de Google ne serait pas neutre, notamment si cet opérateur jouait un rôle effectif dans l’ « établissement et la sélection de mots-clefs ».Les juges du fond de par leur appréciation souveraine, ont appliqués les critères de neutralité au service proposé par Google pour en déduire que son comportement était neutre.
-La Cour d’appel de Paris estime, s’agissant du contrôle de Google sur la fourniture de son service « Adwords », qu’il se borne à mettre à disposition les termes suggérés par le générateur sans intervenir dans ce choix ni dans celui effectué par les annonceurs.
Une partie de la doctrine conçoit mal que Google par sa mise à disposition des termes suggérés à travers un générateur de mots-clefs ne soit pas considéré comme en ayant le contrôle. Ce même contrôle qui s'entend comme un pouvoir déterminant sur la finalité des données stockées. Il s’ensuit que Google possède un certain contrôle sur cette finalité, son générateur de mots-clefs aidant l’utilisateur à choisir des termes qui lui permettront un référencement favorable, ce jusqu’au nom d’une marque réservée.
La Cour d’appel de Paris voit le verre a moitié vide et non a moitié plein, le contrôle des données stockées au sens de la Cour d’appel de paris se voudrait donc absolu et non partagé.
Encore faut-il rappeler que les juges de la Cour d'appel de Paris rendaient dans le cadre de la jurisprudence Adwords un arrêt (CA Paris 1er février 2008) dans lequel ils qualifiaient Google d'éditeur en ce qui concerne son service Adwords, Google fournissant une prestation de publicité contextuelle.
Les juges de la Cour d'appel de Paris ont donc relevés, il y a 3 ans, que son générateur de mots-clefs fournit une assistance à l'annonceur qui souhaite optimiser la visibilité de son site internet, que Google fournit les mots-clefs, et parmi eux les signes distinctifs protégés. Enfin, que Google affiche ces marques à l'écran de l'internaute en association avec les produits ou services interrogés.
Ces éléments de nature à caractériser un contrôle de Google sur les données stockées dans le cadre de son service Adwords, et au sens de la CJUE, n'ont pas été repris par les juges parisiens pour caractériser ce même contrôle. La Cour veut un contrôle absolu, elle le montre en relevant que l'annonceur opère un choix, un contrôle, déterminant sur l'utilisation de ces données.
Les juges d'appel pouvaient suivre leur ancienne jurisprudence, pourquoi l'abandonner? Est-un retour à l'esprit de la LCEN qui cherche à favoriser l'économie numérique? La CJUE leur avait en tout état de cause laissé le champs libre.
-S’agissant de l’absence de connaissance des données stockées, elle retient que la connaissance de « données fautives introduites dans son système par les annonceurs » ne peut « se déduire de l’enregistrement et du traitement automatique des informations entrées ».Sur ce point la Cour suit le raisonnement selon lequel la connaissance doit etre humaine.
Cet arrêt montre que le critère de neutralité selon lequel « l’hébergeur doit avoir eu une activité purement technique, automatique et passive impliquant son absence de contrôle ou de connaissance des données stockées » est apprécié restrictivement par les juges.
En effet les juges du fond recherchent uniquement si la société Google à eu la connaissance ou le contrôle des données stockées pour en déduire son rôle passif et sa qualité d’hébergeur. Hors si l’absence de connaissance ou de contrôle des données stockées « impliquent » une absence de rôle actif de Google, selon la CJUE, les juges auraient pu considérer que le terme d’ « implication » utilisé par la CJUE permettait de prendre en compte d’autres éléments de nature à caractériser un rôle actif de l’opérateur.
Le critère de neutralité dégagé par la CJUE afin de qualifier l’hébergeur comporte seulement –l’absence de connaissance et de contrôle (contole entier semble t-il) sur les données stockées-et non l’absence de rôle actif généralisé selon la Cour d’appel de Paris.
On en attendait beaucoup de la CJUE en la matière, les juridictions nationales conservent cependant toute leur lattitude pour interpreter des notions larges et floues-Celle de controle, celle de connaissance.
[1] [1] Cass.com., 13 juillet 2010, SARL Google France c/ Groupement interprofessionnel des fabricants d’appareils d’équipement ménager (GIFAM), SARL Google France c/ Louis Vuitton malletier, SA Google France c/ Sté CNRRH, SARL Google France c/ SA Viaticum.
[2] CJUE, 23 mars 2010, affaires jointes, Google France SARL, Google Inc. c/ Louis Vuitton Malletier SA, Google France SARL c/ Viaticum SA, Luteciel SARL, Google France SARL c/Centre national de recherche en relations humaines.